Nièce ingrate

[Fugen]

(Après avoir perdu un long pavé que je venais d'écrire) Je revendique le qualificatif de nièce ingrate, ou bien "Je n'ai pas le sens de la famille". (On ne choisit pas sa famille)
La venue d'une tante (83 ans), la soeur de ma défunte mère, qui décide de revoir les lieux de son enfance mais débarque sans aucune organisation comme si tout lui était du (Transport, visites, hébergement) pour un mois et demie et sans avoir aucune conscience de ce que son état et celui de son mari peut générer en matière de besoin et de stress sur nous. Une personne avec qui je ne me sentais pas précisément de lien malgré ses tentatives récentes de rapprochement via les visio. Je suis encore à me demander si je dois lui trouver des circonstances atténuantes au vu de son âge, mon sens de l'empathie à des limites.

[Dubreuil]

sans avoir aucune conscience de ce que son état et celui de son mari peut générer en matière de besoin et de stress sur nous.
*** "Nous ", c'est qui ?

[Fugen]

Nous c’est ma soeur (chez qui ma tante s’est installée) et moi. C’est aussi les gens chez qui elle avait prévu d’aller dans leur demander leur avis. Mais ça a été annulé son mari ayant eu des symptômes inquiétants (micro avc ou autre) qui se sont arrêté quand il a appris qu’il rentrait plus tôt.
Je me demande si l’on est autorisé à être sincère avec une personne de 83 ans ou si parceque c’est possiblement son dernier voyage on doit tout laisser passer.
En fait je sens que mon plafond de tolérance est bas car mes besoins actuels sont d’un recentrage nécessaire urgent et vital.

[Fugen]

C'est bizarre, je me sens en colère avec une sensation d'être envahie, et en même temps j'ai l'impression de surréagir quand j'entends les points de vue extérieurs "c'est ta tante, ta seule famille, elle va bientôt partir, elle a 83 ans ce qui explique son comportement et ses propos, probablement la dernière fois que tu la vois, sois patiente avec elle"

[Dubreuil]

En fait je sens que mon plafond de tolérance est bas car mes besoins actuels sont d’un recentrage nécessaire urgent et vital.
*** Déclarez-vous malade contagieuse ( symptômes covid) et virez les indésirables sans-gêne grossiers et indélicats, 100 ans ou pas, ils ne sont pas à la rue. Allez zou !
Et ensuite dits que vous allez les INVITER, dès que vous irez mieux. Et faites-le en préparant, VOUS, A votre rythme, leur arrivée.

[Fugen]

MERCI!
Ah ça fait du bien de lire enfin quelqu'un qui ne tient pas des propos culpabilisants!
De fait je suis tombée malade et me suis retrouvée au urgences pour cause de saturation très basse; j'ai bien eu peur d'avoir le covid mais non.
(bronchite aigue)
Ce qui m'a permis de m'éloigner un moment .
J'ai revu ma tante et son compagnon et ai passé un moment avec eux, je me suis sentie moins en colère (voir plus du tout).
Pourtant elle a des demandes absurdes comme demander de récupérer un bijou que ma mère aurait "volé" après la mort de ma grand mère il y a des décennies,
ou demander de récupérer les carnets de chants scouts de ma mère (que cette dernière n'a pas volé pour le coup).
C'est comme si à l'approche de sa fin elle demandait réparation sur des dommages dont elle s'estime victime de la part de ma défunte mère. Il n'y aura pas d'autre voyage, elle et son compagnon vivent en Suède et ils sont en très mauvaise santé.
Ma tante qui a vécu longtemps en Israël puis en Suède est toujours restée éloignée de nous jusqu'à il y a quelques années. Je ne me sens que peu de liens avec elle du fait de peu de souvenirs d'enfance, et pas d'échanges épistolaires jusque récemment où il se sont fait vraiment plus fréquents. Sa vie en Israël et sa religion d'adoption me laissaient insensible, j'avais du mal à m'intéresser à elle..

[Dubreuil]

