Addiction canabis descente aux enfers

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Geormie
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Addiction canabis descente aux enfers

Message par Geormie »

Bonjour mon conjoint fumait occasionnellement des joints jusqu'à ce qu il y a un mois contrôle par les forces de l ordre et c est fait retiré son permis pour 6 mois et donc perte de son travail pour consommation de produits illicites.
A la base c est quelqu'un de dynamique qui ne supporte pas être seul, a besoin de voir du monde.
Et ce n est pas concevable pour lui de ne pas travailler.
Depuis c est le descente au enfer. Il ne sort plus de sa chambre ( car vit en colocation )Ne côtoie plus personne. Se réfugie dans les jeux vidéos. Dort la journée et joue la nuit.
Ne fait aucune démarche administrative. Il est imbuvable, sur les nerfs. Se laisse aller sur l hygiène. Mange très peu et très mal. Il se moque de tout.
Nous n habitons pas ensemble. Du coup notre relation est très fragile. Il dit être dans une bulle. Se projette avec moi et mes filles mais après est extrêmement distant, comme ci nous n étions plus ensemble.
Je suis la a l attendre, il me dit qu il a besoin de souffler, d être seul.
Je suis vraiment très inquiète.
A la suite de son retrait de son permis et perte de travail c est la qu il s est mis à fumer des joints régulièrement, le premier au réveil....c est un casi toutes les heures
Ses réactions sont elle justifiées? Est ce normal cette bulle autour de lui face à moi.
Que dois je faire pour qu il s en sorte?
En vous remerciant
Matou_mathieu
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Re: Addiction canabis descente aux enfers

Message par Matou_mathieu »

Bonjour, je comprends ta situation. Il y a une dizaine d'année je me suis fait retiré mon permis alors que j'étais alcoolisé. Ca m'a fait beaucoup déprimé et j'ai voulu arrêter l'alcool car ma consommation était problématique. Comme ton conjoins je me suis mis à fumer des joints en grosse quantité, plus d'une dizaine par jour. Je passais mes journées et mes nuits enfermé dans ma chambre à regarder des séries et à surfer sur internet... Le cannabis a un effet antidepresseur, il te met dans une bulle et anesthésie toute tes émotions. Le problème est que dès que l'effet s'estompe tout ressurgit, ça te rend nerveux et tu en as besoin... C'est un cercle vicieux car au final ça te rend mal quand tu es naturel.
Il faudrait déjà qu il prenne conscience que ce n'est pas la vrai vie celle qu'il mène. A partir de là il faut qu'il assume les conséquences de ses actes et qu'il soit patient . L'idée de réduire sa consommation est une mauvaise idée car il perdra toujours face au cannabis... J ai réussi à arrêter pendant 4ans mais j'ai replongé dernièrement. J'essaie d'arrêter à nouveau c'est pas évident. Ca te détruit psychologiquement et au final tu ne sais plus qui tu es vraiment.
Si tu l'aimes, ne le braque pas car sous effet, il n'aura aucun problème à tout "f***re en l'air". C'est tellement facile... Fait lui prendre conscience que ses émotions sont esclaves de cette drogue, et que lui il est esclave des dealers. Un médecin peut l'aider en lui prescrivant des anxiolitiques pour les passages difficiles.
Courage à vous deux
Hervé31
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Re: Addiction canabis descente aux enfers

Message par Hervé31 »

Bonjour,

En complément, faire de l'exercice physique régulièrement peut aider à réduire le stress et à améliorer l'humeur, vous pourriez essayer de l'encourager à faire de la fitness ensemble.
Dubreuil
Psychologue clinicien
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Re: Addiction canabis descente aux enfers

Message par Dubreuil »

LA THERAPIE COMPORTEMENTALE

La thérapie comportementale cognitive (souvent appelée TCC) est une forme populaire de psychothérapie qui met l'accent sur l'importance des pensées sous-jacentes pour déterminer comment nous nous sentons et comment nous agissons.
Les spécialistes de la TCC travaillent avec les patients pour les aider à découvrir, à approfondir et modifier leurs propres schémas de pensée et leurs réactions : ce sont elles qui déterminent nos perceptions et nos comportements. L'utilisation de la thérapie cognitive et comportementale offre aux patients une perspective précieuse, qui contribue à améliorer leur qualité de vie et à mieux gérer leur stress, notamment dans des situations difficiles où il faut résoudre des problèmes.
L’un des principes fondamentaux est que les situations externes, les interactions avec d'autres personnes et les événements négatifs ne sont pas responsables de nos mauvaises humeurs et de notre problème dans la plupart des cas.
En fait, les spécialistes de la TCC considèrent que c’est tout le contraire. En fait, ce sont nos propres réactions aux événements, nos « interprétations » des événements qui sont sous notre contrôle – et qui finissent par affecter notre qualité de vie.

Grâce à la thérapie cognitive comportementale, nous pouvons apprendre à changer la façon dont nous pensons, ce qui modifie notre façon de sentir, et modifie à son tour la façon dont nous envisageons et traitons les situations difficiles lorsqu'elles surviennent. Nous pouvons améliorer les pensées perturbatrices qui nous rendent anxieux, isolés, déprimés, enclins à manger « émotionnellement ».
Lorsque nous pouvons examiner avec précision et calme les situations sans distorsion de la réalité, de jugements ou de craintes supplémentaires, nous sommes davantage en mesure de savoir comment réagir de manière appropriée afin de nous sentir plus heureux à plus long terme.

1. Réduit l'anxiété
Selon le travail publié dans Dialogues in Clinical Neuroscience, les études autour de la TCC conclut à son efficacité incontestable pour les troubles liés à l'anxiété, notamment les troubles paniques, les troubles anxieux généralisés, les troubles d'anxiété sociale, les troubles obsessionnels compulsifs et le syndrome de stress post-traumatique. Dans l'ensemble, la TCC démontre à la fois son efficacité dans les essais contrôlés randomisés et son efficacité dans des milieux naturalistes entre les patients atteints d'angoisse et les thérapeutes. (4)
Les chercheurs ont constaté que la TCC fonctionne bien comme un remède naturel pour l'anxiété, car elle comprend diverses combinaisons des techniques suivantes: psychoéducation sur la nature de la peur et de l'anxiété, auto-surveillance des symptômes, exercices somatiques, restructuration cognitive (par exemple déconfirmation) , L'image et l'exposition in vivo aux stimuli craints (traitement de l'exposition), le sevrage des signaux de sécurité inefficaces et la prévention des rechutes.

2. Diminue les symptômes de la dépression
La thérapie cognitivo-comportementale est l'un des traitements les plus efficaces pour la dépression. Des études montrent que la TCC aide les patients à surmonter les symptômes de la dépression, comme le désespoir, la colère et le manque de motivation, et réduit leur risque de rechute dans le futur.
On pense que la TCC fonctionne très efficacement notamment du fait des changements dans la cognition (pensées) qui alimentent des cycles vicieux de sentiments négatifs et de ruminations. La TCC s'est également révélée prometteuse comme approche pour aider à lutter contre la dépression post-partum et en complément du traitement médicamenteux pour les patients bipolaires. (3)

3. Aide à traiter les troubles de l'alimentation
Le Journal of Psychiatric Clinics of North America rapporte que les troubles de l'alimentation sont l’une des difficultés où la TCC peut se montrer la plus efficace. La TCC peut aider à résoudre la psychopathologie sous-jacente des troubles de l'alimentation et remet en question la surévaluation de la forme et du poids. Cela permet aussi d’améliorer le contrôle des impulsions afin de prévenir la frénésie ou la purge, réduire les sentiments d'isolement et aider les patients à se sentir plus à l'aise autour des «aliments déclencheurs». (5)
La thérapie cognitive est devenue le traitement de choix pour traiter la boulimie nerveuse et les "troubles de l'alimentation non spécifiés", les deux diagnostics les plus courants du trouble de l'alimentation. Il est également prouvé qu’elle sera utile pour traiter environ 60 pour cent des patients atteints d'anorexie, considérée comme l'une des maladies mentales les plus difficiles à traiter.

4. Aide à améliorer l'estime de soi et la confiance
Même si vous ne souffrez pas de problèmes mentaux graves, la TCC peut vous aider à remplacer des pensées négatives et destructives qui conduisent à une faible estime de soi avec des affirmations positives et des attentes positives. Cela peut ouvrir de nouvelles perspectives pour gérer le stress, améliorer les relations et accroître la motivation pour essayer de nouvelles choses. (4)

5. Réduit les comportements addictifs et la toxicomanie
La recherche a montré que la TCC est efficace pour aider à traiter l’addiction au cannabis et d'autres dépendances aux drogues, comme la dépendance aux opioïdes et l'alcool, ainsi que d'aider les gens à cesser de fumer des cigarettes et des jeux de hasard. Les études publiées dans le Oxford Journal of Public Health impliquant des traitements pour cesser de fumer ont révélé que les compétences d'adaptation acquises au cours des sessions de TCC étaient très efficaces pour réduire les rechutes chez les personnes en sevrage tabagique et semblent être supérieures aux autres approches thérapeutiques. (6) La TCC est également efficace dans le traitement des dépendances problématiques liées au jeu (VS autres traitements témoins). (7)

Comment se déroule une séance de thérapie cognitive et comportementale ?
Votre psychologue ou votre psychothérapeute spécialisé en thérapie cognitive et comportementale aura reçu une formation spéciale et continue à se former en permanence.
Bien que les sessions puissent varier bien évidemment d’un thérapeute à un autre, elles suivent le plus souvent un schéma commun:
La session commence par une vérification de votre état/de votre humeur et de vos symptômes. Ensemble, vous et votre thérapeute fixeront un ordre du jour pour la séance. Une fois l'ordre du jour fixé, vous passez en revue la session précédente afin de pouvoir passer à la nouvelle. Vous examinez vos « devoirs » et discutez des problèmes rencontrés et de vos réussites. Ensuite, vous vous tournez vers les questions de l'ordre du jour. Les nouveaux devoirs sont fixés. La session se termine avec le thérapeute en résumant la session et en recueillant les commentaires. du patient. Une session typique dure 50 minutes à une heure.

