Urgent, c'est le tournant de ma vie

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Dubreuil
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Re: Urgent, c'est le tournant de ma vie

Message par Dubreuil »

Re: Lecture : "Le livre du Ça", de Groddeck
Message par kesiaa » 28 oct. 2021, 13:
Je fournis ci-dessous le lien de téléchargement gratuit du livre au format PDF :
https://vibdoc.com/queue/groddeck-le-livre-du-ca.html
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Re: Urgent, c'est le tournant de ma vie

Message par Dubreuil »

L'IMPUISSANCE MASCULINE

L’impuissance chez l’homme est en augmentation.
Selon une statistique IFOP, plus de 60% d’hommes français ont connu un problème d’érection en 2018. Contre 44% en 2014. Partout à travers le monde les chiffres de l’impuissance et des troubles de l’érection augmentent.
Plus de deux tiers des hommes affectés n’en parlent ni à leur médecin ni à leur proche. Et pourtant, n’en parler à personne est un facteur aggravant ! L’homme qui n’en parle pas renforce ses difficultés dans son couple, s’isole de plus en plus et renforce sa détresse psychologique, ce qui aggrave les troubles de l’érection.
Un trouble de l’érection peut être épisodique ou durer plusieurs années quand il n’est pas traité. Le trouble érectile se manifeste par une impossibilité d’obtenir une érection, une impossibilité de pénétrer la partenaire ou une difficulté à maintenir une érection rigide pendant les rapport sexuel.
Malheureusement les hommes ont tellement liés leur estime de soi (et donc lié une partie de leur santé psychologique) à leur pénis fièrement dressé, que lorsqu’il devient flasque, leur santé psychologique, aussi, se ratatine.

Causes et conséquences du problème d’érection.
Les problèmes psychologiques (comme le stress, l’anxiété et la dépression) et les traits de personnalités de bases (comme l’introversion et les tendances à ressasser des pensées négatives) augmentent le risque d’avoir des troubles de la libido et de l’érection.
Mais les troubles de la libido et de l’érection peuvent aussi apparaître avant et provoquer des difficultés psychologiques et des troubles de l’humeur.
Les impacts psychologiques des troubles de l’érection sont très important chez l’homme : perte de confiance, perte du sentiment d’être un homme, dépression. Et si l’homme devient tellement préoccupé par son problème d’érection qu’il y pense tout le temps, il devient incapable de se détendre durant l’acte sexuel, et ça l’empêche de nouveau d’avoir une érection.

Dans ce cas, il est urgent d’arrêter de tourner en rond et de s’occuper de sa santé émotionnelle et mentale pour se détendre.
Des études mettent en lumière que la personnalité d’un homme, peut prédire s’il est à risque de développer une dysfonction érectile au cours de sa vie. Selon ses études, les hommes introvertis sont plus à risques que les hommes ayant des capacités sociales plus développées.
Les hommes qui ont tendance à s’intérioriser sont aussi plus à risque de développer du stress, de l’anxiété et de la dépression, et ces troubles de l’humeur empêchent l’érection en modifiant l’équilibre hormonal.
Les hommes ayant tendance à ressasser leurs émotions négatives et à nourrir des pensées dévalorisantes sont aussi plus à risques.
En bref, si vous êtes souvent dans votre mental, que vous n’arrivez pas à arrêter vos pensées et donc que vous êtes peu souvent en connection avec le moment présent, vous avez le profil pour avoir des problèmes d’érections.
La conclusion thérapeutique c’est que si vous apprenez à mieux gérer vos émotions et vos pensées, que vous apprenez à mieux équilibrer votre personnalité (essayez de sociabiliser plus si vous êtes introverti), vous serez moins à risque de rencontrer des troubles érectiles. Mais si vous avez déjà des problèmes d’érection, vous pourrez retrouver un fonctionnement normal ou le retrouver en partie en améliorant votre santé mentale et émotionnelle.

Les traits de personnalité, comportements et troubles psychologiques en lien avec les troubles érectiles
irritabilité
agressivité
colère
dépression
anxiété
stress
névroses (à tendance à se concentrer sur les émotions lourdes et négatives)
abus de l’alcool ou toxico-dépendance (cigarette, drogue)
problèmes relationnels récurrents (dans votre couple, au travail)
sentiment de ne plus être un homme dans le couple
sentiment d’humiliation
timidité excessive
isolation sociale
perte du sentiment d’être un homme
perte d’estime de soi
se sentir dévasté à cause du trouble de l’érection
se sentir inutile
avoir honte
fatigue mentale chronique
se sentir coupable pour tout et pour rien
se soucier excessivement de tout et en tout temps
faible tolérance à la frustration,
très hautes attentes envers soi-même
contrôle excessif de ses émotions (ou les masquer)
anxiété de performance (devenir très sensible à l’échec et en avoir peur)
perfectionnisme excessif
Apaiser son mental et ses émotions et développer de nouvelles croyances.
Les modifications de l’humeur citées plus haut peuvent être passagères ou durables, mais dans tous les cas ces expériences d’impuissance enracinent la peur dans le mental de l’homme et affaiblissent sa confiance.

