Prenez des médicaments !

Forum dépression chronique
Mercutio
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Prenez des médicaments !

Message par Mercutio »

Quel dépressif n'a jamais entendu cette formule magique, cette panacée, de la bouche d'un spécialiste ? Beaucoup en éprouve du soulagement, d'autant que cela ne leur coûte rien. Quelques mots griffonné sur un stylo, un petit au revoir, le passage obligé devant la secrétaire pour fixer un autre rendez-vous, le mois prochain, direction la pharmacie … Le chat de la pharmacienne ronronne sur le comptoir. Et puis un jour le médecin généraliste qui s'inquiète de votre consommation de médicaments. De toute façon, lui dis-je, les gens comme moi finissent par se suicider, alors Alzheimer pour oublier, pourquoi pas ? Finir gâteux
Alors, on n'est pas content de la tonalité du message ? On veut me censurer ? C'est tellement mensonger que les autres sont assez mal fichus pour y croire. Bien entendu que c'est faux !
Un médecin m'a dit que j'avais besoin d'amour et d'attention, de compassion, de soutien, d'écoute...
En attendant l'alchimie, il y a la chimie, en attendant les amants, il y a plein de médicaments.
Dubreuil
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Re: Prenez des médicaments !

Message par Dubreuil »

Ben oui, sur ce forum vous enfoncez les portes ouvertes, tout le monde sait cela.
C'est justement pour ne pas se laisser empoisonner par les psychiatres ( quand nous n'avons pas un grave trouble mental ) que Centre aide existe.
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Mercutio
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Re: Prenez des médicaments !

Message par Mercutio »

Cher Dubreuil,
votre réponse succincte me remplit d'aise. Votre guerre contre la psychiatrie nécessite un Mithridate.
Seul le NOUS de votre message me dérange. D'habitude, je m'en prends au ON. Mais ce NOUS qui prétend faire peuple de salle d'attente... Prétendriez-vous parler à notre place, celle de notre ego, après être descendu parmi nous ? Justifiez, je vous en prie, cet écart de langage. Vous n'êtes pas moi, quand je ne suis pas à votre place de sachant. Je le regrette, car j'ai des choses très intéressantes à vous confier, si vous vous intéressez aux cas extraordinaires qui parsèment avantageusement les communications de colloques. Vous étiez à celui de Nancy, l'année dernière ? Pour ce qui est des problèmes de porte, sachez justement que je recherche une bonne clé, et même par les temps qui courent, un passe par toux. Sur internet, il n'y a que des portails et des fenêtres.
Dubreuil
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Re: Prenez des médicaments !

Message par Dubreuil »

Je le regrette, car j'ai des choses très intéressantes à vous confier, si vous vous intéressez aux cas extraordinaires qui parsèment avantageusement les communications de colloques. Vous étiez à celui de Nancy, l'année dernière ?
*** Sur la psychiatrie ou sur les copolymères amphiphiles ?
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Mercutio
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Re: Prenez des médicaments !

Message par Mercutio »

N'ayez crainte, la dérision est une arme que j'utilise pour sublimer mes angoisses. Je n'y parviens pas toujours. La provocation est une façon d'exister, d'attirer la tension.
Je vis couché, dans un noir faussement protecteur qui ressemblerait à la conception que je me fais du ventre de ma mère. Je fréquente des spécialistes depuis trente ans. Mon rêve, c'est d'être mort, d'ailleurs je pensais aujourd'hui que j'étais mort quelque part au début de l'année 1966 dans mon berceau. Maman ne voulait pas me témoigner le moindre amour, ne répondait pas à mes pleurs. J'ai fermé les yeux pour toujours, car depuis, je ne rappelle pas que quelqu'un ne m'ait jamais prêté l'attention suffisante . Ma souffrance fut immense. Je ne suis pas un homme normal, avec des souvenirs heureux, mais avec une mémoire douloureuse. Ce devait être ainsi. J'ai mal choisi mon moment, vers le début de soirée, quand papa rentrait du travail. Papa m'a emmené à l'hôpital. Seule une mère peut comprendre cela, mon besoin d'amour. C'est instinctif. La résilience aurait consisté à pardonner à ma mère. Autrefois, les hommes avaient des nourrices. Je suis fasciné par ces femmes qui portent d'énormes seins en sillicone qui les rendent ridicules.
Les mots sont inutiles. Je voudrais presser un sein contre moi, un sein maternel, une mamelle du bonheur. Les poitrines pourraient sauver le monde. Les hommes rêvent d'aimer les femmes, mais voyez-vous, ils en sont empêchés par les castratrices. Notre haine contre les castratrices est légitime. J'aime ce tableau, La Piéta de Villeneuve les Avignon, le premier chef d'œuvre de la peinture française. Je voudrais mourir comme ça, entre les bras d'une femme.
Dubreuil
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Re: Prenez des médicaments !

