Beau-père violent et traumatismes

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Murphy13
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Beau-père violent et traumatismes

Message par Murphy13 »

Bonjour à toutes et à tous !

J'écris aujourd'hui parce que je vais être maman pour la première fois dans quatre mois, si tout va bien. Et je crois que, confrontée à mon rôle de parent, j'ai besoin de raconter ce que ma mère, mon frère, ma sœur et moi avons vécu. Parce que nous n'avons jamais été entendus et que nous avons traversé des instants sombres en croyant que c'était normal.
Je m'explique...

Lorsque j'avais 1 année et mon frère 3, ma mère, fraîchement divorcée, s'est mise en couple avec un homme. Quelques années plus tard, ils se sont mariés, puis ma petite sœur est née. Cet homme était un homme drôle et passionné, bien que sujet à des accès de colère, et à ce que ma mère appelait "bêtises". Ce sont ces dernières qui l'amenaient derrière les barreaux de temps en temps ou qui lui faisaient porter un bracelet à la cheville. Ma mère nous a rapidement expliqué l'enfance difficile qu'il avait subie et toutes les souffrances qui l'accompagnaient depuis. Pour elle, rien n'était de sa faute. Bien des fois, elle nous a expliqué que si nous lui donnions assez d'amour, si nous l'entourions bien, alors il pourrait changer parce que l'amour guéri tout. Un implicite contrat a alors été scellé ; peu importe ce qu'il faisait, nous ne l'abandonnerions pas.

Rapidement, j'ai senti que cet homme, émotionnellement, était plus un enfant qu'un adulte. Il se fâchait pour des broutilles et se comportait avec nous (les enfants) de manière "horizontale", ce qui était à la fois chouette (dans le cadre des jeux) et perturbant (dans le cadre des colères).

Et puis, il y avait sa voix qui enflait, qui devenait haute, métallique et qui fracassait tout sur son passage. Je me souviens de ces soirs où, tapie dans mon lit, j'étais heurtée par ses éclats de voix agressifs, haineux, ponctués par la mélodie tempérée de ma mère qui essayait de le calmer. Sous mes couvertures, je sentais mon cœur cogner dans ma poitrine et des sueurs froides me parcourir le dos. C'étaient ses menaces qui me terrifiaient le plus. "Arrête ça toute suite parce que je vais t'en foutre une !" Ça me choquait terriblement qu'il dise ça à ma mère, qui était une adulte, et ça me mettait dans un état de rage folle. J'avais envie de descendre (nos chambres se trouvaient à l'étage) et de lui sauter dessus pour protéger ma mère. Parfois, j'entendais des bruits étouffés et je savais qu'il la bousculait, la secouait ou je ne sais quoi. Ma mère, elle, restait calme, passive. Désespéramment passive.

Parfois, cet homme partait. Il préparait dramatiquement ses valises, en tapant des pieds dans les escaliers, en frappant les portes des armoires, il claquait violemment la porte d'entrée et démarrait sa voiture en trombe. Souvent, c'était tard le soir. Mon frère et moi allions vers notre mère pour la consoler et je me souviens encore des paroles de mon frère "Ne t'inquiète pas maman, il va faire le tour du quartier et il va revenir." Même nous, du haut de notre enfance, avions compris le jeu de manipulation. Ma mère, elle, avait l'impression de mourir à chaque fois.

Un jour, en proie à une colère, il écrasa rageusement à coups de marteau la crèche de Noël que nous avions fabriquée.

Et puis, j'ai grandi. Et avec moi, ma colère. Vinrent ces moments où je me suis mise à m'interposer et où je m'en ramassais plein la tête. Mais c'était jouissif en comparaison avec ces moments où j'étais prostrée. Je préférais un million de fois subir les foudres de cet homme plutôt que d'assister, impuissante, à la persécution de ma mère. S'il criait, je criais. S'il frappait, je frappais. Puis, je me faisais rabrouer par mon frère et ma sœur "Tu empires les choses" me disaient-ils. Pour la famille, j'étais l'enfant, l'ado puis la jeune femme "en colère" qui peinait à se maîtriser.
Le vilain petit canard.
Un jour, après une de ses crises, j'ai craqué. Je me suis mise à pleurer, pleurer, comme une enfant, épuisée, me tenant au mur pour ne pas m'effondrer. Sous le regard inquiet, interrogatif, presque impatient de ma mère, j'étais incapable d'expliquer pourquoi je pleurais. Mon instabilité me culpabilisait.

