Passer à côté de sa vie

Forum maladie
Dubreuil
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Re: Passer à côté de sa vie

Message par Dubreuil »

Jeannette a écrit :
Penses-tu que je devrais changer de psychologue
Ce n'est pas moi qui pourrai le dire ! A discuter avec elle ? Peut être. Mais le fait que le transfert soit "actif" est malgré tout un bon signe, à la condition qu'elle le "gère" correctement...

A condition qu'elle gère LE CONTRE-TRANSFERT correctement, et non le transfert !
En ce moment, je vis un transfert assez intense et je revisite certaines émotions de ma relation mère-fils. C'est intéressant.
Mais au fil des années, bien que progressant sur la connaissance de moi, j'ai aussi l'impression que je m'enfonce, je ne sens plus rien, j'ai perdu le goût de choses très simples et j'ai aussi le pouvoir de faire taire mes émotions quand je me sens mal, même face à une situation qui, normalement, va dans le sens du plaisir.
Parce que vous intellectualisez. Et c'est à votre thérapeute d'agir, pas à vous !!!
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
mluigi
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Re: Passer à côté de sa vie

Message par mluigi »

Merci pour vos messages.

@Mme Dubreuil
J'ai eu du mal à comprendre ce que vous entendez par le fait que j'intellectualise.
Par ailleurs, il m'est difficile d'estimer comment elle gère le contre-transfert, son attitude ne semble pas avoir changé depuis que le transfert est plus actif et désigné clairement. Tout juste a t-elle mis un peu plus de bienveillance lorsque récemment j'ai failli tout arrêter et mettre en branle mon scénario de destruction tel que je l'ai déjà évoqué ici.
Mais j'ai lu que le contre-transfert était inconscient, du coup, je pense qu'il est difficile d'estimer ce qui se passe pour ma psy.

@Jeannette
Je crois que je pratique maintenant assez facilement la libre-association mais lorsque ce sont des sujets faciles. Encore une fois, à part raconter ce passé, il m'est compliqué d'en parler plus. Je me dis, peut-être à tort, qu'il me faut quelqu'un qui me bouscule un peu, qui m'aide à forcer ces portes bloquées, qui me pousse dans mes derniers retranchements.

Puisque j'ai commencé à me raconter, je pense que je dois encore préciser quelques points pour mieux comprendre mon parcours. En fait, je ne sais pas si ce sont les 3 premières années de ma vie qui ont été les plus traumatisantes ou les 15 suivantes.
A 3 ans, j'intègre donc le foyer de mes parents, à la naissance de mon frère. Mais mes parents ne s'aimaient pas, mon père ne supportait pas de se retrouver à quatre, il faisait tout pour s"échapper de ce foyer. Il a très vite eu des maîtresses, je pense que ma mère était la seule à ne pas le savoir. A la maison, le quotidien était constitué de disputes, tensions, violences, par exemple quand ma mère a fait mine de se trancher les veines avec une lame de rasoir devant mon père... mon frère et moi.
Mon père mettra 15 ans avant de partir, je ne l'ai revu que 25 ans après.
Je soutenais à bout de bras ma mère et mon frère.
Entre mon père qui pensait plus à sa braguette qu'à ses enfants, ma mère qui nous étouffait, mais d'un amour égoïste afin que nous restions auprès d'elle, je n'ai jamais trouvé ma place dans ce foyer qui n'en était pas un. J'ai toujours rêvé de vivre au sein d'un autre foyer, chez des camarades ou mêmes des inconnus.
Plus récemment, devant moi, elle a avoué toute son admiration devant un voisin de 60 ans qui vivait encore avec sa mère, cette dernière s'occupant de lui comme au premier jour. Pour ma mère, c'est le tableau idéal d'une relation mère-fils, de quoi pleurer !
Entre 18 et 24 ans, je suis resté seul avec ma mère, pour finir mes études et dans la crainte de la laisser seule. Puis le début de ma vie professionnelle et la rencontre de ma femme m'ont permis de m'émanciper.
Mais toutes ces années avec mes parents puis avec ma mère ont été un enfer. Si je n'ai aucun doute sur le fait que je sois un homme, je fais preuve d'une certaine sensibilité et d'émotivité, caractères qu'on attribue plus facilement à la gente féminine. Je me suis trouvé comme une éponge au milieu du combat sans pitié de mes parents. On me croyait debout, prêt à soutenir tout le monde mais, en fait, j'étais anéanti.
J'ai revu mon père il y a quelques années et maintenant il est décédé, mais il n'a jamais été vraiment possible de parler.
Quant à ma mère, j'ai essayé de lui parler mais elle n'a rien compris. Pour elle, si je suis malade, c'est de stress, imposé par mes activités professionnelles.
Je suis devenu très dur vis vis d'eux, ce n'est pas de la haine mais je leur en veux vraiment de m'avoir fait vivre cela, je les juge en grande partie (totalement ?) responsable de mon mal-être.
Heureusement, je n'ai pas reproduit ce schéma. Sans dire que je suis un père idéal (cela n'existe pas), j'ai fait de mon mieux, j'avais la hantise que mes enfants puissent "hériter" de mes problèmes. Même si vivre auprès de quelqu'un comme moi n'est pas facile, la maladie étant quand même présente, je suis aujourd'hui assez rassuré, mes enfants sont sur la bonne voie, bien entendu grâce à mon épouse qui est vraiment un pilier chez nous.