Qu'est-ce que la restructuration cognitive?
La restructuration cognitive se réfère au processus de la TCC qui consiste à identifier et modifier les pensées négatives qui contribuent au développement de la dépression. Cela se fait en collaboration avec le patient et le thérapeute, souvent sous la forme d'un dialogue. Par exemple, un étudiant a peut-être échoué à son test de maths et conclut: "Cela me prouve que je suis stupide".
Le thérapeute pourrait demander si c'est vraiment ce que signifie le test. Afin d'aider l'élève à reconnaître l'inexactitude de la réponse, le thérapeute pourrait demander quelle est la note générale de l'élève en mathématiques.
Si l'élève répond: "C'est un B", le thérapeute peut alors souligner que sa réponse montre qu'il n'est pas stupide car il ne peut pas être stupide et avoir un B.
Ensuite, ils peuvent explorer des façons de refléter quelle est sa performance réelle sur le test.
La réponse «Je suis stupide» est un exemple de pensée automatique. Les patients souffrant de dépression peuvent avoir des pensées automatiques en réponse à certaines situations. Ces pensées sont automatiques dans la mesure où elles sont spontanées, négatives et ne sortent pas d'une pensée ou d'une logique délibérée. Elles sont souvent étayées par une hypothèse négative ou dysfonctionnelle qui guide la façon dont les patients se voient, la situation ou le monde qui les entoure.

Informations complémentaires sur la thérapie cognitivo-comportementale
La CBT a été créée pour aider les personnes souffrant de dépression, mais aujourd'hui elle sert à améliorer et à gérer différents types de troubles et symptômes mentaux, y compris: l'anxiété, le trouble bipolaire, le syndrome de stress post-traumatique, le trouble obsessionnel compulsif, les dépendances et les troubles de l'alimentation. (9)

Les techniques de la TCC sont également bénéfiques pour de nombreuses autres situations, et notamment aussi pour les personnes qui n’ont aucune forme de maladie mentale, mais qui souffrent de stress chronique, de mauvaises humeurs et d'habitudes sur lesquelles ils souhaitent travailler.
Le terme thérapie cognitive comportementale est considéré comme un terme général pour une classification des approches thérapeutiques qui ont des similitudes, notamment: la thérapie comportementale émotive rationnelle, la thérapie comportementale rationnelle, la thérapie vivante rationnelle, la thérapie cognitive et la thérapie comportementale dialectique.
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
Dubreuil
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Re: Addiction canabis descente aux enfers

Message par Dubreuil »

LA THERAPIE COMPORTEMENTALE

Les praticiens comportementalistes ont découvert, d’une part qu’il fallait beaucoup de respect et de progression (avec par exemple la désensibilisation systématique) et d’autre part qu’il fallait adjoindre des données cognitivistes tenant compte des raisons qui habitent le sujet (notamment avec la découverte guidée).
Si les débuts du comportementalisme, avec le béhaviorisme, ont été hasardeux, et que des composantes existentielles lui ont font fait cruellement défaut, nous nous devons de considérer qu’une telle démarche reste nécessaire quand il y a un besoin d’apprentissage. Le comportementalisme ne pose problème que quand il est utilisé seul, et dans l’ignorance des subtilités qui habitent un être.
Les symptômes psy (phobie, mal-être, pulsion, addiction, déprime, troubles du comportements divers…) sont généralement sources, au moins d’inconfort, au pire de grandes douleurs. Il est donc naturel, par réflexe, de vouloir les éliminer. Notre pulsion de survie est ainsi faite que nous tentons d’éliminer ce qui fait mal.
Nous oublions que l’étymologie grecque de symptôme, c’est sumptôma c'est-à-dire « coïncidence des signes » (de sumpiptein « tomber ensemble »). Ce signe qui apparaît à l’extérieur, indique qu’il se passe quelque chose à l’intérieur, avec lequel il est en corrélation.
Dans le domaine médical, ces renseignements sont précieux concernant les maladies physiques. Les causes cachées peuvent ainsi se révéler et permettre les traitements adaptés. Dans le cas des maladies physiques, l’idée de combat d’une cause néfaste ou de recentrage d’un mauvais fonctionnement est bien ancrée. C’est sans doute souvent juste (par exemple dans les maladies infectieuses), mais là aussi, il arrive que des troubles fonctionnels, identifiés comme néfastes, soient en réalité un élan de l’organisme pour retrouver son équilibre (comme par exemple avec la fièvre). Le praticien en naturopathie connaît bien cela et prendra soin d’accompagner le corps plutôt que de combattre ses réactions. La médecine et la naturopathie ne sont pas forcément en opposition, elles se complètent simplement. Les deux savent de toute façon (ou devraient le savoir) qu’il ne s’agit pas d’enlever le signe pour faire disparaître la cause. Par exemple la médecine sait très bien que faire disparaître une inflammation avec un anti-inflammatoire (qu’il soit chimique ou naturel), sans s’occuper de la source infectieuse, peut avoir des conséquences désastreuses : le mal continu sans le signe et, non seulement il n’y a plus de repère (état du symptôme), mais en plus l’organisme voit son système de défense détruit.
Si nous trouvons déjà de telles nuances sur le plan physique, nous y serons bien plus encore confrontés sur le plan psychologique
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
Dubreuil
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Re: Addiction canabis descente aux enfers

Message par Dubreuil »

ADDICTION A L'ALCOOL
*** certes, ce n'est pas le cannabis, mais le phénomène d'addiction, vous y trouverez des propositions adaptées aussi au canna bis

L'alcoolisme est une dépendance, une addiction. Nous prendrons soin de le différencier d'une consommation excessive occasionnelle. Cette dernière peut également représenter des dangers (santé, circulation routière, accidents du travail), mais ne constitue pas une dépendance.
Par contre, il faut savoir qu'il y a dépendance, même en cas de consommation modeste, quand celle-ci est devenue régulière, que le besoin en est impérieux et que les doses ont tendance à progressivement augmenter.
Cet article n'est pas un article sur la consommation d'alcool en général, mais sur la situation de dépendance. Même si l'alcoolisme ne devient apparent que lorsque les doses sont devenues assez importantes, il a généralement commencé bien avant et s'est installé insidieusement.
Les aspects psychologiques de ce mécanisme de dépendance nous conduiront à évoquer le cas d'autres addictions au cours de cet article.
Reconnaître un visage humain

L’alcoolisme est un tel fléau qu’il nous fait oublier que celui qui boit est un individu à part entière... très souvent en grande détresse. Sa violence, ses pathologies, la vie infernale qu’il fait le plus souvent subir à ses proches font du malade alcoolique une cible de reproches, de colères et de raz le bol.
Dans certains cas on se moque de lui, dans d’autres on le méprise. Puis, croyant lui rendre un peu de dignité, plutôt que de parler de poivrots ou d’ivrognes, la médecine parlera de malades alcooliques.
S’occupant à le guérir, le médecin voit ainsi un malade à libérer du mal alcoolique. Il risque alors d’accorder plus d’importance à ce mal à combattre qu’à l’individu qui le porte… ou plutôt qui l’exprime, car ce mal est très souvent l’expression d’une grande douleur que personne n’écoute. La considération envers l'individu malade est donc toujours un peu absente. Le mal est "mieux considéré" que celui qui le porte.

Les méfaits réels et cataclysmiques de l’alcool nous font oublier que celui qui boit, a une raison de boire. Les graves dangers des effets de cet alcool sur lui-même, mais aussi sur les autres (par exemple sur la route) masquent son visage humain, son visage meurtri.
Il est juste de mener un combat contre les méfaits de l’alcool. Il est par contre beaucoup moins pertinent d’identifier ce combat à un combat contre les alcooliques. Pour venir à bout des méfaits de l’alcool, nous avons besoin que l’alcoolique soit partenaire.

Naturellement quand de graves conséquences ont eu lieu (préjudices lourds, accidents de la route), la justice doit toujours faire son travail. Mais la répression à elle seule ne peut suffire. L’information médicale non plus. Les leçons de «bonne conduite» aussi ne suffisent pas. Il faut autre chose en plus, c’est ce que je vous proposerai dans cet article, car autant pour la collectivité que pour ses proches ou que pour l’alcoolique lui-même, il est urgent d’accroître l’efficacité des démarches visant à le libérer de ce fléau.
L’illusion de l’information manquante
C'est un piège de croire que la consommation excessive d’alcool est surtout liée à une mauvaise information. Même si c’est en partie vrai cela mérite plus de précisions.

