Drôle de vie

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Zoubidou
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Inscription : 28 déc. 2021, 18:46

Drôle de vie

Message par Zoubidou »

Bonsoir, bonjour, ceci est un résumé de ma sale vie. J'en ai besoin, trop de choses ont été tues, censurées, niées. J'ai en moi un lot de souvenirs qui me pèse tous les jours. Prenez-en un peu, je vous en prie. Je crois que j'ai besoin de votre soutien. C'est un appel à l'aide.
J'ai 21 ans.

J'ai beaucoup souffert. Comme beaucoup, me direz-vous : c'est vrai, et comme beaucoup sans doute je culpabilise d'en faire le constat. Beaucoup souffrent et je devrais arrêter de m'en plaindre (la voix de ma grand-mère, qui m'a en partie élevée, résonne dans ma tête disant ces mots).
D'ailleurs "si tu étais moins égocentrique, ça irait mieux", et "moi aussi j'ai eu des difficultés, je n'étais pas sans cesse à m'attarder dessus", "quand cesseras-tu de te plaindre, quand vas-tu te bouger un peu et commencer à aider les autres ?", "si tu avais un peu plus travaillé, tu t'en serais mieux sortie", "les jeunes d'aujourd'hui sont paresseux et égocentriques" "mon père n'aurait jamais supporté ça, tu as de la chance, enfin, est-ce vraiment une chance d'être l'esclave de ses instincts ?", "il faut se fier à l'amour de dieu et partager, écouter les autres, donner aux autres et on se sent mieux, tu ne fais pas ça, c'est pour ça que ça ne va pas..." sont d'autres phrases qui m'accompagnent au quotidien.

Je suis née dans une famille atypique : ma mère est une immigrée venue de Madagascar. Elle s'est élevée seule, au sein d'une famille dysfonctionnelle et maltraitante, dans la misère. Sa mère, comme la tradition le veut dans ce pays, considérait sa progéniture (dès celle-ci capable de marcher et de se nourrir seule) comme ses serviteurs. A Madagascar, la mère est la reine, ses enfants en sont les objets.
Ma mère à moi a donc trouvé un travail de misère à seize ans pour nourrir sa grande fratrie et son tout jeune fils, que le père avait évidemment abandonné.
Mon père est un français métropolitain, bipolaire sévère depuis ses 19 ans. Instable, colérique et converti à l'Islam lors d'une crise maniaque (c'était à ma naissance), il pratique depuis un islam quasi-extrême, qui conditionne tous les aspects de sa vie. Il nie sa maladie et les effets de cette dernière, la nôtre a donc été conditionnée par ses humeurs qui évoluaient par pics, passant du rire aux larmes, de la paranoïa à la rage agressive.

J'ai donc été élevée par mes grands-parents français, mon père (fonctionnaire) a été muté dans une ville lointaine et ma mère l'ayant rejoint, j'ai vécu avec mes grands-parents de l'âge du biberon jusqu'à mes cinq ans. J'ai été diagnostiquée HPI (on disait alors "surdouée") et admirée par la plupart des adultes que je rencontrais (de par mon vocabulaire et la complexité de mes réflexions). Cela m'a sans doute desservi, notamment au niveau de mon estime personnelle, j'ai été et je suis affreusement susceptible, prétentieuse sans doute, et pour sûr égocentrique (en témoigne ce long message à mon seul sujet). Mais ces jours-là étaient, je crois, heureux.

A cinq ans, j'ai rejoint ma famille primaire. Mon petit frère était né.
Mon père refusait son traitement, les cris et les pleurs étaient monnaie courante à la maison. L'islam prenait une place prépondérante dans nos vies, je commençai à porter le voile en dehors de l'école dès 7 ans. Les récits monstrueusement détaillés de l'enfer pour les mécréants (mes grands parents, ma maîtresse, tous les vilains adultes du dehors) avec toutes ses tortures et châtiments m'obsédaient, nous passions tous nos week-end à prendre des cours religieux, nos vacances dans des "camps" où nous ^prenions des cours, le soir il fallait faire la prière, écouter des sourates, prier et ne rien dire qui nous fasse sortir de la religion...
Je ne parvenais pas à trouver la religion de mon père logique, je ne parvenais pas à y croire. Mais le bourrage de crâne faisait son effet et, à neuf ans, j'ai tenté de me suicider pour éviter le feu de l'enfer (un enfant qui meurt avant sa puberté va directement au paradis). Ma mère m'avoua plus tard avoir élaboré un plan pour nous tuer enfants mes frères et moi et nous éviter l'enfer, sans pouvoir se résoudre à passer à l'acte.