Je pensais que me souvenir, expliquer le passé, tel que je le fais mais de manière plus approfondie avec ma psy, devait suffire à me sortir de mes tourments.
Mes tourments actuels me montrent bien que la page n'est pas tournée, que mon travail est trop superficiel.
Je dois changer des choses dans mon approche de la psychothérapie, peut-être même de thérapeute, ces échanges avec vous ont le mérite de me redonner un peu d'espoir et d'énergie. Merci sincèrement.
Patouche
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Re: Passer à côté de sa vie

Message par Patouche »

mluigi a écrit :Quant à ma mère, j'ai essayé de lui parler mais elle n'a rien compris. Pour elle, si je suis malade, c'est de stress, imposé par mes activités professionnelles.
Je suis devenu très dur vis vis d'eux, ce n'est pas de la haine mais je leur en veux vraiment de m'avoir fait vivre cela, je les juge en grande partie (totalement ?) responsable de mon mal-être.
Je crois que si vous travaillez bien sur ce point, vous pourrez avancer à grands pas.
Il y a la question du jugement: très destructeur, très courant dans notre société. On se juge, on juge les autres. Mais qui est-on pour juger ?

C'est sûr que nos parents sont largement responsables (enfin en général) de nos mal-êtres. Les parents idéaux auraient du nous entourer d'amour, d'écoute, de compréhension, nous renvoyer une belle image de nous-mêmes afin que nous puissions nous construire harmonieusement. Mais la plupart des parents ont eux-mêmes vécu des histoires difficiles et font (souvent) de leur mieux, un mieux qui est très limité souvent. Ils remplissent en quelque sorte notre sac à dos de gros cailloux, qu'il nous faudra ensuite toute notre vie enlever doucement.

Mais souvent, ils ont eux-mêmes beaucoup souffert. Ce qui ne les excuse pas, mais les explique. Mais de nouveau, qui sommes-nous pour les juger ? Finalement, ce ne sont que des personnes comme les autres, et si on continue à être en colère contre eux, c'est qu'on a encore des attentes. Je crois qu'il faut un jour réussir à lâcher prise, à ne plus voir nos parents comme des parents, mais comme des êtres humains lambdas avec leurs problèmes. Prendre du recul.

Je crois aussi qu'il faut bien distinguer la colère émotionnelle, qui est là, et qu'on ne choisit pas. Qui est un message d'une souffrance qu'on n'a probablement pas encore vraiment comprise, ou cernée. Ou pas bien exprimée. Il faut la distinguer de la vraie responsabilité. Quand on est adulte, même si nos parents ont fait (voire continuent de faire) des choses qui nous ont pesé, il est de notre responsabilité de les faire arrêter, ou de prendre la distance nécessaire pour ne plus être touchés. C'est aussi de notre responsabilité de trouver une solution. Ils ont apporté le problème, mais c'est à nous de trouver la solution. Et la solution est en nous. Il peut être nécessaire de redire encore toute notre colère à nos parents, si ça peut aider à nous apaiser. Enfin l'exprimer d'une façon non agressive, vraiment pour pouvoir soi-même s'en libérer, sans agresser l'autre.