Pneumologues fumeurs
J’ai eu l’occasion d’animer une formation sur l’humanisation de la fin de vie dans un service de pneumologie. Les soignants de l’équipe avaient demandé cette intervention car il leur était de plus en plus douloureux de voir mourir les patients par suffocation. Je fus surpris de trouver sur l’ensemble du personnel du service une moitié de fumeurs, dont certains consommaient jusqu’à trois paquets par jour. Ils n’avaient rien de stupide et pourtant, nul ne peut être mieux informé qu’eux. Cela indique clairement qu’il y a d’autres enjeux que le manque d’information.

Educateurs de la CPAM
Des éducateurs de la caisse primaire d’assurance maladie ayant pour tâche de dispenser une information dans les écoles et les entreprises en vue de réduire les méfaits du tabac et de l’alcool m’ont également sollicité pour parfaire leur approche. Je découvris qu’ils appuyaient leur intervention sur des diapos terrifiantes afin de démontrer à quel point il faudrait être stupide pour s’exposer à de tels dégâts causés par l’alcool ou par le tabac. Même si cette information est nécessaire il est illusoire de croire qu’elle suffit.

Démontrer implicitement à des jeunes qu’il est stupide de boire ou de fumer alors que certains d’entre eux sont déjà consommateurs ou que d’autres ont leurs parents qui le sont, conduit à générer vis-à-vis d’eux-mêmes ou de leurs parents une fracture indésirable. Déjà que souvent ces points sont litigieux chez beaucoup de jeunes, même indépendamment de la consommation d’alcool ou de tabac ! Mauvaise image de soi et rejet des parents sont des attitudes très banales à l’adolescence, voire au-delà !
La vraie question est «comment se fait il que connaissant les méfaits de l’alcool ou du tabac, certains s’y exposent quand même et continuent de consommer dangereusement?» Trouver la raison est plus important que de dénoncer la faute !

L’avis d’un gendarme
Un gendarme, s’occupant d’une association d’aide aux toxicomanes, participait à l’un de mes stages. Il était, tout comme moi, choqué de cette campagne «la drogue c’est de la merde» car le problème, n’est pas de savoir que c’est de la merde, mais de comprendre pourquoi, le sachant, on en prend quand même.
L’alcoolique sait déjà
La connaissance des méfaits de l’alcool (ou de la drogue, ou du tabac) est nécessaire. Parfois elle est réellement insuffisante. Mais le plus souvent le consommateur excessif sait qu’il se détruit, qu’il vit dangereusement… mais ne peut faire autrement et il ne comprend pas pourquoi. Tous les ajouts d’information ne font que renforcer son sentiment d’impuissance ou de stupidité… puisqu’il voit bien qu’il n’arrive pas à se contrôler. Or commencer par démonter à quelqu’un qu’il est stupide pour qu’il comprenne n’est pas une bonne technique.
Le mythe du déni
Il est habituel de mentionner que le malade alcoolique a tendance à nier son alcoolisme. Les soignants signalent souvent que ce dernier dissimule la réalité de sa consommation, qu’il ment sur les doses réelles et estime qu’au fond il ne boit pas vraiment tant que ça. Cette attitude de déni est en effet fréquente chez ce type de patients.

Pourtant, je vous invite à examiner cette situation d’une façon inattendue : Le déni de l’alcoolique pour son alcoolisme n’a d’égal que celui des soignants vis-à-vis de sa raison de boire.
Quand l’aidant ne nie pas la raison de boire du malade alcoolique, le malade alcoolique a moins besoin de nier sa dépendance.
Par exemple une infirmière de nuit que j’avais en formation est appelée par une patiente qui lui réclame quelque chose pour dormir. L’infirmière lui demande «que prenez vous habituellement?» La patiente lui énumère une liste impressionnante de médicaments dont elle a déjà usé et apparemment abusé. L’infirmière lui reformule «vous prenez de tout cela?» La patiente répond «Non, je prends aussi … un peu d’alcool» L’infirmière lui renvoie «si vous en consommez c’est que cela doit être important pour vous» (message de cohérence) Se sentant comprise, la patiente lui répond que ça va aller. Elle la remercie pour sa gentillesse, puis lui dit qu’elle va s’occuper un peu et ensuite s’endormir naturellement. En consultant le cahier de transmissions l’infirmière lit «patiente niant son éthylisme» On voit très bien ici qu’elle l’a dit facilement… à celle qui ne nie pas sa raison. Ce qui a été écrit dans le cahier de transmissions ne reflète pas tant l’attitude de la patiente qu’une conséquence de l’attitude des soignants vis-à-vis d’elle.Ce qui a été écrit dans le cahier de transmissions ne reflète pas tant l’attitude de la patiente qu’une conséquence de l’attitude des soignants vis-à-vis d’elle.
Pour mieux comprendre cette attitude de reconnaissance de la raison de l’autre, lire l’article de décembre 2003 sur la reformulation;

Ramener le malade alcoolique à sa raison
Retour à la raison
Pour aider un malade alcoolique, le premier point est de le ramener à la raison. J’aime cette formulation «ramener à la raison», car en première approche, elle dit vrai pour tout le monde et chacun pourrait y voir le juste chemin à suivre.
Mais ensuite il faut préciser ce que signifie vraiment la formule «ramener à la raison» car elle comporte un double sens où les deux sens sont contraires : doit on ramener le malade alcoolique à la raison qui est la notre ou à la raison qui est la sienne ?
Ceux qui prétendent aider les alcoolos dépendants tombent souvent dans cette croyance qu’il faut ramener le malade alcoolique à notre raison (les bonnes raisons de ne pas boire). Or il ne s’agit pas de ramener ce malade à notre raison, mais à la sienne.
Ramener un malade alcoolique à la raison, c’est ramener à la raison qui fonde son besoin de boire… c’est le ramener à SA RAISON, à son fondement.
Il est plus important de localiser, reconnaître et valider cette raison que de conduire à mépriser l’alcool.
Dans ce domaine, la plupart des démarches d’aide prônent des stratégies conduisant à un mépris de l’alcool. Or même si l’abstinence reste juste, elle ne doit pas s’accompagner de mépris.
Valider la (ou les) raison(s) est plus efficace que de développer du rejet. Il est maladroit de prétendre guérir les fractures en en ajoutant une. Etre contre l’alcool génère une sorte de nouveau lien qui laisse vulnérable. Ne pas le rejeter permet d’en être plus libre.
Une triple fracture

Il y a trois fractures à prendre en compte pour comprendre et aider un malade alcoolique :
Pour la première, une situation douloureuse de son passé l'amène à éprouver le besoin d'en éloigner le souvenir de sa pensée. Il cherche à soulager sa douleur par la mise à distance de celui qu'il était dans ce moment pénible. L’alcool l’aide à augmenter cette distance en anesthésiant la blessure. Il s’en trouve moins douloureux ou moins inhibé, mais aussi coupé de ce moment de sa vie.
Pour la seconde, la rupture s’étend à sa vie sociale où l’alcool produit un éloignement entre les autres et lui-même. Il est devenu insupportable et son entourage le met à distance. Ses proches sont moins proches, et même parfois très loin, de plus en plus loin. La rupture s’installe et s’aggrave de la part de ceux qui l’entourent. Inversement, une rupture de sa part avec autrui se développe également car il doit de plus en plus se cacher pour échapper aux insupportables conseils, reproches ou jugements des autres.
Pour la troisième il méprise secrètement l’individu dépendant qu’il est devenu. Il finit par détester cette anesthésie alcoolique, même si elle l’aide à mieux supporter son mal vivre. Il sent bien que le côté néfaste de l’alcool prend le pas sur le bénéfice qu’il en retire. Mais, devenu dépendant, sa volonté est sans effet et il se contente de mépriser celui qu’il est devenu et qui s’est mis à boire. Il en vient même à détester l’alcool dont pourtant il ne peut se passer.
Comme dit l’adage, avec cette troisième fracture, il doit maintenant aussi boire pour oublier qu’il boit. Ceci est dit comme une boutade, mais c’est hélas bien réel.
Pour aider le malade alcoolique, il faudra s’occuper avec délicatesse de ces trois fractures (et non les agrandir). Examinons plus en détail ces trois ruptures.
Détail des trois fractures

1/La Raison initiale :
rupture et non reconnaissance
Des situations anodines aux plus importantes, il y a un point de départ. Dans ce départ il y a toujours un manque. Ce manque vient d’une rupture ou d’une non reconnaissance (article de mars 2001 "un quelqu’un en habit de personne"). Après, c’est une opportunité qui a fait que l’alcool a été utilisé comme compensation à ce manque. Cette opportunité peut être le fruit du hasard ou avoir une source culturelle.