Je ne compte plus le nombre de fois où, confrontée à sa souffrance et sa noirceur, j'ai eu cru devenir folle. Folle de peur, de douleur, de colère.

Adolescente, pendant quelques années, j'ai évité de me retrouver seule dans la même pièce que lui. J'en avait viscéralement peur.

Après chaque épisode violent (et il y en a eu des craquées), nous étions programmé pour faire comme si de rien était. Il revenait et c'était comme s'il ne s'était rien passé. Ma mère l'accueillait avec légèreté et nous suivions. Je ne l'ai jamais entendu s'excuser. C'était comme s'il oubliait systématiquement ce qu'il s'était passé. Nous avalions notre peur, notre sentiment d'injustice et nous continuions notre petit quotidien.

Cet homme finissait invariablement par être déçu par ses proche. Quoi que nous fassions, il y avait toujours un moment où nous allions oublier de montrer notre reconnaissance éternelle envers "tout ce qu'il faisait" et, à ce moment-là, nous avions le droit à sa colère, sa rancœur et la dureté de ses paroles. Il n'allait plus jamais nous voir, plus jamais nous parler, il allait "couper le lien chirurgicalement". Cette litanie, je l'ai entendue et réentendue des centaines de fois. Il était toujours victime et les autres bourreaux. Sa fille biologique (ma sœur) a eu le droit à ce genre de reproches alors qu'elle n'était qu'une enfant. Amour, puis désamour. Incessamment.

Pour cet homme, aimer signifiait offrir. Se montrer généreux. A Noël, nous avions le droit à de beaux cadeaux. Il pouvait se montrer souriant, sympathique, sensible. Nous en profitions, parce que nous savions pertinemment que ça n'allait pas durer. J'ai passé mon existence à guetter ses gestes, ses expressions, ses réactions... pour savoir quand est-ce que la bombe allait exploser en emportant tout avec elle.
Certaines périodes étaient propices aux crises, comme les anniversaires, les réunions de familles, etc. Ma mère prenait alors tout en charge et cet homme était comme un ciel orageux menaçant à ses côtés, jouant avec sa tension, elle qui était prête à tout pour préserver les apparences.
J'observais alors ma mère qui observait cet homme, et les autres à proximité, sur leur garde. Personne n'osait être vraiment soi-même en sa présence. Lorsqu'il parlait aux gens, il était le champion du monologue et il était capable de vouloir apprendre à un chirurgien à opérer.

Une fois, cet homme a cassé le nez de ma mère. Ce jour-là elle a appelé la police. Le juge en charge de l'affaire l'a classé sans suite, parce qu'il a considéré que ma mère avait très probablement usé d'une grande violence psychologique à son égard pour qu'il en arrive à lui briser le nez.

Une autre fois, cet homme s'est mis à faire du pendule, m'a annoncé que j'était "un ange de lumière" et qu'il connaissait les réponses à toutes les questions de l'univers. Quelques jours après, affamé et en manque de sommeil, il a disparu. Lorsque nous avons enfin réussi à l'atteindre, il nous a dit qu'il était parti "tuer" des personnes qu'il suspectait de lui avoir jeté des sorts de magie noire. Nous avons appelé la police qui l'a intercepté à temps et escorté à l'hôpital psychiatrique. Trois heures après, il est sorti et est rentré à la maison en colère contre nous.

Un jour, cet homme a coincé les doigts de ma mère dans une porte métallique, si fort qu'elle en a perdu trois phalanges. Elle a prétexté s'être mutilée toute seule, par accident. Lorsque j'ai appelé cet homme, il sanglotait en disant qu'il allait mettre fin à ses jours et j'ai compris que c'était lui. Elle me l'a avoué par la suite. Il n'a jamais mis fin à ses jours et ne le fera jamais, j'en suis persuadée aujourd'hui.