Message par Dubreuil »

Digressions pour vous changer les idées...

Petits viols en famille
(extrait)

— On pourrait se tutoyer, si tu veux.
Elle ne répond pas.
Il rassemble ce qu'il lui reste d'amertume :
— C'est vrai, je, vous, tu, quelle importance !
— A qui adressez-vous, ce, je-vous-tu(e) ?
Il étend sur le divan un corps bien droit, tout empesé d'épouvante :
— Vous êtes sûre d'être vivante ?
Certes, il pourrait vivre, vivre sans la nécessité de vivre, sans donner sens à la vie, et sa bouche s’ouvrirait, ouvrant le visage tout entier, morcelé, elle y verrait les étapes, les dérisoires apothéoses.
Il se relève sur les coudes :
— Laissez-moi toucher vos seins, j'ai besoin de toucher les seins d’une femme !
Le rouge au front, honteux, désuni, il se recouche. Les yeux fermés il visualise le divan, s’y noie dans une rigidité parfaite.
Il entend qu'elle dit :
— C'est dans le corps de l’autre que l'on veut retrouver l'enfance, son père et sa mère, et le temps d'avant les souffrances. On regarde si toutes les portes sont bien verrouillées, on est sûr qu'il y en a une pour nous qui va céder.
— Non, moi je veux que l'on me berce doucement, tendrement, j'ai tant de choses à me faire consoler, il faudrait me consoler de moi.
Il en est des mots de l’homme comme des spasmes, un jour, la poitrine oppressée sous la vieillesse du chagrin, on parle. Mots redits, dédits, repris, surpris, mots enfin compris, moribonds. On parle de toutes sortes de façons, dans un café, une gare, sur un banc, un divan, les yeux ouverts ou fermés, tout à l’emmuré de ses appels, on parle.

***

Et lentement, elle monte au sens :
— Quand tout devient urgent, entêtant, cette odeur que vous avez, pourrait-on dire, que vous avez en-tétant, ce pourrait être l'odeur comble d'un sein qui subitement se dérobe, vous coupe du vivant de vous-même, vous fait mort, mort qui persiste à venir, à tenir, désagrégation imminente de tout votre être, odeur tellement meurtrière de l'autre
Tendu vers elle, de toutes les fibres de son corps, il écoute.
— Et cette odeur comme un parfum, un parfum qui n’est plus, ou sur la peau d'un autre, entendez l'autre, dans le sens qu'il n'est pas vous, mais dissocié de vous, c'est la peau de l'autre, c'est cet autre qui devient vivant, terriblement vivant, qui dans son pouvoir de vie, pouvoir de mort, ne vous permet d'advenir que dans votre propre désir de vengeance, " Vous êtes sûre d'être vivante  ?"
Il retient son souffle.
—Vengeance sur cet autre, qu'à travers ma personne vous avez attaqué dans la violence banalisée de votre, je vous tu(e), terrorisé qu'en retour de votre haine pour mon odeur mortifère du vivant, j’use à mon tour de ma toute-puissance pour vous détruire.
Elle ne parle plus.
Il dit :
—Quand les psys écrivent que la tétée c'est aussi une question de survie, un cas de conscience pour le bébé avec de la vengeance autour, qu'il croit qu'en tétant le sein de sa mère il la dévore et qu'elle le dévorera un jour, aujourd'hui encore, dans la tribu Korowai en Nouvelle Guinée, le meurtre et le dépeçage de l'enfant sont l'apogée de la jouissance alimentaire de la mère, elle jouit de manger son enfant ! Alors cette horreur, cette terreur que je ressens au plus animal de mon être, c'est bien plus qu'une histoire de sein dense ou vide, c'est du cannibalisme annoncé ! Pas de mystère, cette odeur de mort je la connais, je l'ai déjà goûtée, c'est l'odeur de ma mère, mangera bien qui mangera le dernier !

