Incapacité au bonheur

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Norah2021
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Incapacité au bonheur

Message par Norah2021 »

Bonsoir,

J'écris ce message car je me sens désespérée, et ce depuis plusieurs années.

Je suis apathique, à savoir dénuée d'émotions et d'intérêts. Ma vie est plate et ennuyeuse, quoique je fasse, qui que je vois. N'ayant pas d'intérêts, de passions, je n'ai rien à partager avec autrui, ce qui limite mes relations, notamment amoureuses (personne ne tombe amoureux de moi, tout le monde s'ennuie avec moi rapidement). Une de mes dernières relations officielles avec un garçon a duré trois semaines. La personne a rompu car nous ne rigolions jamais ensemble, ce qui est vrai (je ne rigole jamais).

Je ne prends plus de plaisir à lire, à écouter de la musique, à regarder des films... Tout me laisse froide.

Ne ressentant aucune émotion positive depuis des années, j'ai essayé deux fois de me suicider en 2019. J'y suis presque parvenue la deuxième fois, mais mon colocataire m'a trouvée et a appelé une ambulance.

Je suis passée par l'hôpital psychiatrique, qui n'a rien changé à mes problèmes, ni à mon désir de mourir.

Actuellement, je suis une thérapie par électrochocs, mais pour l'instant elle ne change rien à mon état.

Avez-vous vécu durant des années sans ressentir d'émotions, ni pour des activités, ni pour autrui? Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui a vécu une telle apathie et durablement.
Dubreuil
Psychologue clinicien
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Re: Incapacité au bonheur

Message par Dubreuil »

J'écris ce message car je me sens désespérée, et ce depuis plusieurs années. Je suis apathique, à savoir dénuée d'émotions et d'intérêts.
*** Ce sont des émotions.

Actuellement, je suis une thérapie par électrochocs, mais pour l'instant elle ne change rien à mon état.
*** Votre état " mélancolique ", (dépression mortifère) est une pathologie grave, qui explique vos états plus ou moins ponctuels de dépréciation sensorielle dont il n'y a en effet pas grand chose à faire et/ou à dire.
L'important, c'est surtout ce qu'il vous importe de savoir, auprès d'éventuelles personnes, qui ont été, ou sont encore dans le même processus mental que vous... Que retireriez-vous de ces échanges ? Vous aideraient-ils à être moins désespérée ?
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
Dubreuil
Psychologue clinicien
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Re: Incapacité au bonheur

Message par Dubreuil »

Norah, je me permets de joindre un écrit sur les généralités de LA MELANCOLE, afin que les internautes comprennent en quoi consiste cette pathologie. Bien sûr, ils comprendront que chaque problématique est différente et si vous le souhaitez vous pourrez converser plus librement avec eux, de vos "ressentis", et expérience personnelle.

lA MELANCOLIE
État de dépression intense vécu avec un sentiment de douleur morale, et caractérisé par le ralentissement et l'inhibition des fonctions psychomotrices et psychiques.
Cette dépression profonde de l'humeur est marquée par:
une inhibition psychomotrice (perte de l'initiative, ralentissement psychomoteur, parfois état de stupeur...);
une douleur morale intense avec désespoir, anxiété majeure et auto-dépréciation;
des idées délirantes sur le thème de l'indignité, de la culpabilité ou de la ruine;
un risque suicidaire élevé.

La mélancolie est un versant grave de la dépression. Elle s'inscrit de ce fait dans la PMD (ou Psychose Maniaco-Dépressive). C'est alors l'opposé de la manie.

Syndrome de Cotard:
dépression très importante;
délire sur le thème d'une transformation des fonctions corporelles, voire leur négation;
hypocondrie sans entrevoir l'espoir d'une guérison.
C'était la "mélancolie vagabonde" des anciens médecins arabes. Hippocrate y voyait de son côté les effets d'un excès de "bile noire chaude".

Signes cliniques
La mélancolie représente la forme majeure des états dépressifs. Qu'elle soit réactionnelle à un événement ou d'apparence spontanée, elle s'installe progressivement sur plusieurs semaines. Il n'existe généralement aucun rapport compréhensible entre les symptômes mélancoliques et la situation familiale ou sociale du patient. Cependant, un événement psychologique émotionnel a pu jouer le rôle de facteur déclenchant.
Début : le début est habituellement progressif et insidieux. Pendant quelques semaines le malade se sent envahi par le découragement, l'insécurité. Il devient sombre, pessimiste, morose, sans élan. Son humeur est triste. La fatigue et un malaise général lui font cesser ses activités sociales, professionnelles... etc.
"Je ne suis plus comme avant" se dit-il. Sa volonté s'effondre et il se désintéresse de toute distraction. Il se reproche de ne plus aimer comme avant les siens, d'avoir vis à vis d'eux une certaine indifférence. On observe des troubles du sommeil, une insomnie précoce et constante. Quand il parvient à s'endormir, c'est pour se réveiller définitivement au bout d'une heure. Le patient éprouve des sensations physiques pénibles dans le corps, maigrit, souffre de céphalées... L'entourage commencera à s'inquiéter au vu de ces troubles.