Il s'est passée tant de choses... je pourrais écrire et écrire encore tellement, mais je dois arrêter parce que ce post sera bientôt complètement indigeste.

En 2015, ma mère a réussi à quitter cet homme après 25 ans de vie commune. Aujourd'hui, elle a un nouveau mari aimant et stable et est heureuse. Elle commence à prendre conscience qu'elle a été maltraitée et à vouloir parler. Longtemps, elle a continué à fêter son anniversaire et à le voir, par culpabilité. L'emprise était toujours là. Récemment, elle n'a plus été en mesure émotionnellement de le voir et a coupé le lien. Souvent, elle a peur. Peur qu'il vienne lui faire du mal.
Mon frère manque de repères paternels et utilise parfois les expressions de cet homme, ce qui me fait frissonner.
Ma sœur a peur d''inviter son père à son mariage. Elle a choisi de prendre le nom de son futur mari pour pouvoir s'affranchir de ce nom lourd à porter.
Quant à moi, je ne lui ai toujours pas annoncé ma grossesse par crainte de le ramener dans ma nouvelle vie et celle de mon enfant.
Lui, de son côté, n'ayant plus contact avec notre mère, s'est désintéressé de nous. Je commence à comprendre que, pour lui, seule ma mère comptait.

Nous ne savons pas quelle place lui donner. Nous sommes ne savons pas quoi faire de cet amour filial qui existe, mêlé à toute cette horreur. La culpabilité nous tenaille encore. Nous ressentons le soulagement des rescapés, tout en culpabilisant de l'abandonner.

Est-ce que quelqu'un ici est en mesure de me dire ce qu'il s'est passé ?

Est-ce que quelqu'un a réussi à identifier à peu près quel est problème de mon beau-père alias "cet homme" ?

Je crois que, cette fois, j'ai vraiment besoin de raconter, qu'on nous entende et qu'on valide notre peur et notre statut de victime.

Et j'ai absolument besoin de m'affranchir de tout ça et d'en finir avec ce fantôme.

A celles et ceux qui sont arrivés jusqu'ici, merci pour votre lecture et votre attention.

Je vous souhaite une bonne journée et plein de belles choses aussi.
Dubreuil
Psychologue clinicien
Messages : 19311
Inscription : 03 août 2012, 17:28

Re: Beau-père violent et traumatismes

Message par Dubreuil »

Quant à moi, je ne lui ai toujours pas annoncé ma grossesse par crainte de le ramener dans ma nouvelle vie et celle de mon enfant.
** *Ne lui dites rien. Ce serait en effet une invite pour lui à " revenir " torturer des victimes, et votre enfant.

Nous ne savons pas quelle place lui donner. Nous sommes ne savons pas quoi faire de cet amour filial qui existe, mêlé à toute cette horreur. La culpabilité nous tenaille encore. Nous ressentons le soulagement des rescapés, tout en culpabilisant de l'abandonner.
*** C'est lui l'adulte, et vous les enfants. C'est lui qui vous a martyrisés, qui n'a pas tenu son rôle d'adulte protecteur. Pas plus que votre mère qui amis ses enfants en danger par lâcheté. N'inversez pas les rôles.

Est-ce que quelqu'un ici est en mesure de me dire ce qu'il s'est passé ?
*** Vous avez vécu avec un homme présentant de graves troubles du comportement et une mère qui s'est prise pour sa mère, et son infirmière psychiatrique.
L'amour ne guérit pas la folie. Les deux n'ont rien à voir ensemble

Je crois que, cette fois, j'ai vraiment besoin de raconter, qu'on nous entende et qu'on valide notre peur et notre statut de victime.
*** Chacun doit se faire entendre " en son nom ", vous devez aller parler de VOUS et de tout cela avec un psy qui sera neutre et bienveillant.
Il est sans doute probable que vous présentiez un état de stress post-traumatique.

Dans ce forum, lisez : " URGENT, C'EST LETOURNANT DE MA VIE ", vous y trouverez beaucoup d'explications concernant les moments de votre vie.
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
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