Et puis, il est vraiment utile d'essayer de voir ce qui est positif. Même si nos parents nous ont fait des choses terribles, ce sont ces choses terribles qui nous permettent d'être qui nous sommes aujourd'hui, dans ce qui est positif. Peut-être sommes-nous plus à l'écoute, plus conscients d'une autre dimension, ou autre chose, ou plus fort. On dit: ce qui ne vous tue pas, vous rend plus fort. Je crois qu'il est bien de se concentrer sur le positif. Il y en a toujours. Parfois il est juste plus difficile à voir, ou parfois on n'a pas envie de le voir, car c'est plus facile de reprocher aux autres ce qui ne va pas, plutôt que d'accepter de voir qu'on n'est pas aussi parfait, innocent, potentiellement beau que notre égo voudrait nous le faire croire. Parfois on peut se sentir malheureux de ce qu'on n'est pas, plutôt qu'heureux de ce que l'on est. Regardez sur Youtube le documentaire: la puissance de l'intention.
Dubreuil
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Re: Passer à côté de sa vie

Message par Dubreuil »

[quote="mluigi"]Merci pour vos messages.

@Mme Dubreuil
Mais j'ai lu que le contre-transfert était inconscient, du coup, je pense qu'il est difficile d'estimer ce qui se passe pour ma psy.
- L'analyste SAIT CLAIREMENT GERER SON CONTRE TRANSFERT. Votre psy doit le savoir......... et ce n'est pas vous qui pouvez " estimer " pour elle !
J'ai peur que vous ne compreniez pas bien le " travail " que vous faites avec elle.Que vous l'aimiez, l'excusiez, ne vouliez pas en changer, c'est logique, cela fait partie de VOTRE transfert.


Je suis devenu très dur vis vis d'eux, ce n'est pas de la haine mais je leur en veux vraiment de m'avoir fait vivre cela, je les juge en grande partie (totalement ?) responsable de mon mal-être.
- Votre psy a dû vous expliquer et vous aider à " vous détacher " de l'Oedipe

Je pensais que me souvenir, expliquer le passé, tel que je le fais mais de manière plus approfondie avec ma psy, devait suffire à me sortir de mes tourments.
- Mais non, il ne suffit pas de parler.. il faut un tiers ( un psy " pour justement ne pas s'attacher " à vos symptômes " mais " reprendre judicieusement vos associations libres, faire " des liens " , proposer des avancements, vous aider à ne pas intellectualiser.
- je ne reviendrai plus sur ce sujet, donc pour le clore : Votre psy ne " sait pas " ou ne " peut pas " vous accompagner plus avant. Si vous souhaitez " avancer " vous sentir " soutenu ", et accompagné " dans votre problématique : changez de thérapeute, ou changez de technique.

Bonne route.
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
mluigi
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Re: Passer à côté de sa vie

Message par mluigi »

@Mme Dubreuil
Je me sens comme un "enfant", je suis obligé de convenir que d'un point de vue psychologique, j'ai beaucoup à apprendre. Comme souvent, je pourrais regretter cette situation et me lamenter. Mais non, je vais essayer de "grandir", d'évoluer, de mûrir. La première étape, de mon point de vue, est de prendre en mains ma psychothérapie et de ne pas compter sur l'autre pour changer.
Vous m'avez convaincu de changer de psy et/ou de méthode, j'apprécie votre style direct. Je vais réfléchir aux différentes options.

@Patouche
Merci pour votre message. J'ai pu m'appuyer dessus pour commencer à accepter l'idée d'une autre voie que la rancune. Les fêtes de fin d'année vont me permettre de tester mes éventuels progrès.
Je crois que je m'autorise le droit de juger par rapport à ma propre expérience de parent. Je n'ai pas la prétention de croire que ma façon d'être avec mes enfants est idéale mais j'ai toujours eu le souci d'eux, même dans les moments les plus difficiles en lien avec ma santé psychologique. Je juge que mes parents ont plutôt été animés par leurs propres désirs, besoins et manques sans réellement se soucier de mon frère et moi.
Je sais que je j'ai une position un peu limite sur le sujet (eugénisme ?) mais avoir un enfant, ce n'est la même démarche que s'acheter une nouvelle voiture. Je juge que beaucoup d'adultes ont des enfants pour compléter le tableau de leur existence, ils n'en ont pas vraiment envie et ne se posent pas les bonnes questions. Je suis particulièrement touché par tout ce qui touche à l'enfance.
Mais qui suis-je pour juger ? Chacun est libre et mène sa vie comme il le veut (peut ?), j'entends bien. Et une société avec un permis d'enfanter donne des sueurs froides dans le dos. Encore une fois, je suis tel un enfant et je souhaiterais que l'humain soit bon, généreux et réfléchi, on peut rêver, Noël approche.
Mais je sais que vous avez raison, il faut que je fasse évoluer ma position.
Quant à la pensée positive, je vais aller voir la vidéo que vous évoquez. Là aussi, gros chantier en perspective car je suis quelqu'un d'anxieux : face à toutes situations, mon réflexe est d'identifier les différents risques càd ce qui pourrait survenir et venir contrarier le déroulé des événements. J'ai beaucoup de mal à revenir sur le moment présent, l'instant, "ici et maintenant".
Patouche
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Re: Passer à côté de sa vie