Perdre ses érections c’est perdre en partie l’usage d’un des grands systèmes du corps : le système reproductif et sexuel. C’est le seul grand système du corps humain qui, lorsqu’il ne marche plus, ne vous tue pas (si le système cardiaque ou respiratoire s’arrête vous mourrez).
Alors vous vivez… mais plus tout à fait comme la nature vous a conçu de base, et forcément vous vous sentez diminué, ce qui vous impacte psychologiquement.
Un problème à ce niveau engendre une remise en cause de la masculinité. 2/3 des hommes qui ont souffert récemment de problème d’érection admettent avoir à présent des complexes.
Les troubles de l’érection causent souvent une détresse psychologique excessive car l’homme a des croyances erronées sur sa virilité et ça ne l’aide pas à retrouver le moral.

“Si tu es un homme fort, tu dois bander fort”
“Le seul moyen de faire l’amour c’est la pénétration”
“Au delà de 50 ans c’est normal d’avoir des problèmes d’érection, alors ne fait rien et accepte ton impuissance”
Revoir ses croyances sur l’érection est essentiel pour retrouver une perception juste qui va détendre le mental et les émotions, avec pour conséquence une amélioration des érections (car la détente est nécessaire à l’érection).
Revoir ses croyances ne doit pas toutefois se substituer à une révision complète du mode de vie inadapté, qui est la cause principale des troubles de l’érection.

Les traitements médicamenteux sont superficiels !
Prendre du viagra (voir effet secondaire du viagra) du cialis ou des aphrodisiaques peut être une solution pour vous aider à retrouver confiance, mais ne traitera jamais la cause du problème.
Ces solutions sont un pansement. Et pour ceux qui les commande sur internet sans avis médical, c’est extrêmement DANGEREUX (produit dérivé et contrefaçon, effet secondaire sur le système cardiaque, etc.).

Parfois ce qui semble de l’impuissance peut simplement se révéler être un symptôme d’une perte de désir dans son couple, une perte de sens dans sa vie, un dérèglement hormonal.
Si un trouble de l’érection peut vous déstabiliser aussi fortement, alors posez vous les bonnes questions. Est ce que ma solidité extérieure et intérieure est uniquement lié à la fermeté de mon érection?

Comment agir pour devenir un homme vraiment solide mentalement et physiquement ? Comment devenir capable de prendre plus de recul face aux difficultés de la vie, de la maladie ? Comment mieux gérer mon stress ?
Mental et émotions ne sont qu’une partie du problème.
SI vous êtes fatigué, que votre corps est en mauvaise santé car vous mangez mal et que vous ne faites aucun sport, vous n’aurez pas l’énergie nécessaire pour soutenir le fonctionnement normal du cerveau.
Quand on est fatigué et qu’on manque d’énergie, le cerveau fonctionne mal et notre pensée est “embrumée”.
Dans ce cas vous ne serez pas capable de soutenir des pensées positives et gérer vos émotions, et donc vous aurez beaucoup de difficultés à retrouver un terrain psychologique détendu, propice à l’érection.
Pour retrouver ses érections naturellement, il faut travailler sur toutes les dimensions de sa santé.
L’être humain est un ensemble de fonctionnement dit “mécanique” (comme la digestion, la respiration) qui sont directement reliés aux états “mentaux” (comme vos pensées, vos croyances) et vos états “émotionnels” (comme vos humeurs, votre motivation).
Par exemple vos émotions sont influencées par la santé de vos hormones, donc par la “mécanique”. Et inversement, la santé de vos hormones est aussi influencée par vos émotions.

Solutions
Il existe de nombreuses études sur le sujet et le lien corps-émotions-mental n’est plus à prouver. Toutes les recherches en neurosciences s’intéressent directement ou indirectement à ces liens étroits entre mécanique, mental et émotions.
La meilleure compréhension du lien corps mental émotions vient du yoga. Cette discipline étudie le mental et le corps de façon empirique (c’est à dire par la pratique et surtout les résultats) depuis des millénaires.
LE YOGA s’intéresse uniquement à développer les exercices pour faire fonctionner au mieux l’homme sur tous les plans : le corps, le mental et les émotions.
C’est la raison pour laquelle le yoga est si efficace dans le traitement des troubles de l’érection. Le yoga a une avance de plusieurs milliers d’année et c’est d’ailleurs pour ça que les neurosciences et de nombreuses disciplines médicales l’étudient et le recommandent.