Période d'état
elle se trouve réalisée en quelques semaines, plus rarement en deux ou trois mois. L'aspect du mélancolique est pâle, prostré, immobile, muet ou ne proférant que plaintes et gémissements. Son visage devient tragique, ses traits sont décomposés. Au niveau du comportement alimentaire, le patient refuse toute nourriture. Il déambule lentement jour et nuit en proie à une angoisse très perceptible. Chez les femmes, on constate souvent une aménorrhée. Le ralentissement du tractus digestif entraîne des constipations, de l'aérophagie. Le patient a un pouls inconstant, une tendance à l'hypotension. Quand il communique, c'est pour s'accuser de fautes antérieures ou demander qu'on mette fin à sa vie. Il existe alors un grand risque suicidaire (impulsion-suicide).

Le syndrome mélancolique comprend une humeur triste, un ralentissement idéomoteur, des idées de suicide, une réticence aux sollicitations, des insomnies, des troubles digestifs, une perte d'appétit, un désintérêt global. La communication, quand elle démarre, est lente, les réponses sont proférées à voix basse, entrecoupées de soupirs. Le discours est centré sur le patient, rien d'autre n'existe. Toutes ces idées pessimistes orientées vers la faute ou le malheur ont pour conséquence les conduites suicidaires du mélancolique.

La réticence
c'est un symptôme très fréquent, à tous les stades de cette maladie. Le malade ne parle pas, ou bien parle mais dissimule, diminue, amoindrit les troubles psychiatriques qui l'envahissent. Il taira en particulier les idées de suicide. La réticence est un signe de dangerosité, notion que le soignant devra avoir régulièrement à l'esprit, que ce soit lors des entretiens infirmiers, ou dans le quotidien du service d'hospitalisation. Une amélioration apparente pourra n'être qu'une façade pour endormir la surveillance.

Mélancolie stuporeuse
dans cette forme pathologique, le ralentissement idéomoteur est maximum. Au cours de l'état de stupeur mélancolique, les mouvements volontaires sont suspendus, et il existe une véritable sidération des activités motrices de l'expression. Le visage est inexpressif, figé dans une mimique de tristesse intense. Les paupières sont immobiles, le regard est fixe, des larmes apparaissent parfois. Attention: les idées mélancoliques demeurent très actives et il faut craindre le raptus de suicide chez ce patient. On note une opposition à tout essai d'alimentation;

Mélancolie anxieuse ou délirante
le ralentissement idéomoteur disparaît au profit de l'agitation anxieuse. Le patient ne peut tenir en place, va et vient, guette aux portes. Il est aux aguets, se lamente, essaie de fuir devant un danger imaginaire. La peur est l'élément dominant de cette forme de mélancolie, et elle est vécue comme une véritable panique. Le mélancolique anxio-délirant est en proie à une dramatique agitation. Dans certains cas on notera la présence envahissante d'un délire à thème de persécution, ou hypocondriaque (certains auteurs classeront la mélancolie délirante dans une catégorie distincte de la mélancolie anxieuse).

Formes étiologiques : Psychose maniaco-dépressive
La mélancolie représente la phase d'humeur triste et de sentiments dépressifs d'une affection mentale caractérisée par l'alternance d'accès mélancoliques et d'accès maniaques. Ces accès aigus sont séparés par un intervalle au cours duquel le sujet vit 'normalement', en parfaite relation avec son entourage, sans souffrance majeure.
La mélancolie peut aussi représenter la seule forme de renouvellement des accès (mélancolie intermittente, ou PMD unipolaire). Le début de l'affection se situe avant la quarantaine. La période d'état est représentée par un accès de mélancolie franche et aiguë. On recherchera pour confirmer le diagnostic: la fréquence des antécédents familiaux (mélancolie et manie), le caractère cyclothymique du patient avec tendance fondamentale à des oscillations de l'humeur... le pronostic à long terme est celui de la récidive, surtout s'il existe une répétition fréquente des accès dès le jeune âge.