***

Elle propose :
— Une voix pour qui les autres et votre auditoire musical faisait enfin silence, une voix qu’ils commençaient à entendre. Et cette voix, même si ce n’était pas vous, c’était au moins une partie de vous qui restait vivante. Une voix comme après la naissance, quand le nourrisson privé un temps du sein et de l’odeur de sa mère, hallucine sa présence en l’attendant.
Il se lève d'un bond :
— Je croyais vous l’avoir dit, ne me parlez plus jamais de sein, ni de femme qui allaite ! Rien que le mot, la vue, l'odeur, ça me dégoûte ! Et ce geste où elle lui tourne d'autorité la tête vers le mamelon, quand il le cherche bouche ouverte, c'est, c'est... et de le voir sucer, c'est obscène ! Il attrape le violoncelle, le plaque contre lui. Cette connivence, cette lubricité goulue de la bouche du bébé à ce téton froncé, ce bout de sein dressé, ce largage d'ocytonine comme sous la succion pressante d'un amant, et tout ça qu'ils abandonnent ensuite, lui repu, elle apaisée, quand elle le remet en place avec sa main sous son vêtement... Ce morceau de chair vide, flasque, qui va se remplir à nouveau, précis, rigoureux, mathématique... et à nouveau cette mamelle trivialement dénudée, suintante, qui va exiger d'être aspirée, mâchouillée, tétée, c'est... c'est...
Les deux mains posées sur le ventre du violoncelle, il attend la nausée.
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Dubreuil
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Re: Prenez des médicaments !

Message par Dubreuil »

MELANIE KLEIN
Pionnière en psychanalyse des petits enfants
(Dolto n'a rien inventé)

Mélanie Klein a osé, la première, explorer l’inconscient des jeunes enfants, révélant les fantasmes angoissants qui peuplent leur univers. On lui doit la compréhension des processus psychiques précoces qui déterminent notre vie d’adulte.

Jacques Lacan l’avait surnommée « la tripière de génie ». Tripière car, pour Melanie Klein, le ventre, avec ses viscères, ses excréments et ses monstres imaginaires, est l’antichambre du moi. Quand elle rejoint le camp de la psychanalyse, elle est l’une des très rares psys d’enfants.
L'analyse des enfants peut aller beaucoup plus loin que celle des adultes et [...] mettre en lumière des détails qui n'y apparaissent pas aussi clairement

Mélanie Klein se démarque rapidement de ses consœurs, Anna Freud, fille du maître ou Hermine von Hug-Helmuth (assassinée par son neveu qu’elle a psychanalysé), qui pensent que la thérapie des petits doit se limiter à un travail éducatif. Pour Mélanie Klein, en revanche, l’enfant, dès 2 ans, est un patient digne de ce nom.

Dès 1920, elle développe sa technique de psychanalyse par le jeu : des poupées, des autos, des animaux, des crayons, des ciseaux, et la séance peut commencer. "Le grand train, c’est papa ; le petit, c’est toi ; la gare, c’est maman, explique-t-elle à Dick, un jeune patient resté un cas célèbre de la littérature analytique. Dick entre dans maman, il fait noir dans maman, Dick est dans le noir de maman." Voilà comment Melanie Klein aide les petits à apprivoiser leurs fantasmes incestueux et l’angoisse qui les accompagne.