Exemples de ruptures initiales
La Rupture avec autrui: il s’est fâché avec quelqu’un qui comptait pour lui et vit un manque cruel.
La Rupture par un deuil: Un proche important est décédé. Cela engendre de multiples ruptures en cascade… d’abord une rupture par la perte physique, puis une rupture par le fait que, souvent, on en veut au défunt de nous avoir quitté (il manque alors en plus par le rejet), enfin on s’en veut à soi de lui en vouloir (car ça ne se fait pas d’en vouloir à un mort). Ce dernier point ajoute ainsi une rupture avec soi-même. Comme tout cela a été trop douloureux il y a rupture avec l’ensemble de ce moment de vie pour en oublier la douleur (encore une amputation de plus). En pareille circonstance, les manques qui en découlent sont nombreux.
La Rupture avec lui-même : ayant vécu une situation traumatisante, il veut oublier celui qu’il était dans ce moment de sa vie trop douloureux pour habiter sa mémoire. Il se retrouve alors amputé d’un bout de lui-même.
Pour mieux comprendre cette notion de rupture et d’amputation de soi, lire sur ce site le dossier psychothérapie (au moins le chapitre « La quête des parts manquantes »).

Exemples de non reconnaissance
Il y a différentes causes possibles au fait qu’il ne s’aime pas et qu’il n’ait pas confiance en lui.
Par exemple, au début de sa vie, il peut ne pas avoir été sécurisé par son entourage.
Ou encore, par esprit de destructivité ou par croyance que cela va le dynamiser, ses proches lui ont asséné des reproches, des critiques, des réflexions abaissantes. Les parents, les frères et sœurs, les copains d’école, les enseignants… différentes personnes peuvent avoir (même involontairement) participés à ce petit jeu dévastateur.
De façon plus caricaturale, il peut même arriver que ses parents n’aient pas voulu de lui quand ils l’ont conçu et son mal a déjà commencé pendant la grossesse.
Naturellement, dans de tels cas, il est hors de question de culpabiliser les parents. Les parents ont fait pour le mieux avec ce qu’était leur vie à ce moment là. Reconnaître la douleur de l’enfant ne veut en aucun cas dire culpabiliser les parents. Cela serait d’autant plus maladroit que l’enfant a besoin que ses parents aient de la valeur. A l’inverse, ne pas culpabiliser les parents ne doit pas conduire à nier la douleur vécue par l’enfant. Les deux sont importants.
Nous trouverons aussi ce sentiment de non reconnaissance chez certaines personnes dont la vie sexuelle n’est pas épanouie. Elles peuvent ne pas se sentir reconnues en tant qu'Homme ou en tant que Femme.
Dans tous les cas, que ce soit pour oublier un traumatisme ou pour se donner du courage par manque d’affirmation de soi, le malade alcoolique a trouvé dans l’alcool une aide, une compensation, une béquille l’aidant à vivre malgré la difficulté et/ou la douleur de ces manques.

2/La Douleur ajoutée :
l’alcoolique méprisé par les autres
L’avantage qu’apporte l’alcool en tant que compensation est vite effacé par les comportements insupportables qu’il produit envers l’entourage. Alors les autres s’éloignent progressivement. Selon le type de liens, cet éloignement est plus ou moins long à se produire et plus ou moins douloureux.
De nombreuses critiques et jugements se produisent, d’une part à cause du fait que le malade alcoolique rend la vie difficile (parfois dangereuse) à son entourage, mais aussi afin de nous rassurer nous-mêmes… nous qui ne sommes pas comme ça ! Plus il y a d’écart entre lui et nous, plus il est stigmatisé comme «autre» et comme «mauvais», moins nous pensons inconsciemment risquer de devenir comme lui.
C’est une façon de conjurer notre peur d’être «mauvais» et de s’assurer qu’au fond… nous, nous avons une certaine valeur. Il faut dire que même sans que cela ait entraîné d’alcoolisme, chez chacun d’entre nous l’empreinte de la culpabilisation pèse lourd dans nos vies.
Notre culture sociale ne nous ménage pas à ce sujet. Alors c’est notre façon à nous de nous en sortir… en jugeant l’autre. Comme vous pouvez le constater l’alcool n’est pas la seule solution… mais porter des jugements sur autrui n’est pas glorieux non plus.
La conséquence pour l’alcoolique est qu’il s’éloigne de la société qui elle aussi s’éloigne de lui.

3/ Le Rejet de la solution :
l’alcoolique se rejette lui-même
Après la solution de l’oubli, il y a l’oubli de la solution. Une distance supplémentaire par laquelle il méprise celui qu’il est quand il boit. Il méprise cette foutue habitude, il en veut même à l’alcool.
Mais là encore, l’alcoolique ne se libère pas. Il s’enfonce, il se perd. Pourtant, comme il veut s’éloigner de l’alcool, on pourrait croire ici à une avancée? Mais il n’en est rien. Il n’a pas réglé les ruptures qui l‘ont conduit à boire et il ne fait qu’en ajouter une autre. Il enterre le problème plus profondément et au lieu de se rencontrer, il va tenter de livrer une lutte acharnée contre lui-même, puis contre l’alcool.
S’il en a la force il pourra même devenir abstinent. Et c’est au moins un temps de repos pour son corps et pour son entourage… Mais il restera très exposé à la rechute, nous verrons plus loin pourquoi car il n’y a pas que la sensibilité alcoolique du corps qui est en cause.
S’il n’en a pas la force, il devra au contraire boire plus… pour oublier qu’il boit. Il ne se supporte plus, mais ne peut pas revenir en arrière. Lui-même et les autres sont dépassés par la situation. La consommation continue et même augmente. Il ne peut s’en sortir seul.
Dans tous les cas le rejet de celui qu’il est quand il boit est une stratégie néfaste. J’irai jusqu’à dire que même le mépris de l’alcool est un piège source de vulnérabilité.

Mécanismes de la dépendance
Dépendance physiologique
Il existe plein de moyens de compenser ses manques. Mais tous ne créent pas de dépendance physiologique. Tout peut devenir un outil de compensation en étant utilisé en excès. La musique, le travail, le sport, la nourriture, les collections de timbres… Mais seules certaines stratégies exposent à la dépendance physiologique.
Par exemple le sport en excès peut créer une dépendance aux endorphines produites par le corps pendant l’effort intensif. La nourriture excessivement sucrée crée aussi une dépendance tenace où le corps réclame une consommation croissante de glucose.
L’alcool, la drogue ou le tabac, moyens parmi tant d’autres, génèrent bien sûr une dépendance physiologique, que l’on prendra soin de ne pas mélanger avec la dépendance psychologique.
La sensibilisation chimique de l’organisme fait qu’il réclame «sa dose», même quand psychologiquement il n’y en a plus besoin. Le corps «reconnaîtra» une présence (même minime) d’alcool et peut ainsi relancer une dépendance en «réclamant» un retour à la consommation.
C’est la raison pour laquelle un malade alcoolique devra être abstinent toute sa vie pour éviter cette source de rechute. Il devra même se méfier de la bière sans alcool (qui contient un degré selon la législation), des eaux de toilettes alcoolisées (voie cutanée), de la laque (voies respiratoires).
La médecine sait assez bien s’occuper du problème de la dépendance physiologique pour prescrire une cure de désintoxication médicalement accompagnée. Mais elle ne compose pas assez souvent avec le fait que la dépendance physiologique est en synergie avec les causes psychologiques.
Quand ces causes psychologiques ne sont abordées que par une approche comportementaliste, (dans laquelle on tente de «reprogrammer» un comportement meilleur) les racines du manque restent et il n’y a que déplacement des compensations. La vulnérabilité reste très grande.
Dangers psychologiques d’une attitude de lutte

Avant d’aborder le paragraphe sur la dépendance psychologique, je souhaite clarifier les dangers d’une attitude guerrière vis-à-vis de l’alcool.
Trop d’associations visent à se réunir pour être fort contre l’alcool. Le dévouement y est remarquable et il est excellent de se réunir pour se soutenir, s’encourager, partager entre personnes qui ne jugent pas et sont capables de comprendre.
Mais le fait de mépriser l’alcool est un piège. Le fait de vouloir prendre de la distance avec la période alcoolisée est également maladroit. Se dire «j’étais nul, j’étais moche, mais maintenant je suis fort et je suis quelqu’un de bien» est encore une rupture. Le piège est discret mais dangereux.
J’ai vu de telles erreurs dans une association où j’ai participé en tant que bénévole. J’étais attristé d’y voire que le projet maladroit était d’être fort contre l’ennemi alcool. Lors des réunions, les membres se présentaient en annonçant «Bonjour, je suis malade alcoolique…» Sous prétexte d’assumer sa situation, celle-ci, malencontreusement, devenait une identité. Il serait plus judicieux d’annoncer «Bonjour, je suis Mr Untel, et je souffre de maladie alcoolique» ou «je souffre d’une sensibilité, ou vulnérabilité à l’alcool»;
Après ce départ maladroit ces réunions étaient basées sur le fait de se soutenir pour être fort pour lutter contre l’ennemi que représente l’alcool. On se serre les coudes pour ne plus se laisser avoir.
Pour se divertir aussi, on organise des sorties, des pique-niques … on parle de mille choses. Mais ni les membres de l’association, ni les infirmiers psy, ni le psychiatre qui les accompagnaient n’envisageaient à aucun moment un regard sur la raison.
Dans ce contexte, le président de cette association, abstinent depuis vingt ans, a rechuté! Et la rechute impliquait l’exclusion du groupe (il fallait retrouver l’abstinence pour revenir).
Cette rigidité, ce manque de chaleur humaine, ce manque de compréhension, les jugements portés sur la faiblesse de la rechute… autant de maladresses, éloignant d’une possible liberté vis-à-vis de l’alcool.
Dépendance psychologique
L’utilisation d’une stratégie d’évitement est pulsionnelle (pulsion de survie)… mais aussi hélas culturelle.
Ce que la société, bien pensante, ne voit pas, c’est que d’un côté elle condamne (à juste titre) l’alcool et la drogue… et d’un autre, recommande la fuite face aux difficultés.
Par exemple quand l’enfant pleure on lui dit «c’est rien… regarde le beau jouet» Quand l’ado a un chagrin d’amour on lui dit «Bof ! Un de perdu dix de retrouvés. Pense plutôt à ton avenir» Puis quand l’adulte vit une souffrance importante, comme un deuil par exemple… son médecin lui prescrira un psychotrope. Ajoutons à cela des «tu t’écoutes trop», «soit fort», «domine toi», «dépasse toi…» On voit bien qu’il n'a pas de recommandations pour l’écoute de soi par soi.
Tout ce prosélytisme social pour le déni, enferme le malade alcoolique et augmente l’épaisseur de sa forteresse.
Pour se libérer de sa dépendance psychologique le malade alcoolique devra d’abord reconnaître qu’il boit. Pour cela il faut qu’on lui accorde qu’il a une raison de boire. Il s’agira donc de trouver et de reconnaître sa raison de boire. Puis d’apporter un soin à cette raison. Ensuite, veiller à avoir du respect pour la période alcoolisée (où il a fait pour le mieux avec ce dont il disposait). Pour finir, j’oserai même dire qu’il devra savoir «être reconnaissant envers l’alcool» pour le soutien qu’il a représenté pendant ce temps. Quand on n’a plus besoin d’une béquille, il est ingrat de la condamner.
Même si tout cela nécessite de la discipline et des protocoles de désintoxication, le soutien psychologique qui l’accompagne se voudra tout en douceur et en respect.
Nous allons aborder maintenant comment apporter ce soutien psychologique.