Mélancolie d'involution
L'accès mélancolique apparaît à l'âge moyen de la vie (après 50 ans) et surtout chez les femmes. Cette mélancolie est caractérisée par une absence d'antécédents psychiatriques personnels, un fond de personnalité obsessionnelle (méticulosité, recherche de l'ordre, entêtement), des craintes hypocondriaques, des manifestations hystériformes avec maniérisme et théâtralisme, de l'angoisse et de l'agitation. Le syndrome mélancolique est alors d'installation progressive, plus souvent modéré que sévère. La mélancolie d'involution survient souvent à la suite de deuils, de difficultés sociales ou professionnelles... etc.
En résumé : des crises de mélancolie, apparaissant au-delà de la cinquantaine, sans passé cyclothymique (c'est à dire sans alternance maniaco-dépressive), doivent faire évoquer une mélancolie d'involution (ou présénile). Cela s'observera plus souvent chez une femme, et aura pu être déclenché par un choc affectif. La présentation du sujet sera particulière, en une sorte d'état mixte où agitation et dépression coexistent, avec de fréquentes manifestations théâtrales (hystériques) et des hallucinations. Son évolution est relativement plus favorable bien qu'il existe néanmoins un risque d'évolution vers un affaiblissement intellectuel progressif, ou vers un délire chronique avec préoccupations hypocondriaques.

Formes symptomatiques
- états mélancoliques symptomatiques d'affections cérébrales ou générales: beaucoup plus rarement un accès mélancolique peut se développer après un trauma crânien, ou au cours de méningo-encéphalites, de tumeurs cérébrales, de troubles endocriniens... etc. ces états pourront également s'observer dans l'épilepsie, ou au cours d'affections générales comme la tuberculose.
- états mélancoliques symptomatiques d'affections psychiatriques: on rencontre ces états dans la phase de début des démences séniles ou préséniles, et de certains délires chroniques comme dans la PHC (ou psychose hallucinatoire chronique). Les dépressions mélancoliques symptomatiques sont généralement transitoires.

Suicide et risque suicidaire
Le risque suicidaire est difficile à évaluer, mais schématiquement on peut opposer deux circonstances:
Celle où il est latent, non exprimé, clairement perçu par l'entourage. C'est la circonstance la plus sérieuse, définissant réellement un "accès mélancolique vrai";
Celle où il est annoncé bruyamment (suicide chantage) au cours d'un état dépressif sur terrain névrotique non périodique.

Le suicide peut se faire sous différentes formes, de façon bien préparée, cachée, ou par impulsion, lors d'un raptus. Le refus d'aliments représente également un moyen de se suicider. Le suicide du mélancolique peut aussi être altruiste. Le patient agit alors pour lui et pour les autres, entraînant son entourage dans la mort.
En fait, on comprend dans les conduites suicidaires: les conduites passives par le refus de s'alimenter, le suicide systématiquement préparé, le raptus de suicide ou impulsion fulgurante à se donner la mort, et enfin le suicide collectif avec véritable massacre familial.
Les moyens de suicide sont multiples (strangulation, coupures, armes à feu, immolation, empoisonnement... etc.).

Le délire
La mélancolie peut revêtir plusieurs aspects. Il pourra ainsi y avoir l'apparition de thèmes délirants (persécutifs ou hypocondriaques) pouvant poser des problèmes thérapeutiques particuliers.

Délire mélancolique aigu de persécution
les idées de persécution sont exposées sur un mode monotone. Elles sont stéréotypées et passives. Elles portent sur le passé, comme par exemple les propos malveillants des voisins, la méchanceté d'un collègue... etc. Il y a une conviction absolue du patient. On note de fréquentes interprétations, des illusions (un visiteur est pris pour un policier qui vient l'arrêter), et l'absence habituelle de réactions hétéro-agressives. Le persécuté mélancolique ne devient jamais persécuteur. Il ne riposte pas, mais a tendance à se soustraire par la fuite, le suicide ou l'automutilation. L'évolution après l'accès mélancolique pourra parfois se faire vers une forme chronique (délire de persécution post-mélancolique) où le patient conservera ses idées d'auto-accusation ou se mettra à solliciter les autres pour les supplier de cesser leurs persécutions;

Délire hypocondriaque de négation
Les idées hypocondriaques sont marquées par la bizarrerie et le fantastique. Ce sont généralement des idées de damnation, de négation d'organes. Le corps du patient n'existe plus, le foie ou l'estomac sont pourris, les intestins sont bouchés. Il pourra aussi y avoir un animal qui habite dans leur corps. Idées de transformation ou d'énormité corporelle externe... etc. L'évolution après l'accès mélancolique verra parfois se chroniciser ce délire, avec l'ajout de thèmes démoniaques, d'immortalité...