***La psychanalyse freudienne déroule le tapis rouge devant le père. Pour le kleinisme, le personnage déterminant, c’est la mère. Pour réussir à penser, il faut la tuer symboliquement, quitte à la retrouver plus tard. Cet affront au père, Freud ne le pardonnera pas à Melanie Klein !

*** Le sadisme est originel
Pour Melanie Klein, l’être humain est, de façon innée, travaillé par une pulsion de mort et de destruction. Dès ses premiers mois, il est habité par des fantasmes sadiques visant l’intérieur du ventre maternel. Il imagine ses deux parents soudés en une sorte de copulation ininterrompue et, se sentant exclu de cette belle harmonie, rêve de les anéantir. La survie dans l’inconscient de ce sentiment d’exclusion archaïque explique les meurtres passionnels de l’adulte, mais aussi la douleur indicible qui peut nous assaillir lorsque nous sommes trompés : nous revivons alors cette mise à l’écart primitive.

*** Les filles ont peur de leur mère
Selon Melanie Klein, les filles se tournent vers leur père, puis s’intéressent aux hommes pour échapper à une mère vécue comme toute-puissante, qui menace de les détruire et de leur interdire l’accès à la maternité. Le fantôme de la mère se tient derrière toute histoire d’amour. Même dans l’hétérosexualité, le véritable objet de désir et de défi d’une femme, c’est l’autre femme, toujours imaginée comme une rivale.

*** La vie psychique démarre dès la naissance
Loin de connaître la béatitude, le nourrisson expérimente des états paranoïdes, où il croit que le sein, le biberon et le monde lui veulent du bien ou du mal, selon ses sensations du moment. Empli d’une envie dévorante à l’égard du sein, il est terrorisé par cette pulsion : il craint d’abîmer cette source nourricière, de la perdre.
Vers 6 mois, la « position dépressive » tempère cette agitation mentale. La pression se relâche, l’envie archaïque se transforme en gratitude et en amour pour ce qui fait du bien, la mère.
Melanie Klein qualifie cette étape de dépressive, car elle apprend à supporter ces sentiments douloureux que sont tristesse, remord et culpabilité.

A lire :
Psychanalyse d’enfants de Melanie Klein. Un incontournable pour comprendre les bases de sa pensée (Payot, “Petite Bibliothèque”, 2005).

Introduction à l’œuvre de Melanie Klein, d’Hanna Segal. L’auteur, élève de Melanie Klein, a largement contribué à la diffusion de ses concepts, souvent difficiles à saisir, car tout droit issus de la vision du monde du petit enfant (PUF, 2003).
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Re: Prenez des médicaments !

Message par Dubreuil »

"La survie dans l’inconscient de ce sentiment d’exclusion archaïque explique les meurtres passionnels de l’adulte, mais aussi la douleur indicible qui peut nous assaillir lorsque nous sommes trompés : nous revivons alors cette mise à l’écart primitive."

" C'est dans le corps de l’autre que l'on veut retrouver l'enfance, son père et sa mère, et le temps d'avant les souffrances. On regarde si toutes les portes sont bien verrouillées, on est sûr qu'il y en a une pour nous qui va céder.
— Non, moi je veux que l'on me berce doucement, tendrement, j'ai tant de choses à me faire consoler, il faudrait me consoler de moi."
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Re: Prenez des médicaments !

Message par Dubreuil »

*** Pourquoi ce nom ce nom de tragédie, Mercutio ?

N'ayez crainte, la dérision est une arme que j'utilise pour sublimer mes angoisses. Je n'y parviens pas toujours. La provocation est une façon d'exister, d'attirer la tension.
*** La tension physique, l'attention affective, la tension refoulée qui est celle de l'affrontement. De la colère.