Aide du malade alcoolique
Nous rencontrerons au moins six étapes à parcourir. Pour commencer, l’aidant doit se positionner dans un état d’esprit adéquat.
Confiance et ouverture vers la raison
Le point de base est la confiance. L’aidant doit avoir une confiance absolue et inconditionnelle en le fait que le malade alcoolique a une raison de boire… et que cette raison est une bonne raison.
Il ne peut en être autrement. Sinon, il ne boirait pas. Tout le travail d’aide tournera autour de cette raison, ainsi que nous l’avons vu plus haut.
Ce regard respectueux, envers le malade et sa raison, induira de la part de l’aidant une attitude naturellement délicate. Sachez que cette attitude non verbale (intonation, gestes et mimiques) représente 93% de l’information envoyée.
Sans cette qualité non verbale, même de bonnes phrases sont sans effet… jusqu’à en être néfastes. Le non verbal est l’expression involontaire de notre pensée et ne peut que très partiellement être travestie. Quand ce qu’on dit et ce qu’on pense sont en accord, on dit qu’il y a «congruence». On pourrait dire dans le cas contraire que la situation est incongrue… et le malade alcoolique ne s’y trompera pas, même s’il ne fait que le percevoir inconsciemment.
Cette raison, cette cause, cette circonstance initiale a provoqué la mise en œuvre de la pulsion de survie. Celle-ci pousse involontairement à éloigner de soi une zone de souffrance. C’est une anesthésie naturelle et salutaire permettant de tenir le coup en attendant de meilleurs instants. L’alcool sera utilisé par le malade alcoolique pour prolonger ou fortifier cet endormissement de la douleur ou de la zone de vie contenant de la douleur.
D’un autre côté, la pulsion de vie ramène continuellement vers ce qu’on voulait éviter… afin de retrouver son intégrité.
L’aidant doit être un allié de cette pulsion de vie tout en respectant la pulsion de survie.
Attention, le projet ne doit pas être l’arrêt de l’alcool. Le projet est d’abord la localisation puis la réhabilitation de la raison qui a conduit à boire. Si au départ l’aidant se focalise sur l’arrêt de l’alcool, il ne peut aboutir sérieusement. Il risque même de provoquer un recul de la personne aidée.
Il ne peut se poser comme un ennemi de la pulsion de survie (poussant à boire) en insistant sur l’impérieuse nécessité de l‘abstinence.
Il ne peut non plus se poser comme un ennemi de la pulsion de vie (poussant à revenir vers la zone de vie blessée) en invitant à prendre une distance avec le passé pour en être moins affecté.
Naturellement le projet est que le patient devienne libre de l’alcool. Mais pour y parvenir le respect de ces pulsions de vie et de survie est fondamental. Le point de départ ne peut être «il faut arrêter», mais plutôt «à quoi ça sert».
Localisation de la raison
Pour aider l’alcoolo- dépendant, quand l’état d’esprit est correct, le Guidage non directif sera l’outil majeur pour localiser la raison.
Pour cela il n’est pas besoin que le malade alcoolique se sente fort ou soit adroit. Il lui suffit de décrire ce qu’il ressent. Ses ressentis sont un bon guide.
Parfois la raison se trouve dans des éléments de son histoire connue, directement accessibles. Dans ce cas il n'y a pas vraiment besoin d'un guidage non directif approfondi pour aboutir à la raison initiale. Il m’est arrivé de demander à une femme alcoolique depuis quand l’alcool lui est nécessaire. Elle me répond «ça ne doit pas avoir de rapport, mais je crois que c’est depuis la période où j’ai fait une IVG que je ne souhaitais pas» En vérité cela avait bien un rapport, car cette partie de sa vie de femme était restée douloureusement tue… Mais même quand ces éléments d'histoire sont connus le lien n'a souvent pas été fait auparavant avec le ressenti douloureux actuel. Dans ce cas le guidage non directif permet de trouver rapidement ce lien.

Thierry TOURNEBISE
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
Dubreuil
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Re: Addiction canabis descente aux enfers

Message par Dubreuil »