CONSIDERATIONS PSYCHOLOGIQUES SUR LE GRAND AGE

D’un enfant de 3 ans qui parle à un copain imaginaire, on ne dit pas qu’il a des hallucinations. Il fait fonctionner son imagination et copie ses parents en imitant des attitudes verbales. On dit que c’est un comportement normal pour son âge.
On accepte également que certains comportements aberrants de l’adolescence soient liés à l’étape transitoire du passage de l’enfance à l’âge adulte.
Pourquoi ne pas donner à la personne âgée, la même compréhension avertie et sereine dans l’originalité de son cheminement psychologique et neurologique vers sa propre fin de vie ?
Pour comprendre le comportement des personnes âgées, on est immanquablement amenés à tenir compte de leurs modifications physiques, psychiques, sociales, et psychologiques. A ce titre, ne devrait-on pas considérer un vieillard comme ayant lui aussi un comportement normal quand il réactualise des événements, des personnes de son passé, ou quand à travers un autre résident, ou un soignant, il croit réellement voir quelqu’un d’autre faisait partie de son passé ?
Le comportement du très grand âge n’est pas seulement lié aux modifications anatomiques dans le cerveau, il reflète également l’ensemble des changements physiques, sociaux et psychologiques qui ont existé au cours de la vie entière.
On ne peut obliger une personne âgée à changer de comportement. Les comportements ne peuvent changer que si la personne le peut, et/ou le veut.
Quand la mémoire des faits est défaillante, les adultes âgés essaient de rééquilibrer leur vécu en se retirant dans leurs souvenirs anciens. Si la vue faiblit, ils utilisent les yeux de l’esprit, s’ils n’entendent plus correctement, ils ravivent et écoutent les bruits de leur passé.
Certaines personnes abordant « la grande vieillesse » portent en elles le poids des jugements humains extérieurs, et le regret intense des choses inaccomplies dans leur vie. Avec un passif douloureux non résolu, elles portent un lourd fardeau d’émotions et luttent dans leur grand âge pour les mener à bien.
Inconsciemment elles réactualisent les événements, et/ou se servent des gens qui les entourent en les substituant aux souvenirs et aux personnes de leur passé pour se décharger sur eux de leur sentiments douloureux.
Cet ensemble, ou ces détails, faits de regrets, d’insatisfactions, de désespoirs qu’elles avaient cachés, maîtrisés, font brutalement irruption au soir de leur vie.
Ex : ce qu’elles n’ont pas osé dire, ou faire, ou encore ce qu’elle ont dit ou fait qui n’a pas été compris, ou d’une façon négative ou dramatique par l’entourage.
Ex : Garder en soi depuis quelques heures, ou il y a 2 ans, ou 40 ans, une humiliation, ou une incompréhension douloureuse sans avoir pu s’expliquer, se justifier, ou encore ne pas avoir eu de reconnaissance de la part de ceux pour qui on a sacrifié ses propres désirs, ne pas avoir reçu de pardon pour une faute que l’on a commise et que l’on regrette amèrement…
Tout cela peut entraîner chez la personne âgée de graves dommages psychologiques.
Les sentiments douloureux diminuent s’ils sont exprimés, reconnus et validés par une personne de confiance qui sait écouter. L’empathie crée la confiance, réduit l’anxiété, et restaure la dignité.
Ignorés ou niés, ces mêmes sentiments augmentent et aggravent le déséquilibre psychique.
Ces vieillards font leurs bagages pour le voyage final, ils déballent leur linge sale conservé dans le magasin de leur existence. Ils luttent pour réparer, assumer, ou finaliser les tâches restées en suspend. Très affairés ils s’activent pour empaqueter les bouts perdus de leur passé.
Il ne s’agit pas là d’un retour conscient ou volontaire vers leur vie antérieure, mais la résultante d’un profond besoin humain : celui de mourir en paix.

[Dubreuil]

C'est comme si à l'approche de sa fin elle demandait réparation sur des dommages dont elle s'estime victime de la part de ma défunte mère.
*** Certaines personnes partent en paix, d'autres considèrent qu'elles ont été lésées d'amour et d'attention de la part de leur mère, par exemple. Il se peut que votre tante considère qu'elle a manqué plus que votre mère. Elle veut partir en paix, "réparée".. comme elle le peut.

[Fugen]

Merci beaucoup, tout ce que vous dites est cohérent et fait écho aux demandes de ma tantes, également à ses frustrations exprimées de ne pas s'être sentie aimée par sa propre mère et d'avoir cru voir en ma mère la préférée (je dis cru car ce n'est pas ce que ma mère exprimait, du moins de son coté elle détestait sa mère).
Vous mettez des mots clairs sur ce que je devinais, et je peux mettre de coté mes propres projections et amertume héritée de ma mère que je cotoyais du temps des querelles entre elle et ses soeurs; et ainsi je peux être capable d'empathie du moins ne pas me sentir affectée.
Ma tante nous a appris qu'elle a décidé de devenir juive en réaction à l'antisémitisme de sa mère; et après avoir appris et lu sur le génocide. Moi qui croyais qu'elle l'était devenue par amour d'un homme plus tard rencontré à Paris, non, elle serait entrée dans une cynagogue. Et quand le rabbin lui a demandé pourquoi elle faisait le choix, elle a répondu qu'elle voulait être du coté des victimes.

[Dubreuil]

A notre naissance, inconsciemment nous culpabilisons de ne pas être l'enfant idéalisé de nos parents.
Nous naissons donc déjà TOUS COUPABLES d'une chose que nous ignorons, mais qui donne jour à "l'angoisse" existentielle.
Si dans la vie courante, l'enfant à l'affût d'être à la ressemblance de l'enfant idéal qu'il croit voulu par les parents, déjà désespéré à l'avance, se croit, ou se sait moins aimé que son frère ( rappel biblique de Caïn et Abel), sa culpabilité est à jamais justifiée. Elle prend forme et consistance, pouvant alors conduire à la pathologie de la jalousie, voire au meurtre.
Quoi de plus naturel pour une enfant qui se croit mal aimée, que de justifier sa douloureuse certitude en se ralliant à la cause d'un peuple martyr, choisi depuis la nuit des temps comme responsables de tous les vices et malheurs de l'humanité (voir la haine inextinguible des nazis).