Je vis couché. Je fréquente des spécialistes depuis trente ans.
*** Pourquoi

Je pensais aujourd'hui que j'étais mort quelque part au début de l'année 1966 dans mon berceau. Maman ne voulait pas me témoigner le moindre amour, ne répondait pas à mes pleurs.
*** Que se passait-il ?

J'ai fermé les yeux pour toujours, car depuis, je ne rappelle pas que quelqu'un ne m'ait jamais prêté l'attention suffisante .
*** Suffisante à quoi ?
Suffisante, pour quoi ?

Ma souffrance fut immense. Je ne suis pas un homme normal, avec des souvenirs heureux, mais avec une mémoire douloureuse.
*** D'où vient cette mémoire ? Vous appartient-elle ? Que contient cette mémoire ?

J'ai mal choisi mon moment, vers le début de soirée, quand papa rentrait du travail. Papa m'a emmené à l'hôpital.
*** Que s'est-il passé?

Seule une mère peut comprendre cela, mon besoin d'amour. C'est instinctif.
*** Non, ce n'est pas instinctif. Ce n'est pas inné. Ce n'est pas un dû. Et vous en avez eu la preuve.

Les mots sont inutiles
*** Pas quand, comme le corps, ils permettent de traduire une émotion.

Les hommes rêvent d'aimer les femmes, mais voyez-vous, ils en sont empêchés par les castratrices. Notre haine contre les castratrices est légitime.
*** Oui, si pour un drame, et/ou par l'attitude du père, il est resté au stade Oedipien.
Il n'y a pas une armée de castratrices, pour le petit garçon il y a d'emblée la fulgurance, la terreur de la castration au constat de la différence des sexes, mais tout aussitôt refoulée. Si ce stade libidinal se passe mal et que survit la peur de la castration, la méfiance et la haine ( névrose, psychose) envers les femmes survient et perdure. D'abord contre la mère toute puissante, dévoratrice.

J'aime ce tableau, La Piéta de Villeneuve les Avignon, le premier chef d'œuvre de la peinture française. Je voudrais mourir comme ça, entre les bras d'une femme.
*** "Elle ne le tient pas contre ses seins, elle le soutient juste (et accompagnée par d'autres femmes) sur ses genoux.
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Mercutio

Message par Mercutio »