a Gestalt-thérapie paraît tout à fait appropriée au suivi de personnes souffrant de conduites addictives. Nous nous appuyons sur l’exploration et la compréhension de la dynamique addictive pour tendre vers une approche thérapeutique adaptée qui implique la variété des propositions. Les pratiques visant la réduction du symptôme, orientées vers l’abstinence ou l’application de substituts, s’articulent judicieusement avec l’approche gestaltiste.
QU ’EST - CE QUE L’ADDICTION ?
2
L’addiction peut être définie comme la recherche impérieuse d’un état émotionnel, d’un certain type d’expériences, d’état intérieur, qui peuvent être induits soit par des produits (substances psychotropes comme l’alcool, drogues, nicotine, médicaments), soit par des schémas de comportement (par exemple addiction à la nourriture, au travail, au jeu, aux activités sexuelles, à internet).
3
L’addiction est le stade évolutif final de la dépendance à une substance ou un comportement. Elle se caractérise par la perte de contrôle du comportement, qui est lié à un phénomène de tolérance (il en faut « de plus en plus » pour obtenir le même effet). Le style de vie est de plus en plus façonné par l’addiction et s’accompagne souvent de graves altérations de la santé et de l’intégration sociale; celles-ci sont aggravées par la cohabitation avec d’autres personnes addictives. Il s’agit d’un comportement compulsif, dont les schémas sont tellement fixés qu’ils ne peuvent être modifiés par la seule volonté de la personne.
4
La santé physique et psychique, l’équilibre émotionnel et le comportement social en sont affectés, de différentes manières selon le type de drogue ou de comportement addictif. La prise de conscience des besoins et du ressenti est altérée, la personne addictive est en proie à une instabilité émotionnelle ainsi qu’à une foule de sentiments pénibles avec lesquels elle doit composer : honte, agressivité, sentiment d’échec, culpabilité. L’environnement social est faible ou absent, la personne se retrouve souvent isolée; elle peut aller jusqu’à enfreindre les codes sociaux par son comportement, délits ou violences.
5
La suite de cet écrit portera plus précisément sur la toxicomanie, qui n’est q’un exemple parmi toutes les formes d’addictions.
COMMENT SE DÉVELOPPE L’ADDICTION ?
6
On considère communément que l’addiction vient compenser des déficits psychiques. Des personnes incapables de satisfaire leurs besoins psychiques de base tentent de compenser leurs manques par des drogues ou par des comportements. Les personnesaddictives n’ont pas la faculté de reconnaître, nommer et satisfaire leurs besoins basiques. Plus ils les compensent ainsi, plus ils se négligent, et plus ils s’éloignent de la conscience de ce dont ils ont vraiment besoin.
7
Ils se comportent de manière à éviter la responsabilité d’eux-mêmes : les uns pensent que d’autres, comme leur partenaire, leurs parents, ou « la société », sont responsables de leur addiction. Ils vont éviter le contact en projetant massivement. Leur attitude est plutôt agressive-attaquante et ils se montrent volontiers blessés quand on les confronte avec leur propre comportement et leur part de responsabilité.
8
D’autres prennent toute la responsabilité sur eux, en occultant celle de leur environnement social. Ils se sentent très coupables de tous les problèmes qu’ils posent à leur entourage. Ces personnes ont tendance à être dépressives, évitent le contact par rétroflexion, se dévalorisent et ont des comportements auto-punitifs.
9
Ainsi il ne leur est pas possible de distinguer ce qui est leur propre responsabilité de ce qui ne l’est pas. Cela entretient leur comportement addictif, car la responsabilité à porter est trop grande. L’autorégulation de leur système organique est gravement perturbée, le cycle du contact est bloqué, pratiquement à toutes les phases. Dans bien des cas, des pathologies parallèles peuvent être diagnostiquées : dépression nerveuse associée à l’alcool, anxiété associée à la dépendance aux médicaments et autres drogues, structure borderline associée à la dépendance à alcool, drogues, sexe, etc.
10
Il faut noter le phénomène paradoxal suivant : d’un côté l’addiction aux drogues ou à un comportement a vraiment une fonction de soutien, voire soignante, et aide la personne à continuer à vivre, mais de l’autre côté elle la détruit physiquement et psychiquement, et aussi dans sa dimension sociale. Ainsi, le comportement addictif prévient la souffrance et la mort, mais en même temps mène vers encore plus de souffrance et de mort. L’addiction est une maladie fatale si elle ne peut être maîtrisée.
11
On peut voir la prise de drogues et les comportements addictifs comme une stratégie visant à gérer des sentiments et des situations insupportables. Dans leur histoire, ces personnes ont souvent subi des violences physiques ou psychiques, des abus de pouvoir ou des abus sexuels. Beaucoup d’entre elles ont été traumatisées et souffrent d’un grand manque d’amour. Elles ont appris qu’il serait préférable qu’elles ne soient pas en vie : qu’on puisse les aimer ne fait pas partie de leurs croyances.
12
C’est comme un combat sur le thème basique de l’amour, comme une danse à haut risque à la frontière entre la vie et la mort. Cela explique peut-être l’attrait que ces personnes exercent sur beaucoup de gens : elles abordent ces thèmes humains plus profondément que bien d’autres. Sous la surface de l’addiction, couve un désordre de la structure de la personnalité.
13
Il importe de reconnaître qu’à son début le comportement addictif était une solution pleine de sens et créative (un ajustement créateur), afin de gérer une situation de vie particulièrement stressante. Mais, bien que partant de leur créativité, les patients addictifs sont finalement pris au piège progressif d’un cercle vicieux. Ils ne sont plus les acteurs de leur vie, c’est l’addiction qui en est devenue le chef. Ainsi, au début de chaque thérapie, une personne addictive doit reconnaître cela et capituler.
DIAGNOSTIC PHÉNOMÉNOLOGIQUE DE L’ADDICTION
14
Malcolm Parlett fait état de cinq aptitudes (Parlett 2000), auxquelles on peut se référer pour décrire les perturbation suivantes :
L’expérientiel : l’aptitude à l’expérimentation et à la créativité est limitée et centrée sur les moyens de se procurer le produit. Les comportements se sont rigidifiés et ne peuvent être changés sans appréhension. La propension à contrôler et à « tenir » l’emporte sur le mouvement et le changement.
En thérapie et en conseil psychosocial, il sera important d’encourager ces personnes à de petits changements, pas à pas, afin de développer leur créativité pour trouver des alternatives qui puissent satisfaire leurs besoins.
Le corps : un des buts du comportement addictif est de s’anesthésier, de ne plus sentir. Les personnes dépendantes n’ont pas une bonne relation avec leur corps et n’ont pas facilement accès à leurs sensations corporelles ni à leur ressenti.
En thérapie et conseil psychosocial il sera important de les ramener à leurs sensations et aux ressentis qui leurs sont associés. Thérapeutes et conseillers utiliseront tous les outils de l’awareness sensoriel. Ils aideront à explorer les sensations du corps et les émotions, ils en soutiendront la prise de conscience et la pleine expression.
La connaissance de soi : les personnes addictives ont une perception d’elles-mêmes très distordue : elles essayent, à l’aide de la drogue, de se sentir autres que ce qu’elles sont en réalité. Leurs représentations d’elles-mêmes sont faussées, en bien ou en mal.
En thérapie et conseil, de bonnes interventions consisteront à « faire miroir », donner des feed-backs, partager son point de vue et faire des jeux de rôle, afin d’aider l’accès à d’autres points de vue sur soi-même. Cela contribuera à leur croissance et accroîtra leur capacité à trouver une vision plus réaliste de soi.
Le relationnel : la capacité relationnelle est très pauvre. La plupart des personnes addictives vivent isolées et ont perdu leurs relations antérieures. Si toutefois elles ont encore des relations, celles-ci sont fonctionnelles et instrumentalisées, elles restent superficielles.
Thérapie et conseil doivent s’en préoccuper, en les confrontant, mais également par un soutien attentionné quand ces patients lâcheront prise et s’ouvriront. Ces personnes ont besoin de s’exercer à la vie sociale et il faudra que la relation thérapeutique devienne un modèle et un laboratoire pour expérimenter ce qu’est une bonne relation, intime et sans abus de pouvoir.
La responsabilité de soi : ces personnes ont perdu le sens de la responsabilité d’elles-mêmes; c’est pour une grande part la conséquence logique d’une longue addiction, où la drogue est devenue acteur de la vie du patient et où celui-ci a perdu son pouvoir de décision. Ces personnes croient fermement que ce sont la société, leurs parents, leurs anciens instituteurs, les circonstances et ainsi de suite, à qui incombe la faute de leur état.
Thérapie et conseil doivent leur apprendre à retrouver le sens de la responsabilité de soi. L’attention sera portée au langage : « je »àla place de « on »ou « nous », « je ne veux pas » à la place de « je ne peux pas », « j’ai fait » à la place de « ça m ‘est arrivé ». On préférera les verbes aux substantifs, et les formulations actives aux formulations passives (dire par exemple « je me bloque » au lieu de « je sens un blocage » – dire « j’ai arrêté la relation » au lieu de « c’était fini »). Un espace d’expérimentation pour s’exercer aux décisions doit être créé.