Diagnostics différentiels
- Un accès mélancolique peut marquer comme nous l'avons vu le début d'une démence précoce. Cette dépression atypique aura alors tendance à traîner en comportant des symptômes discordants. On notera ainsi entre autres une atonie affective très particulière, bien différente de la panique aiguë du mélancolique vrai.
- Les épisodes dépressifs de la schizophrénie. Se rencontrent parfois en phase prémonitoire de la maladie, parfois au cours de celle-ci.
- Un état dépressif névrotique dépendra d'événements malheureux de l'existence. Les troubles de l'humeur y seront peu prononcés, et on n'observera pas cette douleur morale intense particulière à la mélancolie. De même, le patient n'aura pas trop de difficultés à s'exprimer.
- Une stupeur confusionnelle pourra s'observer au cours des infections par toxiques, après une crise d'épilepsie, dans des cas de névrose hystérique...
- Une stupeur catatonique avec sourires discordants, position fœtale, mouvements parasites des membres s'observera dans certaines formes de schizophrénie. On notera alors aussi le négativisme, l'opposition active aux tentatives de mobilisation, parfois la catalepsie (maintien passif des attitudes même pénibles).

Traitement d'urgence
Cette recherche de la mort et ce refus des moyens de vivre (refus de nourriture, perte des instincts de conservation...) vont dicter une conduite urgente.
Ce sera l'hospitalisation en psychiatrie avec la mise en place d'un traitement antidépresseur (pharmacologie par voie parentérale), ou par sismothérapie (si c'est une question d'heures), associé à une nutrition et une hydratation immédiates.
L'utilisation des antidépresseurs et celle des neuroleptiques sédatifs permettent généralement d'obtenir en une ou deux semaines la guérison de deux cas sur trois. La mélancolie délirante en particulier répond assez bien aux traitements antidépresseurs.
La fin de l'accès mélancolique s'observe habituellement à l'hôpital en quelques semaines: soit de manière brutale, notamment avec les cures de sismothérapie (il faut alors se méfier des rechutes), soit de manière progressive avec les seuls traitements médicamenteux (le risque suicidaire dure alors plus longtemps).

L'ambiance autour du patient doit être faite d'attitude généreuse, de soutien fondé sur la compréhension de la douleur morale.
L'isolement relatif est prescrit selon l'effet des visites sur le patient. La surveillance du risque suicidaire sera constante sans trop peser.
La pose quotidienne de perfusions d'antidépresseur sera l'occasion d'être présent au lit du patient pour l'engager à exprimer son mal-être.
Attention à la levée de l'inhibition qui survient après quelques jours de traitement antidépresseur (entre autre avec l'Anafranil): on associera souvent pour y remédier un anxiolytique ou un neuroleptique (à action anxiolytique et sédative comme le Tercian par exemple).

sismothérapie
la cure d'électrochocs demeure particulièrement indiquée dans la mélancolie anxieuse ou agitée. Elle est précédée d'une exploration minutieuse de l'appareil cardiovasculaire. Le nombre des séances est de 6 à 8 à raison d'une séance tous les deux ou trois jours. Les électrochocs sont faits sous narcose (pour supprimer l'appréhension et l'anxiété) avec prémédication curarisante (pour éviter les risques de luxation ou de fractures).

Traitement d'entretien
On passera de la perfusion au traitement per os (comprimés ou gouttes buvables). La diminution progressive du traitement pharmacologique sera étalée sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Son arrêt total pose toujours un problème délicat.

Évolution
La mélancolie évolue spontanément, d'une manière périodique, dans le cadre de la psychose maniaco dépressive. La fin de la crise mélancolique pourra prendre deux ou trois mois sans traitement.
La découverte de la sismothérapie et des antidépresseurs a transformé le destin des patients.
Les traitements réduisent la durée des crises et évitent généralement ou espacent leur survenue. La fin de l'accès mélancolique est marquée par la régularisation du sommeil et de l'appétit.
Le patient fait généralement la critique des troubles qu'il manifestait. Le pronostic immédiat est bon, le malade retrouvant son état mental antérieur.
Par contre le pronostic sur le long terme doit être réservé car il y a possibilité de nouveaux accès qui ont tendance à se rapprocher au fur et à mesure que l'âge avance. Les rémissions entre les accès pourront aussi avoir tendance à devenir incomplètes.
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
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