Il ne faut pas brûler les étapes. Je suis heureux de découvrir que vous me manifestiez autant d'attention. Oui, je vous l'avoue, le bonheur des hommes passe nécessairement par l'amour des femmes. Avec moi, les femmes doivent être fortes et consolatrices.
Ma mère se moquait de moi quand je pleurais étant petit, elle ne me consolait pas. Je suis resté prisonnier de moi-même. Ma mère a entraîné une réaction d'orgueil en moi, très puérile, une ébauche de narcissisme qui revient par courtes périodes. Comme je n'ai pas vraiment connu d'épisodes heureux avec ma mère, je ne suis pas réellement narcissique mais mon égo me joue des tours... Je peux me tromper dans mes analyses puisque je lis parfois des livres de psychologies en diagonale.
Mon père était un drôle de monstre. Ancien d'Algérie, il faisait des cauchemars la nuit, se réveillait en criant. Il me parlait de cadavres de soldats français émasculés dont le sexe était placé dans leur bouche. Pendant la guerre, les officiers français manipulaient les conscrits en leur montrant des photos de ces cadavres, sinon les corps, autrement plus parlant et odorant. C'était une façon d'obtenir de la cohésion dans les rangs - la peur - car les appelés français ne voulaient pas se faire trouer la peau pour les colons pieds-noirs qui les méprisaient.
Mon père disait "les bougnoules". Fainéants et obsédés sexuels. J'ai une sœur qui n'a jamais couché qu'avec des Arabes.
Mon père devait sinon me battre, du moins me faire peur dès ma petite enfance. En tout cas, il a transféré ces fantasmes en moi afin de s'en débarrasser sur la seule personne qui ne pouvait lui résister. Je me souviens que je tremblais le 14 Juillet, lorsque j'assistais au feu d'artifice. J'aimais Napoléon, les soldats de plomb. J'étais déjà enfermé en moi, sans aucun confident. Comment ai-je pu vivre ainsi toute ma vie ?
Aujourd'hui l'idée de me confier représente toujours une immense angoisse, d'autant plus grande que la confidence est grave.
A deux ou trois ans, je me réveillais dans mon lit, le matin, en constatant que j'avais fait pipi au lit, source d'une immense culpabilité. Mes parents m'engueulaient pour ma saleté. Certes, maman devait faire la lessive. J'étais maigre, je tombais tout le temps par terre, et mes genoux, comme mes coudes étaient couronnés de sang, les quatre en même temps. Mon pyjama collait à mes croûtes.
Ici intervient un épisode dont les psys doutent de la véracité. Ils pensent qu'il s'agit d'un fantasme. Je l'avais occulté de ma mémoire en raison de sa violence. Notre médecin de famille, le docteur Dupond était un homme rondouillard et débonnaire. interrogé par mon père sur ma saleté, il lui proposa d'examiner mes excréments en me faisant faire caca dans un pot plutôt que dans les WC. Un jour mon père excédé de devoir observer chaque matin la forme de mes merdes posa le pot sur la table et me demanda de le manger, afin de me guérir pour toujours de ma saleté. En ai-je mangé ? Je revois la cuisIne, mon père à l'autre de la table et ma mère sur le côté qui ne disait rien. Il me semble parfois que j'ai goûté un tout petit bout de ma crotte et que le goût en était insipide. Mais je crois plutôt que je n'en ai rien fait. Ce qui est sûr, c'est que mon père me disait souvent quand j'étais enfant : "On lui ferait manger sa merde à celui là !"
Dans les mois qui ont suivi, alors que je buvais encore un biberon quotidien, j'ai décidé de ne plus boire de lait du tout. C'était début 1969, parce que durant l'été 69 nous avons passé une semaine à Marseille et que le serveur de l'hôtel s'étonnait que je busse du jus d'orange au petit déjeuner.
Pour Noël 1970 ou 1971, maman m'a acheté une panoplie de cow-boy. Mon père ne voulait pas se lever. Il semblait malheureux. Je suis allé lui montrer ma panoplie. Il s'est retourné, a cassé mon pistolet en deux. Vous pensez à l'Algérie ?
C'était un pervers narcissique dont j'ai découvert, lorsque j'avais dix ans, qu'il distribuait mes jouets à mes voisins.
Une autre fois il a critiqué les ongles de ma mère parce qu'il étaient roses et m'a montré les miens qui étaient de la même couleur. Je ne l'ai surpris qu'une fois en train de la battre, bien des années plus tard, alors que j'avais mes deux sœurs. Maman se recroquevillait par terre un peu comme un fœtus et j'ai eu pitié d'elle, comme mes sœurs. Maman est petite sans aucun charme. Papa était un assez beau gars, un peu moins asocial que ma mère. Il l'expliquait par le fait que nous nous appelions SALAUD.
Peut-être que mon mère a épousé ma mère par pression sociale, alors qu'aucune femme ne voulait de lui pour mari. Mais leur mariage a duré et leur entente devenait nécessaire, n'ayant aucune relation amicale en dehors du foyer familial. Papa aimait les westerns et l'accordéon, regrettait de ne pas savoir en jouer. Maman aime les bibelots, accumule des objets dans sa maison devenue vide.
Je me souviens d'avoir surpris une conversation entre mon père et ma mère un dimanche matin. Ils parlaient de leurs enfants comme s'ils étaient des étrangers, des êtres différents d'eux. Enfin, mes souvenirs s'estompent avec le temps. Peut-être ai-je surinterprété une conversation, car mon imagination est proprement extraordinaire.
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