L’ADDICTION DANS UNE PERSPECTIVE SYSTÉMIQUE
15
L’addiction ne se réduit jamais à un comportement individuel isolé. Il importe de regarder où et quand elle a commencé, sur quel fond et sur quel champ du contexte social elle est apparue. Le comportement addictif révèle souvent des systèmes addictifs produisant des individus addictifs qui portent leur symptôme pour tout le système autodestructeur. Il y a une certaine dynamique dans ces systèmes addictifs, avec des rôles différents et complémentaires. Ainsi Eric Berne (1964) a décrit l’addiction à l’alcool comme un jeu au sens de l’Analyse Transactionnelle. Le jeu ne peut pas se dérouler si les rôles ne sont pas adoptés par d’autres membres du système. D’un point de vue sociopsychologique, on voit souvent très clairement que le système en question a délégué à l’un de ses membres la mission de devenir dépendant. Ces systèmes sont mis à jour au plus tard quand le patient « décroche » : il y a alors des forces de résistance au changement de tout le système, qui tendent à faire revenir la personne à son addiction – ainsi elle pourra à nouveau être désignée comme celle qui porte l’échec. Ce peut être un jeu très dur avec une fin fatale, car le bouc émissaire doit être sacrifié pour tous.
16
Ainsi, en thérapie et conseil, il est très important de ne pas négliger cette dimension de l’addiction : d’autres membres importants du système en question doivent être inclus dans le processus thérapeutique. Quand on s’intéresse à l’histoire des patients, il importe d’être attentif au contexte de l’apparition de la dépendance, ainsi qu’à l’effet que ce comportement a eu sur le système. Quelle fonction a le comportement addictif dans un certain système social ? Àquoi (qui) sert-il ? Et de quoi le système aurait-il vraiment besoin ? Quelles sont les alternatives qui mèneraient à une meilleure satisfaction de ces besoins ? Comment les mettre en action ?
THÉRAPIE
17
Le travail thérapeutique avec l’addiction se fait en plusieurs phases. Le premier pas sera de rendre la personne concernée consciente de sa dépendance. Elle doit apprendre à faire la différence entre une habitude qui peut être changée et une addiction élaborée qui échappe au contrôle. Patients et membres du système concerné doivent admettre que la personne est devenue dépendante, ce qui est une maladie sérieuse nécessitant l’aide de professionnels. Ils doivent capituler face au pouvoir de l’addiction. C’est la base nécessaire à la motivation pour la thérapie et le changement de comportement.
18
La deuxième étape visera à interrompre le cercle vicieux qui entretient la dépendance. Ce peut se faire en expérimentant de petits ou grands changements d’habitudes et en modifiant l’environnement dans lequel le comportement doit changer.
19
L’essentiel, à la troisième étape, consiste à découvrir les besoins non assouvis qui ont été recouverts par le comportement addictif. Quelle est la souffrance de base, avant l’addiction ?
20
Même quand le comportement addictif sera stabilisé et la personne soulagée, il importera non seulement d’arriver à un sevrage, mais également de continuer à donner ou explorer de nouvelles alternatives en vue d’obtenir une meilleure satisfaction des besoins de base. Le manque de la substance éveillera une crise physique et psychique durant laquelle les patients ont besoin d’être contenus par un environnement thérapeutique. Il faudra travailler sur des questions de base comme « quel est le sens de ma/la vie ?» – « quel genre de personne suis-je devenu sous l’influence de mon addiction, qui suis-je maintenant et que vais-je devenir ?» Il est primordial de travailler avec des perspectives d’avenir qui valent la peine d’être vécues.
21
Un suivi médical visera à recouvrer une meilleure santé physique, car la plupart des personnes dépendantes sont dans un mauvais état de santé : elles ont à redécouvrir leurs sensations et leurs besoins, à trouver une nouvelle relation d’amour avec leur corps. La psychothérapie fera émerger l’importance des enjeux psychiques puisant leurs racines dans l’histoire de la personne. Le conseil psychosocial s’attachera à leur apprendre à se socialiser à nouveau et à intégrer correctement les systèmes sociaux. La thérapie de groupe et les communautés thérapeutiques sont à cet égard des outils de choix.
22
Pour se réinsérer dans un travail, les patients auront à retrouver un rythme équilibré concernant les horaires de travail, de repos, d’alimentation et du sommeil, ainsi que le rythme jour/nuit, car leur rythme de vie est la plupart du temps complètement perturbé. Ils auront également besoin de bénéficier d’une forme de rattrapage scolaire et/ou de formation professionnelle, car beaucoup d’entre eux ont tout quitté avant la fin des études ou en plein apprentissage.
23
Ainsi, la thérapie des personnes dépendantes doit être multidimensionnelle et multi-modale. Elle doit inclure le corps, l’âme, l’esprit et l’environnement social.
24
Il est difficile de sortir d’une addiction dans un cadre ambulatoire.
25
Celui-ci suffit rarement et ne fonctionne qu’avec des personnes qui sont en règle bien intégrées et hautement motivées. Habituellement, il y a une phase de travail ambulatoire afin d’acquérir la motivation, puis une phase de thérapie dans une clinique ou une communauté thérapeutique, et ensuite une nouvelle phase de travail ambulatoire, afin de consolider le processus thérapeutique.
26
La thérapie des conduites addictives se fait à long terme et en général ne sera pas concluante dans un premier temps. Les rechutes sont normales. Mais viendra le temps où la personne voudra à nouveau s’en sortir – même s’il s’agit d’héroïnomanes qui reçoivent leur produit sur ordonnance !
27
Soyons clairs : il n’y a pas un seul et unique programme thérapeutique « juste » ou « bon ». Ce qui est bon pour l’un peut s’avérer mauvais pour un autre. Il est important d’individualiser les soins et de regarder comment telle ou telle personne peut vraiment être aidée.
28
Les recherches indiquent qu’à long terme 1/3 des thérapies de personnes addictives sont couronnées de succès, 1/3 échouent et 1/3 des patients guérissent spontanément, sans avoir suivi une thérapie. Cela montre à quel point il est important d’appliquer des programmes visant à réduire le mal, là où les personnes ne trouvent pas la motivation pour faire une thérapie. Et là où il y a motivation, il faut s’appliquer à découvrir la meilleure façon d’aider et ne pas abandonner l’effort d’essayer encore et encore.
ABSTINENCE OU RÉDUCTION DU MAL ?
29
Pendant longtemps, les thérapies des conduites addictives n’avaient qu’un but : obtenir l’abstinence. Un article de Clemmens (1997) décrit très clairement cette approche en utilisant des concepts de la Gestalt. Comme le montre l’expérience des thérapies avec des personnes dépendantes, ce but ne peut pas être atteint. Beaucoup de patients ont été traités plusieurs fois avec de tels programmes, sans succès.
30
Aussi les professionnels ont-ils été amenés à réviser leur point devue. Des programmes de réduction du mal ont été développés. Ce sont des programmes où la thérapie est proposée aussi bien àdes personnes qui n’ont pas décroché. Elles peuvent même avoir des drogues de substitution, voire de l’héroïne sur ordonnance. Le but est de réduire le mal et de changer le comportement addictif, de telle sorte qu’au moins elles n’aient pas à se focaliser tous les jours sur la manière d’obtenir la substance, avec tous les risques que cela comporte pour leur santé et avec les risques d’implication criminelle.
31
Cela fait une place à des soins médicaux et à l’intégration sociale, même en phase de dépendance. D’habitude, seules les personnes pour qui ont échoué les thérapies orientées vers l’abstinence arrivent dans de tels programmes, de même que dans les programmes qui proposent des modalités multi-référentielles. Quant àsavoir quelle serait la meilleure approche, c’est encore en débat. Les deux approches ont de fortes justifications d’ordre pragmatique. J’ai moi-même travaillé avec les deux et constaté qu’elles sont toutes deux appliquables avec de bonnes raisons et de bon résultats : le choix dépend de la personnalité du patient et de la possibilité de le motiver et de construire avec lui une relation thérapeutique. Cette discussion a également lieu entre gestaltistes. Fairfield (2004) a décrit dans le British Gestalt Journal une approche gestaltiste pour un concept de thérapie de réduction du mal. Il en est résulté une discussion lors d’une parution ultérieure (Clemmens, Thomas, Brazier, Wheeler, Fairfield 2005). La discussion démontre qu’en partant des concepts gestaltistes, on a aussi de bonnes raisons de soutenir un modèle de réduction du mal. C’est même le seul moyen quand le comportement addictif concerne l’alimentation ou d’autres comportements, où l’on ne peut pas prétendre que l’abstinence est le but thérapeutique.
DU POINT DE VUE DE LA GESTALT - THÉRAPIE
32
Le thérapeute aura à confronter et soutenir, et à s’appuyer sur l’expérience et l’expérimentation. La Gestalt-thérapie propose une large gamme de possibilités de travail dans ce sens.
33
En tant que gestaltistes, nous travaillons d’une manière phénoménologique. Nous n’interprétons pas, nous expliquons peu, mais nous commentons et nous confrontons d’une manière pertinente ce qui apparaît, ce qui peut être vu et entendu.
34
Nous possédons tout un bouquet de techniques et d’expérimentations visant à soutenir les fonctions de contact. Nous savons non seulement reconnaître les aspects négatifs d’un comportement addictif mais aussi en voir le bénéfice, apprécier tout symptôme comme la recherche d’une solution créative à une situation insupportable. Nous sommes bien équipés pour confronter un comportement qui a eu du sens dans une certaine situation et qui n’en a plus maintenant, pour créer ensemble avec les patients des changements dans leurs schémas stéréotypés.
35
Lorsque nous faisons des diagnostics, nous considérons toujours ce qui est bien développé (où sont les ressources actuelles de la personne), ce qui est manquant et peut être développé avec un travail de thérapie et d’apprentissage, ainsi que ce qui manque et ne peut pas être guéri, nécessitant des stratégies adaptées.
36
Bien des thérapeutes gestaltistes ont l’expérience des thérapies de conduites addictives, mais il existe peu d’écrits. J’ai maintenant travaillé plus de 30 années avec des personnes dépendantes, dans une large gamme de substances et de comportements, et j’ai été non seulement conseiller et thérapeute, mais également superviseur d’équipes de communautés thérapeutiques et cliniques : je suis convaincu que la Gestalt est une approche hautement qualifiée pour le traitement des conduites addictives. Il est nécessaire de dire cela haut et fort, de nos jours, car la tendance actuelle va vers des approches comportementalistes et cognitives associées à la thérapie systémique; le risque est alors de perdre une expérience thérapeutique de qualité : celle d’une relation soignante, ce qui est le point fort de la thérapie gestaltiste dialogale.
37
Traduit de l’anglais par Manon Van Wœnsel et relu par Catherine Bolgert
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Dubreuil
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Re: Urgent, c'est le tournant de ma vie
Message par Dubreuil » 01 juin 2020, 09:36

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Le rôle actuel du cannabis dans la psychothérapie
Le rôle du cannabis en psychothérapie moderne est turbulent, mais certaines preuves montrent que le THC et le CBD ont quelque chose à offrir à ceux souffrant de maladies mentales. Le cerveau humain est complexe, le cannabis l’est aussi : le cannabis est-il le prochain traitement révolutionnaire des troubles mentaux ?


26 1 29 Apr 2019

Il n’y a peut-être pas de branche médicale qui avance autant à tâtons que celle qui étudie les effets des cannabinoïdes sur le cerveau humain « dysfonctionnant ».
De nos jours, aucune preuve ne montre que la consommation de cannabis provoque des troubles cérébraux chroniques, mais la complexité du cerveau humain rend compliqué le fait de savoir s’il pourrait ou non traiter ces troubles mentaux. Consommé en grandes quantités, le cannabis peut mener à des « symptômes psychotiques », particulièrement chez les individus vulnérables à la personnalité des antécédents familiaux liés à des problèmes mentaux. Pourtant, un grand nombre de patients atteints de schizophrénie, paranoïa, troubles bipolaires, et autres conditions mentales se soignent par eux-mêmes grâce au cannabis et ce depuis des années.
Les docteurs aux États-Unis qui prescrivent de grandes quantités de cannabis médical rapportent que très peu de ce cannabis est destiné à des patients atteints de troubles psychiatriques sévères, le syndrome de stress post-traumatique étant la condition la plus répandue. Les psychiatres conseillent souvent d’éviter le cannabis, mais certains l’approuvent en tant que traitement complémentaire pour des patients atteints de symptômes ou de diagnostics très particulier. De nombreux patients rapportent que le cannabis soulage certains de leurs symptômes, pourtant la littérature clinique reste très limitée, et de nombreuses études concernant la consommation de cannabis et la santé mentale ne sont pas d’une haute qualité méthodologique.
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LE CANNABIS DANS LES PRATIQUES PSYCHOTHÉRAPEUTIQUES
Le rôle que joue actuellement le cannabis dans les pratiques psychothérapeutiques est en effet complexe. De nombreux patients sentent déjà un certain stigmate entourant leurs troubles mentaux, le cannabis ne ferait que rajouter de l’huile sur le feu. Les personnels de santé, quel que soit leur rang, ont le devoir de protéger la vie privée de leurs patients, et ne sont pas supposés juger les choix de vie de leurs patients. À l’inverse, une discussion franche autour de la consommation de cannabis avant de commencer une séance avec un nouveau thérapeute est hautement recommandée afin d’aider à clarifier la position de chacun concernant la plante.
La thérapie devrait être une opportunité de se livrer en compagnie d’un professionnel bienveillant. Tout thérapeute digne de ce nom devrait être ouvert et compréhensif de votre relation avec le cannabis avant d’émettre le moindre avis ou jugement. C’est particulièrement le cas si l’on considère que le cannabis présente moins de danger que d’autres drogues vers lesquelles les patients se tournent parfois en cas de détresse, les professionnels de santé seraient peu intelligents de discréditer l’herbe sans y réfléchir.
D’un autre côté, les thérapeutes ont eux-mêmes un rôle difficile. Il est par exemple entièrement possible que la consommation de THC pousse quelqu’un à l’anxiété, ou qu’une consommation chronique empêche une autre personne de remplir ses responsabilités quotidiennes. Une fois de plus, tout est question de communication.