Message par Patouche »

Pour ma part, j'ai aussi eu des parents qui ont eu un comportement très destructeur, entre abus, déni, ignorance et narcissisme, toute une jolie petite panoplie. Et j'ai la chance infinie d'avoir un fils merveilleux, qui est maintenant grand, avec qui j'ai une très belle relation, et qui est relativement équilibré. Si j'ai "réussi" à faire "mieux" que mes parents ... c'est justement parce que mes parents ont été aussi peu "parents". Quelque part, c'est "grâce" à eux, que j'ai pu faire autrement, ce qui me semble bien mieux (et bien mieux à mon fils aussi, à ce qu'il me dit). Mais sans avoir souffert de leurs comportements, probablement que je n'aurais pas adopté cette position, et que je n'aurais pas fait ce que j'ai fait. Ils ont donc participé - non volontairement c'est vrai - mais sans eux, jamais je n'aurais pu faire ce que j'ai fait. Je ne serai pas aujourd'hui ce que je suis. Et même si régulièrement mon coeur ressent une tristesse infinie, (et parfois encore de la colère) je suis assez fière aujourd'hui de pouvoir avoir un grand coeur, de savoir être à l'écoute, de pouvoir comprendre si bien les autres. Je trouve que la vie est très belle, et je sais qu'il est possible de traverser des épreuves immenses en en ressortant grandie.

La réalité est que tout le monde traverse de grandes épreuves, et nos parents en ont traversé également. Et ils ne nous ont pas tout raconté, que ce soit par pudeur, ou parce qu'ils l'ont oublié. On oublie ce qui est trop dur, pour se protéger. Mes parents ont traversé des choses terribles. Ca ne les excuse pas, ça explique simplement. On peut être dans une très grande colère contre ses parents, on peut leur faire des reproches. Oui, ils n'ont pas réussi (comme nous l'avons fait) à prendre conscience de leurs problèmes et ils les ont reportés sur leurs enfants. Ils n'ont pas assumé leur responsabilité de parent. Oui, on a le droit d'être en colère, de leur en vouloir, de leur dire tout ça avec colère. Mais nous n'avons toujours pas le droit de les juger. Peut-être que la différence vous semble peu importante, mais elle est essentielle. La colère oui, le jugement non. Le jugement les envoie "en prison", les "condamne". La colère est l'expression de notre détresse, l'envie d'être entendu et compris, le besoin inassouvi, mais qui ne condamne pas. On peut leur dire, "je comprends que tu as souffert, mais pour moi, tu aurais du..." Et c'est juste. Ils auraient du. Mais s'ils ne l'ont pas fait, c'est qu'eux-mêmes ils sont dans une grande souffrance, et nous ne pouvons pas juger si ce défaut de parentalité est "juste" ou "faux". On ne sait pas ce qu'ils ont vraiment vécu. On ne sait jamais ce que les autres ont vraiment vécu.

La vie n'a - heureusement - rien d'idéal. C'est comme une grande histoire. Avez-vous déjà lu une histoire où il n'y a pas de problème ? Tous les livres, tous les films, ce sont des problèmes, et leur résolution. Une fois qu'on a trouvé la solution, c'est la fin de l'histoire. Une citation dit à peu près ceci: tant que tu as des problèmes, sois heureux, c'est que tu es en vie. La vie est une succession de "problèmes". Et la fin des problèmes, c'est la fin de la vie. Bien sûr, on espère toujours avoir plutôt de petits problèmes que des gros. Et on apprend qu'on peut les traverser, que finalement ce qui compte c'est notre position, notre point de vue. On prend du recul et on observe tout cela avec beaucoup de bienveillance. Le bonheur, ce n'est pas de ne pas avoir de problème, c'est de pouvoir voir ce qui nous arrive comme de belles expériences de la vie qui nous apprennent plein de choses. C'est sûr qu'il est parfois vraiment difficile de voir ce qui est "beau" dans ces expériences. C'est sûr que parfois on est vraiment en colère contre des personnes, ou même contre la vie, parce que parfois tout ceci nous semble simplement "trop", trop dur, trop injuste, ou trop ...