Pour améliorer durablement et naturellement ses érections et diminuer les troubles de l’érection, il faut agir de façon HOLISTIQUE !
C’est à dire agir en même temps sur tous les plans de l’homme, le physique, le mental et les émotions.
Il faut aussi ré-apprendre des connaissances scientifiques valides sur l’érection et développer des croyances justes qui vont vous aider à vous apaiser.
On peut intervenir sur de multiples facteurs pour améliorer ses érections et retrouver une qualité de vie sexuelle très satisfaisante.
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Re: Urgent, c'est le tournant de ma vie

Message par Dubreuil »

Proposition de l'internaute : Dire-pour-oublier

" Vous connaissez le test des 16 personnalités ?"
https://www.16personalities.com/fr/
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Re: Urgent, c'est le tournant de ma vie

Message par Dubreuil »

ABUS SEXUELS, COMMENT S'EN SORTIR

Que vous le sachiez ou non, quelqu'un de votre entourage a un jour été victime d'abus sexuel. Pour ces hommes et ces femmes meurtris, il y aura toujours un "avant" et un "après" l'abus.
Notre société préfère souvent méconnaître ce problème, en atténuer la gravité, voire le nier totalement. Ou alors, plein de bonne volonté mais aussi d'incompétence, on propose aux victimes des "solutions" qui ne font qu'aggraver le traumatisme subi.

Qu'entend-on par abus sexuels ?

1. Une contrainte ou un contact
Un abus sexuel est toute contrainte (verbale, visuelle ou psychologique) ou tout contact physique, par lesquels une personne se sert d'un enfant, d'un adolescent ou d'un adulte, en vue d'une stimulation sexuelle, la sienne ou celle d'une tierce personne.
Un contact physique est, certes, plus grave qu'une contrainte verbale. Mais il faut savoir que tout abus constitue une violation du caractère sacré et de l'intégrité de la personne humaine et provoque toujours un traumatisme.
La contrainte verbale désigne : une sollicitation sexuelle directe ; l'usage de termes sexuels ; la séduction subtile ; l'insinuation. Tout cela vis-à-vis d'une personne qui ne désire pas les entendre.
La contrainte visuelle concerne : l'emploi de matériel pornographique ; le regard insistant sur certaines parties du corps ; le fait de se dévêtir, de se montrer nu, ou de pratiquer l'acte sexuel à la vue de quelqu'un. Ici encore, sans que la personne le désire.
La contrainte psychologique désigne : la violation de la frontière entre le relationnel et le sexuel (un intérêt excessif pour la sexualité de son enfant) ou entre le physique et le sexuel (des lavements répétés ; un intérêt trop marqué pour le développement physique d'un adolescent. Le contact physique peut être : assez grave (baiser, attouchement du corps à travers les vêtements, que ce soit par la force ou non, avec ou sans pression psychologique ou affective), grave (attouchement ou pénétration manuels ; simulation de rapports sexuels, contact génital, tout cela avec ou sans violence physique), ou très grave (viol génital, anal ou oral, obtenu de quelque manière que ce soit, par la force ou non).

2. La stratégie de l'abuseur
Un abus n'est pas le fait du hasard de la part de celui qui le commet. Etant un pervers, celui-ci prémédite et organise la relation en attendant le moment où ses fantasmes vicieux lui paraîtront réalisables. La victime ignore bien entendu tout cela.
La stratégie perverse comporte en général quatre étapes :
a. Le développement de l'intimité et du caractère confidentiel, privilégié, de la relation
Cette phase, plus ou moins longue (de quelques heures à quelques années), vise à mettre en confiance la future victime qui ne se doute de rien.
b. Une interaction verbale ou un contact physique apparemment "convenable " pour la personne qui va être abusée (confidences de caractère sexuel, caresse des cheveux, embrassade amicale). La personne n'a pas peur, et pour cause : dans 29% des cas, son futur abuseur est un membre de la famille, dans 60% des cas un familier ou un ami. Seuls 11% des abus sont commis par un inconnu.
c. Une interaction sexuelle ou un contact sexuel
C'est la phase de l'abus proprement dit. Ici la victime se retrouve dans la même situation qu'un lapin traversant une route de nuit et qui est pris dans les phares d'une voiture : pétrifié, figé, tétanisé, incapable de réagir, il se laisse écraser par la voiture. L'abuseur, lui, est conscient de ce qu'il fait à sa victime.
d. La continuation de l'abus et l'obtention du silence de la victime par la honte, la culpabilisation, les menaces ou les privilèges.
Ce silence est rarement rompu. L'abus reste un secret absolu très longtemps, parfois toute la vie.
En gardant le silence, la victime se fait, malgré elle, l'alliée de l'abuseur, puisque la seule chose qu'il redoute, c'est d'être dénoncé. Le fait de devenir ainsi, bien involontairement, son alliée, renforce le mépris qu'elle a d'elle-même et sa culpabilité.
Ce sera une des tâches du psy de lui expliquer qu'une personne sexuellement abusée n'est jamais ni coupable ni responsable. Elle ne pouvait pas deviner que les deux premières étapes n'étaient qu'une stratégie de l'abuseur.
Il devra aussi lui dire qu'une personne qui est sous la domination d'un abuseur ne peut s'en sortir qu'en le dénonçant et en révélant ce qu'elle a subi. Or en parler est pour elle très difficile, pour plusieurs raisons.

