Bonheur

Forum tristesse, chagrin, songerie, remords, mal être
Quentin.N
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Inscription : 19 nov. 2018, 19:50

Bonheur

Message par Quentin.N »

Je ne sais pas si ce post rentre dans cette sous-section du forum. Je ne cherche pas d'aide ou de conseils, j'avais simplement envie d'écrire sans réfléchir.

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Aujourd'hui, pendant cinq bonnes minutes, j'ai connu le bonheur. Avez-vous jamais connu le bonheur? Ce sentiment si recherché, si dénaturé par le capitalisme, si exagéré, si représenté par notre société comme une chose atteignable uniquement par le fruit d'un dur labeur? Avez-vous déjà été réellement heureux, sans arrière-pensée ni manque?
Je l'ai rarement été. Déjà enfant, après avoir passé mes 7 ou 8 ans, j'étais déjà un enfant à part. Pas un génie, pas un surdoué, pas plus qu'un asociable; simplement un enfant réalisant lentement à quel point ce monde est pourri, à quel point la vie en société, l'amitié, les émotions, ne sont pas une chose nous rendant heureux mais un état obligatoire si l'on veut s'intégrer. Mes émotions sont là, enfouies, mais seuls quelques rares déclencheurs me permettent encore de les exprimer vraiment, sans barrage.
Je dois vous paraître ridicule, n'est-ce pas? Un jeune adulte, en manque de reconnaissance et qui se plaint simplement de la société car il est trop paresseux pour s'intégrer. Un asociable qui ne fait aucun n'effort et n'arrivera jamais à rien. Un narcissique, et égoïste qui plus est. Voilà probablement ce que vous pensez, si vous en venez à lire ces mots.
Ce n'est pas le cas. Je pense être plutôt lucide au contraire, sur ce qu'est ce monde. Paresseux? Certes, quand mes efforts profitent à "la société" et non à l'Homme. Asociable? Assurément, mon aversion pour la société n'est plus à prouver. Narcissique? Peut-être bien, égoïste à coup sûr; mais en même temps désireux de travailler dans l'intérêt d'autrui; désireux de m'ouvrir à des gens qui me comprennent et qui pourraient être des réels amis; désireux d'aider, toujours plus, si cette aide pouvait profiter à des gens dans un réel besoin, et dont je verrais les bienfaits.
Mais je diverge, je divague... Le bonheur disais-je? Je l'ai connu aujourd'hui. Faites donc un simple effort d'imagination : la nuit est tombée depuis peu, les dernières lueurs rougeâtres disparaissent derrière les barres d'immeuble, le calme du soir n'est troublé que par les rares passages de véhicule. Situation assez banale n'est-ce pas? Arrive la neige. La neige que je n'ai pas vu depuis près de 4 ans, exceptée pendant les vacances d'hiver où elle est si abondante qu'on n'arrive même pas à saisir l'ampleur de sa splendeur. Elle tombe, virevolte, encore toute faible : c'est la toute première neige de la saison. Rentrer de l'école dans le froid qui l'est juste assez pour être agréable et dans ces conditions est agréable n'est-ce pas? Mais plutôt banal si l'on ne fait pas attention aux alentours...
Seulement, avec de la bonne musique plein les oreilles, les jambes en pleine forme après être resté assis, on oublie facilement le monde et ses problèmes, et on se laisse hypnotiser par la beauté du paysage. Pas besoin de paysages à couper le souffle, de canyons immenses ou de chutes vertigineuse. La simple vue de ces flocons tombant doucement vers moi, alors que je marche paisiblement, avec en fond le ciel bleu marine. Vous avez l'habitude des lampadaires, présents au quotidien et presques invisibles pour nous. Pour moi, ils rendaient cette