Finalement, je me demande même si nous ne devrions pas avoir une très grande compassion pour toutes ces personnes, comme vos parents, prennent ce rôle de "méchant", ou "égoïstes", ou autres. Car ce sont eux, quelque part, qui nous permettent de chercher et de trouver la beauté. J'aime beaucoup le concept de Ying et Yang. Le blanc et le noir, imbriqués, complémentaires. Le blanc sort du noir et le noir du blanc. J'ai l'impression que c'est une vision vraiment plus complète de la vie que notre vision dualiste (bien et mal), un peu simpliste. Au fond, on a tous du blanc et du noir, et le noir est nécessaire, car c'est du noir que vient le blanc. Sans noir, pas de blanc. Que du gris. Si on peut faire ressortir du blanc et s'en émerveiller, c'est qu'il vient du noir. Pas de jugement, juste une complémentarité qui est la vie, la réalité. Merveilleuse non pas pour sa blancheur, mais pour sa capacité à associer harmonieusement les 2.
mluigi
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Re: Passer à côté de sa vie

Message par mluigi »

On ne se connait pas Patouche mais c'est un réel bonheur de vous lire, de démarrer une journée avec des paroles apaisantes, pleines de bon sens et d'humanité.
Très bonne journée
Patouche
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Re: Passer à côté de sa vie

Message par Patouche »

Merci beaucoup :)
mluigi
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Re: Passer à côté de sa vie

Message par mluigi »

Quand tout est compliqué…
Je viens de passer quelques jours de congés chez moi et même ces moments s’avèrent compliqués. J’en suis d’ailleurs arrivé à un stade où je n’ose plus prendre mes congés car, généralement, je note une augmentation très sensible de mes angoisses et tous les autres symptômes qui « pourrissent » la situation et font que je passe complètement à côté de l’objectif initial des congés (se détendre, se reposer, etc.).
Toute l’année, je suis très occupé, y compris les week-end. Ainsi la question « qu’est-ce que je fais ? » ou « qu’est-ce que j’ai envie de faire ? » est repoussée. J’ai énormément de mal à identifier ce que j’aime. Je crois aujourd’hui avoir cerné quelques sujets importants pour moi mais je note que même en meublant ma journée avec des éléments plutôt positifs, au bout de quelques jours, je ne me sens pas bien : irritabilité, difficultés à dormir, morosité, etc.
Je suis dans une sale période (depuis l’été dernier). Je connais une légère accalmie grâce à un nouveau traitement (naturopathie : que je recommande d’ailleurs), mon inscription sur ce site et les conseils de Mme Dubreuil et Patouche m’ont apporté une touche d’espoir. Je me suis concentré particulièrement sur les échanges que j’ai eus avec Patouche afin d’aborder les rencontres quotidiennes avec ma mère de manière plus détachée (période de fêtes de Noël oblige). Le résultat est mitigé mais c’est un travail de longue haleine.
Les conseils de Patouche décrivent une cible ambitieuse, qui a du sens et qui donne envie. C’est aussi d’ailleurs dans cette voie qu’essaye de m’entraîner mon épouse qui a dû redoubler d’effort pour me soutenir ces derniers temps.
Même si je peux faire des efforts, travailler dans le sens de cette cible, je crois que je dois accepter celui que je suis aujourd’hui, un être constamment angoissé, s’isolant, jamais souriant, jamais positif, qui connait de rares moments de sensations proches du plaisir. Mais je crois que je peux continuer ainsi, je crois que j’ai souvent assez d’énergie pour faire des efforts et tenter de rester à flots.
Je ne me sens pas capable d’atteindre cette cible, d’être pleinement heureux, épanoui, équilibré. Peur de changer, peur qu’on s’occupe moins de moi…peu importe, je ne conçois pas être autrement, je ne visualise pas ce que cela peut être, comment procéder. J’aurais bien aimé trouver des gens comme moi, c’est-à-dire des gens qui connaissent des épisodes dépressifs répétés depuis longtemps, qui ont déjà essayé beaucoup de choses et qui se sentent incapables de changer.
J’ai l’impression d’être un extra-terrestre car toutes les personnes qui s’en donnent les moyens semblent guérir un jour. Mais dans mon cas, j’ai tendance à penser que ma maladie ressemble à une amputation : je ne ferai jamais repousser ce bras ou cette jambe. Les raisons sont certainement multiples : génétiques, chimiques, psychologiques, …. Mais je ne peux pas être le seul à ne pas m’en sortir, comment font les autres pour tenir, pour espérer tenir jusqu’au bout ?
Patouche
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Re: Passer à côté de sa vie