LA PSYCHOTHÉRAPIE ASSISTÉE AU CANNABIS
Il est intéressant de mentionner que les psychothérapies psychédéliques sont de plus en plus acceptées par la communauté scientifique. Les herbes et substances telles que la kétamine, la MDMA, l’ayahuasca, et les champignons magiques sont testés en tant qu’agent thérapeutique dans le cadre de troubles mentaux moyens et lourds. Les cannabinoïdes ne sont pas des psychédéliques au sens strict du terme, pourtant, dans certains pays où il est légal, des séances de psychothérapie assistés des effets des cannabinoïdes sont désormais proposées. Par exemple, certains États américains proposent des psychothérapies assistées au cannabis pour une somme approchant les 350 $, après quoi un chauffeur doit légalement vous ramener à votre domicile.
En matière de maladies mentales, chaque trouble demande des soins et traitements uniques. Cela signifie que les cannabinoïdes pourraient affecter différents troubles de différentes manières. Intéressons-nous à certaines recherches sur le rôle du cannabis en plein développement dans la santé mentale.
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GÉRER LES EFFETS DU THC
Il est bien connu que le THC peut rendre les gens plus détendus, moins stressés, et de meilleure humeur en règle générale. Malheureusement, le THC peut aussi provoquer des effets secondaires, c’est particulièrement le cas chez les consommateurs novices ou sensibles. Le THC est connu pour provoquer de la paranoïa et de l’anxiété à fortes doses. Bizarrement, le CBD est efficace pour réduire certains de ces effets psychotropes négatifs en diminuant la capacité du THC à se lier aux récepteurs de cannabinoïdes CB1.
Bien que le CBD gagne de plus en plus de terrain en tant que futur traitement pour les troubles psychologiques, le THC se montre efficace à sa propre manière, surtout pour les cas de troubles bipolaires. Ces troubles impliquent des périodes de forte énergie maniaque, alternant avec des périodes de très mauvaise humeur et des épisodes dépressifs. La consommation de cannabis est en fait plus élevée chez les patients bipolaires, probablement parce qu’ils l’utilisent pour soulager la dépression et atténuer les épisodes maniaques. L’effet biphasique typique des cannabinoïdes, où différentes doses produisent des effets différents (par exemple, des effets sédatifs par rapport à des effets revigorants), semble bien fonctionner chez certains patients atteints de cette maladie.
Néanmoins, et malgré des anecdotes prometteuses, les études sur des patients atteints de troubles[1] bipolaires ou de schizophrénie utilisant du cannabis ont donné des résultats assez peu concluants, à la fois pour évaluer l’efficacité médicale du THC, et ses utilisations spécifiques. Les études ont en effet observé que la consommation de cannabis était associée à une meilleure fonction neurocognitive chez les sujets atteints de troubles bipolaires, mais que le contraire était constaté chez les sujets schizophrènes.

LE THC ET LE SYNDROME DE STRESS POST-TRAUMATIQUE
Les récepteurs CB1 se trouve partout dans notre cerveau, et de récentes techniques de neuro-imagerie ont montré une augmentation des récepteurs CB1 dans de multiples régions du cerveau liées à syndrome de stress post-traumatique. Les cannabinoïdes affectent l’hippocampe, une région du cerveau qui joue un rôle dans la mémoire et l’apprentissage. Cette zone est importante dans le cas des troubles de l’anxiété tels que les SSPT, car elle contribue aux mécanismes du danger et de la sécurité.
Le rôle des cannabinoïdes dans le processus d’apprentissage lié au danger et à la sécurité indique que le cannabis peut être utile contre l’anxiété et les SSPT. Le système endocannabinoïde semble être impliqué dans la disparition des mauvais souvenirs, et il a été prouvé que le THC comme le CBD facilitent la disparition de la réponse de peur pathologique.
Des millions de personnes souffrantes de troubles de l’anxiété rapportent que le cannabis amène relaxation, sérénité, et les apaise. Les patients souffrant de SSPT ont particulièrement déclaré que le cannabis aidait contre les insomnies, l’anxiété, et les sautes d’humeur. Toujours est-il que les rapports sur l’efficacité du THC varient. Une étude déclare que la consommation seule de cannabis ne semble pas mener à un rétablissement sur le long terme pour l’anxiété ou les SSPT, pourtant, d’autres études suggèrent que le cannabis joue un rôle dans leur traitement. Pour faire court, on sait peu de choses sur les effets du cannabis sur le rétablissement naturel des troubles de l’anxiété et de SSPT.
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LE CBD ET LA SCHIZOPHRÉNIE
Le CBD a été capable de traiter des symptômes de la schizophrénie lors de tests contrôlés en laboratoire, les résultats étaient comparables à ceux de médicaments antipsychotiques, avec beaucoup moins d’effets secondaires. Étant donné sa nature non-psychoactive, le CBD peut-être plus facilement soumis aux expérimentations que le THC dans le cas des troubles psychiatriques. La recherche a montré que le CBD était efficace en tant que traitement supplémentaire de la schizophrénie[2], catalysant une réduction significative des symptômes psychotiques chez les patients traités par cannabidiol.
Des études ont également montré que le CBD pourrait améliorer l’apprentissage et la mémoire pour les personnes souffrant de trouble cognitif légers, mais son efficacité dans l’amélioration de la cognition liée à la schizophrénie ne peut être entièrement confirmée à cause d’un manque de preuves cliniques. Cependant, il a été prouvé que le CBD augmentait la cognition lors de multiples études menées sur des troubles cognitifs légers avec des modèles pré-cliniques de schizophrénie, de maladie d’Alzheimer, de méningite, et d’ischémie cérébrale.

INTERACTION ENTRE THC, CBD ET MÉDICAMENTS SUR ORDONNANCE
Les patients ayant consommé du cannabis contenant des quantités de THC décentes sont heureux du peu d’effets secondaires comparés aux médicaments sur ordonnance. Cependant, dans certains cas, le THC a le potentiel de diminuer l’efficacité d’autres médicaments, et même de causer des réactions imprévisibles voire d’empirer le trouble. Il a été prouvé que le cannabis aidait les personnes souffrant de dépression, mais le consommer tout en prenant des antidépresseurs peut être dangereux, car les cannabinoïdes peuvent intensifier les effets secondaires. Cela peut aussi arriver avec les sédatifs, l’alcool, ou d’autres drogues et médicaments, les patients se sentiront trop sédatés en consommant du THC en plus de tranquillisants.
Le CBD est non-psychotrope, il est aussi potentiellement intéressant pour aider à se débarrasser de l’addiction[3] à certaines substances nocives en particulier. Cependant, le cannabidiol peut empêcher une correcte métabolisation de beaucoup de médicaments pharmaceutiques. Le CBD est métabolisé par les enzymes du cytochrome P450; il désactive alors essentiellement ces enzymes, les empêchant de métaboliser efficacement les autres médicaments. Il est essentiel de comprendre cela pour les personnes prenant certains médicaments, comme certains antipsychotiques, car cela peut entraîner des effets secondaires plus prononcés.
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LOIN D’ÊTRE UNE CONCLUSION
L’interaction particulière entre les cannabinoïdes et notre esprit est loin d’être comprise. Le manque d’étude complète et à grande échelle rend extrêmement difficile de tirer des conclusions sur le plan psychologique ou psychiatrique. Les cannabinoïdes pourraient aider contre certaines maladies mentales, mais ils pourraient aussi augmenter les symptômes ou compliquer la thérapie. De plus, nous sommes très loin de connaître les doses optimales et les méthodes standards d’administration du cannabis pour un usage en psychiatrie.
Malgré notre manque de connaissances actuelles, les cannabinoïdes sont perçus comme très prometteur, car ils ciblent des systèmes neurotransmetteurs différents des médicaments traditionnels et ont le potentiel d’être plus efficace tout en étant moins dérangean
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
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