Elle, elle était interdite de sortie, d'inviter les quelques amies qu'elle se faisait dans le centre religieux. Mes "amies" (tentatives d'amitié vite avortées) n'étaient pas non plus autorisées chez nous. Et mes parents hurlaient, pleuraient, tapaient dans les murs et moi il fallait que je me taise, que je me cache dans mon monde imaginaire, mes livres, mes dessins et mes rédactions, pour "ne pas énerver papa", par ce que "papa est fragile". J'ai appris la nature de ses troubles à quatorze ans.
Je développais de l'asthme, des saignements de nez, des douleurs inexplicables pour mon entourage, qui me menèrent aux urgences, en hospitalisation... C'était en réalité un trouble factice (sans doute pour récupérer un peu de mon statut d'enfant).
Mon deuxième frère naquit un an après le premier.

A l'école, je grandissais étrange, aussi étrange que mon atypie naturelle et mon cadre familial pouvaient engendrer comme étrangeté. Petit rat de bibliothèque au discours décalé du reste de la classe, souvent sale, jamais peignée, souvent absente à cause de mes "maladies" imaginaires, ce tableau m'empêchait toute intégration. Mes notes suivaient, c'était facile, et ce jusqu'en sixième. Mes parents se sont alors séparés.

Je ne revis plus mon père pendant longtemps. Sans explication, comme ça, maman nous a pris dans une autre ville. Nous habitions chez sa sœur, dans un HLM bruyant, sale et bondé.
Ce jour-là, j'ai perdu ma mère. Elle s'est transformée en une femme lourdement maquillée qui parlait très fort une autre langue que la nôtre, le malgache. Elle ne nous regardait plus, ne nous parlait plus. Elle fumait et dansait et parlait malgache. Elle parlait avec ses sœurs, des hommes, des inconnus au regard vicelard, qui posaient leurs grosses mains autour de ses épaules dénudées dans un océan de fumée et de musique assourdissante. Elle buvait beaucoup, souvent. Elle s'absentait la plupart du temps, nous laissant seuls avec une cousine de cinq ans mon aînée, qui me détestait (j'étais pour elle une petite peste). Mes frères et moi étions les "petits français", les "camembert".
Souvent, les frères et sœurs de ma mère se moquaient de nous. Nous étions "toc-toc", fous, comme notre père, "maboul", "débiles mentaux". Jamais de ça elle ne nous a protégés. Parfois, elle riait avec eux.
Il y avait toujours des hommes, de la fumée, du bruit. De l'alcool à flots. J'avais alors dix ans. Mon cousin m'a fait, par deux fois, des attouchements (le soir dans le salon quand personne ne pouvait nous voir, je n'en parlai que des années plus tard). J'étais perdue.

Au collège, (j'avais deux ans d'avance) j'étais seule, mal aimée. C'était un collège de banlieue. Personne ne s'occupait de moi, je ne suivais rien, je me contentais d'exister en silence.
Ma mère se fichait pas mal que je réussisse ou non, il fallait pouvoir se vanter de moi ("ma fille est intelligente) et que je ne fasse aucune vague. J'errais, enfant seule et triste, et désespérée et perdue. Du petit lit que nous partagions à trois, au long trajet en bus dans la nuit, au collège où il fallait disparaître ("victime !", "cassos !", "sale hallouf !"), et rebelote.
Un jour, je refusai d'aller en cours, j'avais été insultée par une fille plus vieille la veille. Le collège inquiet ayant déjà contacté ma mère (car ils se doutaient de la maltraitance), elle me poursuivit jusqu'à l’arrêt de bus en me frappant avec un balai pour me forcer à y aller. J'ai beaucoup pleuré et me suis cachée dans la banlieue toute la journée Heureusement, ma mère se fichait pas mal des appels qui venaient du collège. Comme j'ai de la compassion pour ce pauvre enfant-là.Tout cela dura un an.

Aux vacances d'été, j'allai chez mes grands parents. Je les suppliai de me prendre chez eux, malheureuse que j'étais. Ils acceptèrent, évidemment.