atmosphère vingt fois meilleure. La clarté vive qui permet de se déplacer comme en plein jour, mais juste assez faible pour qu'on puisse la regarder sans devenir aveugle, la douce lumière qui n'est pas tout à fait blanche, mais dont la légère teinte jaune rend la rue chaleureuse, le bleu du ciel bien plus magnifique derrière. "Tout ça combiné, pensais-je, ou plutôt ressentis-je, n'est-ce pas le bonheur?", un sourire heureux apparaissant naturellement sur mon visage bien trop peu habitué à ce genre d'expression. "Que j'aie un chien avec moi, et la fille que j'aime, et je pourrais marcher sans y penser jusqu'au bout de cette rue, fût-elle infinie, à savourer encore et encore ce moment". Une pensée bienheureuse, fugace instant de bonheur, preuve d'un instant trop vite parti.
Avez-vous jamais connu le bonheur? Cet instant éphémère, où l'on ne pense à rien, où la beauté du monde s'offre à vous tout naturellement? Ce moment, bien trop court, avant que tous vos soucis, votre tristesse, votre solitude ne vous retombent dessus? Probablement pas. Voilà bien longtemps que trop de monde a oublié ce que c'est, le vrai bonheur.
Et après le bonheur, quoi donc? On revient à la "réalité", torture sans nom pire que ce qu'on pourrait souhaiter au pire d'entre nous. Torture cruelle à laquelle on soumet tout un chacun, sans autre raison que celle d'être vivant. La réalité hein? Quelle tristesse. Voilà le grand retour du narcissique, de l'égoïste, du plaintif.
Je suis seul. Autant dans physiquement que mentalement, quelle solitude... Physiquement, j'ai une famille, j'ai des camarades de classe, mais que je ne vois jamais, je suis toujours seul et reclus, dans mon appartement, ma caverne. Mentalement? C'est encore pire. On peut toujours feindre d'apprécier des gens, de passer du bon temps avec eux. Ils ne seront jamais que de pâles copies de ce que devraient être des "amis". Personne pour me comprendre, personne pour m'entendre, personne avec qui tout partager. Je suis d'un pessimisme tel, que j'ai un problème à chaque solution. Je suis d'un cynisme tel, que je vois le mal là où il n'y a que des humains tentant désespérément de survivre.
Je n'ai pas de chien : je serais bien incapable de m'en occuper correctement, je n'ai pas de travail pour ne serait-ce que payer l'appartement et sa nourriture. Je n'ai pas non plus de copine : "c'est normal, me direz-vous, à ton âge on a encore plein de temps devant soi". Le temps n'est pas le problème. Je suis amoureux, follement, éperdument, sans aucune raison qui ne vaille un amour aussi intense, d'une fille. Une fille dont je ne suis même pas sûr des sentiments; une fille qui occupe mes pensées la majeure partie du temps; une fille qui m'est totalement inaccessible car elle vit dans un autre pays, parle une autre langue, a une autre culture, une autre religion, et pense autrement. Étrange n'est-ce pas, comme la vie est faite?
Hélas, le bonheur que je vise n'est qu'une illusion inatteignable, fruit de mon imagination bien trop développée, douce utopie qui ne verra jamais le jour... Les seuls qui vivent sans rien faire sont les oisifs, qui ne méritent que de brûler en enfer, et les fous, internés, nourris, lavés, constamment dans un rêve accessible par eux seuls... Ne sont-ce pas là les seuls vrais lucides, les seuls ayant atteint leur utopie véritable? J'en viendrais presque à vouloir devenir fou moi-même...
Mais ne le suis-je pas déjà en quelque sorte? Perdu dans mes mondes imaginaires, livres, vidéos, animes, où donc suis-je plus vivant et heureux que dans mon imaginaire?