Message par Patouche »

J'ai l'impression que vous pensez, quelque part, avoir une dépression (des angoisses) incurable et que vous cherchez des compagnons d'infortune pour parler de vos maux respectifs.

Oui, le travail sur soi est un travail de très longue haleine, à priori de toute la vie même. Plus la détresse est grande, plus le chemin est long et lourd.
Je crois que la plupart des personnes qui souffrent d'une grande détresse interne passent de très longues années à travailler sur eux-mêmes avant de commencer à réussir à gérer un peu. Je doute qu'il y en ait beaucoup qui "guérissent" complètement et deviennent de joyeux lurons sans soucis.

C'est une question de perspective, il faut réussir à changer son regard sur la vie, sur sa vie, sur soi-même. Et les réflexes antérieurs reviennent toujours. Avec le temps, beaucoup de temps, on peut prendre du recul, voir les vagues de tristesse ou de découragement, et s'en détacher, car on sait qu'elles ne vont pas durer.

Si je vous racontais toute mon histoire, vous me demanderiez sûrement comment je fais pour avoir de l'espoir. Franchement, par moments, c'est très difficile, et par moments, je n'y arrive simplement pas. Mais je sais que ces moments vont passer. Je sais que toutes ces épreuves sont là pour m'aider, en fait, même si c'est particulièrement dur.

Si je viens sur ce forum, c'est pour parler. Donner des conseils aux autres me permet de me les donner à moi en même temps. En donnant de l'espoir aux autres, je m'en donne aussi en même temps. Ma vie vient (encore) de s'écrouler une énième fois. Je viens de perdre mon ami dans des circonstances tragiques et bêtes en même temps. J'ai 46 ans, j'ai été mariée et j'ai la chance d'avoir un enfant magnifique. Mais j'ai passé 30 ans à trouver quelqu'un avec qui partager une relation harmonieuse, et je l'avais finalement trouvé. Ca faisait seulement 2 ans qu'on était ensemble, mais on avait des tas de projets, un quotidien très harmonieux, et on partageait beaucoup d'intérêts et de valeurs. Une relation comme j'en rêvais, et pour moi c'est le plus important dans ma vie, la partager.

Franchement, c'est d'une violence absolue. Souvent je pleure et je désespère. Mais ce sont des moments. Encore une fois, la vie m'apprend plein de choses : à quel point je n'ai pas su apprécier ce que j'avais, quand je l'avais. Je regrette aujourd'hui tellement de ne pas avoir dit plus de choses, de ne pas avoir plus profité des moments avec lui. Aujourd'hui, je sais que j'en sortirai différente. Et je recommande à tout le monde: appréciez ce que vous avez, votre famille, vos enfants, votre maison, votre travail. Oui, bien sûr, il y a des soucis, oui bien sûr c'est loin d'être parfait, oui bien sûr on angoisse de perdre ce à quoi on tient. Mais les plus belles choses de la vie, les cadeaux de la vie, souvent on les prend pour acquis, ils sont dans notre quotidien, mais on ne les voit pas, on oublie juste de les voir. Oublions tout ce que nous n'avons pas, et regardons tout ce que nous avons.

Je crois que - et oui c'est difficile, et ça demande des efforts - vous avez la possibilité de changer de regard, de positionnement. Observer avec un regard émerveillé d'enfant les petites choses que vous avez. Si pour le moment elles ne vous rendent pas heureuses, elles le feront quand vous les regarderez autrement. Vous avez la chance incroyable d'avoir une femme qui vous soutient toujours, vous avez la chance incroyable d'avoir des enfants plutôt équilibrés, vous avez un travail. N'attendez pas de perdre quelque chose pour voir à quel point il est précieux. Concentrez-vous sur tout ce que vous avez, notez toutes les belles choses que vous avez dans votre vie, et dès que vous vous découragez, dès que vous vous sentez déprimé, ressortez la liste, ressortez les photos.
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