Mais croire que tant de traumatismes allaient disparaître d'un coup, sans laisser aucune trace, c'était trop grand espérer. Et la vie chez mes grands parents, bien que financièrement très aisés et éduqués, fut loin d'être idyllique. De cette période, qui dura deux ans et demi, je ne revis ni mon père, ni ma mère, ni mes frères.

Le collège (privé, catholique, dans la campagne) n'enseignait qu'à cinquante élèves. Le racisme était virulent, abject, ma peau mate les dégoûtait, j'étais sale, j'étais une intello, j'étais une sale bougnoule de merde qui méritait la mort, je n'existais pas, je n'étais rien, j'étais une sale pute (car ma poitrine avait poussé entre temps, de petite crevette minuscule j'étais devenue une "femme" de douze ans, aux formes épaisses, au corps bien trop lourd pour moi). Poussée, huée en entrant en cours, harcelée : mon lot quotidien. J'en avais très honte.

Toujours aussi étrange, maintenant adolescente et mal dans ma peau, je me sabotais pour être acceptée, je sabordais mes notes et mon intelligence pour entrer dans le moule. Sans succès. Mes grands parents étaient "déçus de moi", ils attendaient mieux de ma part. De meilleures notes, un meilleur comportement envers eux.
Je me maquillais pour être "moins moche", je lissais mes cheveux. Tout cela décevait beaucoup mes grands parents. Je voulais "faire comme ma mère", j'étais "vulgaire". Ils me confisquaient mon "matériel de mocheté" (ah, ah). Je voulais juste être plus acceptée par mes camarades.
Le soir, en rentrant du collège, je mangeais, mangeais, mangeais, pour éponger les larmes accumulées dans la journée. Les larmes des insultes. J'avais honte d'être encore en échec alors que j'avais tout pour réussir, un cadre de vie correct, de l'amour et de l'attention sans doute, et on ne m'aimait toujours pas. C'était donc moi le problème, un échec, une sale merde. La colère envers mes grands parents grandissait aussi. Je grossissais à cause de la boulimie. J'étais désagréable, je me renfermais, de malheur, de dépit.

Ma grand mère me disait que j'allais finir comme une baleine, obèse, que je n'en étais pas loin (en réalité, je n'étais même pas en surpoids). Elle piquait des colères énormes lorsque je "volais" un fromage entier pour le boulotter sous mon lit, avant de le vomir dans les toilettes. Un jour, elle me poursuivit dans le jardin pour me frapper : "la nourriture, ça se partage ! qu'est ce que c'est que cet esprit d'égoïste ! je ne supporte pas ça !"

Un jour, elle trouva un carnet dans lequel je continuais d'écrire. Je l'avais caché sous mon matelas. Dedans, j'avais marqué mes souffrances quotidiennes, au collège, les disputes avec elle... Ma grand-mère m'accueillit le soir en riant, "alors comme ça ça se passe mal ? Tu veux retourner chez ta mère, c'est ça ? Tu n'en ferais pas un peu trop ? N'importe quoi d'aller raconter sa vie de manière romancée comme ça, n'importe quoi...". Je lui dis qu'elle n'aurait pas dû le lire, que c'était privé, et elle me rétorqua "tu n'avais qu'à le cacher, si tu ne voulais pas que je le lise !".

Un autre jour, j'étais terrorisée à l'idée d'aller en cours. C'était le jour du sport, du demi-fond, et je n'avais pas de soutien-gorge, ma grand-mère disait que c'était uniquement utile pour me sexualiser. Ma poitrine qui était un large bonnet C sautait à chaque pas de course. J'avais reçu lors de la première séance des rires, des insultes et des regards atroces. Je me suis empêchée de dormir toute la nuit pour avoir l'air malade et louper ce cours. Bêtement, j'en parlai dans mon carnet. Ma grand-mère m'accueillit un soir de la semaine suivante avec des hurlements, elle avait lu l'extrait et ne "supporte pas ce genre de choses".