Quentin
Dubreuil
Psychologue clinicien
Messages : 19311
Inscription : 03 août 2012, 17:28

Re: Bonheur

Message par Dubreuil »

" Aujourd'hui, pendant cinq bonnes minutes, j'ai connu le bonheur."

Merci de votre témoignage ! cela me plaît à juste titre, dans le sens où j'anime un groupe de personnes présentant un cancer, ou une maladie grave ( Méthode Simonton ).
Loin de moi l'idée de " ternir " cette sensation de bonheur qui nous anime plus ou moins tous un jour où l'autre, et sans justificatif particulier ( gagner au loto, être amoureux, etc... ) elle existe bien, et peut " nous prendre " parfois n'importe quand, à notre table de travail, dans un tram, ou au fin fond de l'Amazonie, elle est certes " induite " par notre subconscient, et l'environnement dans lequel nous nous trouvons dans son immédiateté, mais aussi par le bon état de nos viscères ( ! ) un " truc " qui s'est dégagé tout seul dans notre inconscient " où un moment ténu quand le stress a lâché prise un millième de seconde ( !) une pensée qui ne vient pas jusqu'à la conscience mais frappe à sa fenêtre ( ! ) ou encore par mille autres motifs tout aussi hétéroclites et personnels pour chacun d'entre nous.
C'est pourtant malheureusement dire que nous ne sommes pas tous à la même enseigne, et que si pour certains " cela peut revenir " pour d'autres il faut un réel climat de " sécurité psychique "pour en retrouver les bienfaits. N'est pas " en bonheur " qui veut, mais qui peut ! ( à part ceux qui pratiquent sa recherche spirituelle dans des techniques ancestrales ).
Mais je voudrais approfondir avec vous ce sentiment, cette sensation éclatante et bienheureuse ... qui est également en corrélation avec nos cellules, et peut tout simplement agir sur notre santé physique, autant que mentale. D'où mon intérêt pour le psychodrame de Moréno ( jeu de rôles ) etla Méthode Simonton ( scénario de santé mentale individualisé contre la survenue d'un cancer ou d'une maladie grave ).

Et cette logique implacable : que si nous ne savons pas, cela ne veut pas dire que " ça n'existe pas ". Là encore, c'est une réponse qui nous est donnée pour une question que nous n'avons sûrement pas bien posée !
Ce que toute personne vient expérimenter lors de sa thérapie, c'est : - Voilà, j'ai mal ici ou là, je suis malheureus(e) en moi avec des tas de symptômes qui me pourrissent la vie, alors je viens vous voir pour chercher avec vous la bonne question qui s'emboite avec cette mauvaises réponse ! ( D'où l'expression : mettre la charrue avant les bœufs ! )
" Mais Docteur, si d'un coup vous la savez, ne me la dites pas ! Parce que c'est moi qui doit la trouver tout(e) seul(e) pour en guérir."
C'est pour cela que c'est génial la thérapie, et les psys ( qui ont compris ! )

Comme il est impossible de " capter ", d'emprisonner, de " définir cet état fugitif de " béatitude " bienheureuse qui nous arrive d'un seul coup, sans rimes ni raison ( ! ) je vais, pour vous, benoîtement le comparer à un flux d'amour soudain libéré par les cellules de mes systèmes sensoriels. Donc… mes neurones vont alors produire une pensée très agréable qui va à son tour communiquer directement par voie nerveuse, ou indirectement par les sécrétions de certaines de mes cellules glandulaires, avec différentes cellules de mon corps... etc, et l'état de bonheur dans lequel je me trouve est le résultat de la réaction de millions de cellules, responsables chacune d'elle de telle ou telle fonction, qui sous l'intant vécu, va induire cette pensée heureuse, cet état émotionnel correspondant au bonheur. Un bonheur cellulaire !
Et très logiquement; il en va ainsi des pensées malheureuses.
Donc, si j'accepte que ce que je ressens, ou pense, est le résultat de ce que ressent et " pensent " mes milliards de cellules, alors je dois ( par ex ) admettre que cette spiritualité que je croyais si personnelle, si intime, n'est que la résultante de mes réactions biochimiques !
Et si mon esprit me donne l'impression d'être moi, c'est simplement parce que ces réactions biochimiques mettent en jeu toutes mes cellules, au point que MES CELLULES SE CONFONDENT AVEC MOI.
Idem en thérapie : quand je pointe un stress mal géré, ce sont mes propres cellules qui sont dépressives ( ! ) Et quand nous sommes tristes, ce sont nos cellules qui le sont.
Et en partant de cette " conscience des cellules " de leur souffrance, de leur " suicide ", il y a beaucoup à dire sur le suicide d'une personne, que ce soit par le cancer, ou tout autre sénario de désespoir. Mais pour l'instant, ce n'est pas notre propos.
Mais si le " bonheur " s'invite chez vous aujourd'hui, c'est que vous avez déjà acquis, par la force des choses, de par votre structure physique et/ou mentale, d'une façon inconsciente ou pas, le gôut du bonheur...
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
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