A treize ans, j'étais ravagée. Je me mutilais les bras, me faisais vomir, m'engueulais tous les jours avec mes grands-parents. Je n'avais aucun ami, j'étais détestée, moquée. Seule, pour la énième fois. J'en garde un souvenir coupable, incapable de discerner ce qui relevait de l'injustice et ce qui relevait de mes propres vices. Ma grand-mère m'a dit plusieurs fois "manipulatrice", "menteuse", "perverse" durant cette période. Je ne sais pas. J'ai 21 ans et ça me torture toujours. Ces personnes m'ont sortie d'une condition misérable, ils m'aimaient, je suis certainement injuste à leur égard. Je ne sais pas.

J'ai été hospitalisée en pédopsychiatrie pour dépression grave dès que la psychologue du lycée du coin m'a rencontrée. Pourtant, je ne lui ai pas dit grand-chose, mais la détresse devait transpirer de tout mon être. Le psychiatre en chef du service évalua que mes grands parents étaient malsains pour ma santé mentale, et parla de me placer en famille d'accueil. Encore coupable d'avoir "abandonné" ma mère et mes frères, je décidai de retourner chez elle à ma sortie d'hospitalisation (qui dura huit mois, et où je développai des conduites anorexiques). C'était probablement une erreur.

Je m'arrête là pour le moment, je suis à mi-chemin des sales histoires de ma sale vie. J'ai souvent envie de me suicider. Ma vie est lourde. Je suis seule, seule, seule. Merci de m'avoir lue, si quelqu'un m'a lue. Merci. Si quelqu'un le désire, je pourrai poursuivre, car pour me comprendre il manque encore un gros bout. Je crois que j'ai besoin de votre soutien. C'est un appel à l'aide.

Merci pour votre lecture, peut-être pour votre réponse. Si personne ne répondait jamais, j'y serais habituée, ce n'est pas grave (oui, c'est pathétique). J'espère que vous vous portez bien.
dire.pour.oublier
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Inscription : 24 juil. 2020, 17:48

Re: Drôle de vie

Message par dire.pour.oublier »

Si on s'interdisait tous de demander de l'aide parce que "beaucoup souffrent" ou parce que "il y en qui souffrent plus que soi", personne n'oserait demander de l'aide, tout le monde souffrirait en silence.
On ne peut pas comparer la souffrance des uns et des autres en fonction de leur histoire, car chacun ne connaît pas pire souffrance que celle qu'il a connu.
Vous avez donc autant de légitimité que n'importe qui à raconter votre histoire et à demander de l'aide.
MAis ça, vous le saviez déjà, puisque vous avez été assez lucide pour savoir que ce scrupule et cette culpabilité venaient des phrases que vous assénait votre grand-mère ...

Et je vous ai lue. D'autres aussi vous ont lue et vous liront même s'ils n'oseront peut-être pas répondre. Ne vous retenez donc pas d'écrire et de publier la suite si vous en ressentez le besoin.

J'en parlait l'autre jour avec une amie, les appellations HPI/HPE ou "surdoué" ou "zèbre" ont effectivement tendance à donner à ceux qui se les voient affublé une tendance à développer une tendance narcissique. Mais la longueur de votre témoignage ne reflète en rien l'égocentrisme dont vous vous accusée. J'y vois plutôt un besoin légitime de vous exprimer, de raconter votre histoire, d'être entendue, et de vous en libérer.

Continuez à écrire SVP. Et je voudrais aussi savoir où vous en êtes maintenant, si vous vous êtes émancipée de votre famille, si vous avez votre chez vous, un travail, un environnement plus sain, des fréquentation saines, etc. ou quels sont les obstacles que vous rencontrez vers une vie meilleure que vous allez vous construire.
Louison.vertigo
Messages : 62
Inscription : 23 nov. 2021, 16:28

Re: Drôle de vie

Message par Louison.vertigo »

Tu as une vie lourde et pleine de souffrance, écris si ça te fait du bien, si ça peut te soulager, il n'y a pas de mal à parler de toi, au contraire, tu as le droit de penser à toi et c'est bien que ru cherche de l'aide.
Vois-tu un psy? As-tu une personne de confiance dans ton entourage ? Quelqu'un qui peut te soutenir, un ami? Tu dois être pleine de ressources pour avoir réussi réussi surmonter tout ce que tu a vécu, avec de l'aide, tu pourras sûrement finir par trouver un peu d'apaisement... je te le souhaite. Et oui, comme le dit dire.pour.oublier, nous serons plusieurs à te lire et à essayer de te repondre
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