Pourquoi une victime a-t-elle tant de mal à parler de ce qu'elle a subi ?

1. Elle met parfois beaucoup de temps pour réaliser qu'elle a été abusée
Le temps ne compte pas pour l'inconscient, il s'est comme arrêté pour la victime : c'est souvent l'apparition de symptômes comme la dépression ou des troubles sexuels qui l'incitera à laisser enfin sa souffrance refaire surface et à accepter d'en parler. C'est le premier pas vers la guérison.
Mais parler de ce traumatisme, prendre conscience de cette vérité : "J'ai été abusée", peut être un choc terrible. Le conseiller aura besoin de tact et d'une grande compassion pour laisser la personne découvrir elle-même et à son rythme, l'ampleur du drame qu'elle a vécu. Il comprendra l'extrême répugnance qu'elle éprouve à admettre que son corps et son âme ont été ravagés. Elle aimerait tant oublier, ne jamais avoir vécu cela, qu'elle se réfugiera de temps en temps dans le déni : "Cela n'a pas pu m'arriver."
La personne sera encouragée à continuer à parler si vous croyez ce qu'elle dit (elle a absolument besoin de sentir qu'on la croit) et si vous évitez certaines phrases destructrices comme :
- Il a juste fait une erreur, comme nous en faisons tous.
- Ce n'est arrivé qu'une fois, après tout.
- Il est temps que vous tourniez la page.
- Ça s'est passé il y a si longtemps

2. Elle se sent coupable
Dans son for intérieur, sans même le dire ouvertement, la personne pense :
- Est-ce que ce n'était pas un peu de ma faute ?
- Est-ce que je n'aurais pas pu l'éviter ?
- Est-ce que, placé dans ma situation, quelqu'un d'autre aurait réussi à résister, à se débattre, à s'enfuir ?
Le psy peut aller au devant des questions qu'elle n'ose pas exprimer en lui demandant :
- Qui détenait le pouvoir (parental, spirituel, moral, organisationnel, physique, psychologique) ?
- Qui était l'adulte ? Le repère social ? Le référent ?
- Qui était l'instigateur, l'organisateur de cet abus ?
- Qui pouvait y mettre fin ?
Il peut lui faire comprendre que sa culpabilité est liée au décalage entre son vécu passé (et les raisons pour lesquelles elle n'a pu empêcher d'être abusée : son jeune âge, son ignorance, sa totale confiance) et son vécu actuel, où elle est plus âgée, moins ignorante, moins naïve et où elle sait se protéger.
Elle se croit coupable parce qu'elle regarde les événements passés avec les yeux de l'adulte avertie qu'elle est aujourd'hui. Or, à l'époque, elle ne possédait pas les protections suffisantes pour empêcher l'abus.
On peut aussi l'aider à différencier le point faible dont s'est servi le pervers, par exemple un besoin de tendresse tout à fait légitime, une confiance aveugle, et le crime qu'il a commis, en profitant de ce besoin légitime d'affection ou de cette confiance, pour assouvir ses désirs immoraux.
Déconnecter ces deux éléments est souvent un moment de vérité et un soulagement pour la personne, qui fait son deuxième pas vers la guérison quand elle ne se sent plus responsable.
Mais le chemin sera encore long jusqu'à la cicatrisation de la blessure. La précipitation et l'impatience sont par conséquent les grands ennemis du conseiller (et du client) dans ce domaine.

3. Parler peut lui coûter cher
A chaque fois que la personne abusée se replonge dans l'horreur de son passé, elle doit payer un prix très élevé. En essayant d' "oublier" l'abus, de tourner la page, elle avait construit un certain équilibre, par exemple avec ses proches.
Si elle décide de faire éclater la vérité, elle risque de désorganiser cet équilibre factice et de susciter des pressions de ses proches. Il se trouve toujours de faux "bons conseillers" soucieux de leur tranquillité et du qu'en dira-t-on, qui l'accuseront de mentir ou d'exagérer, lui reprocheront de réveiller le passé et l'inciteront à oublier, voire à "pardonner" ; le comble est qu'elle risque même d'être perçue comme responsable de l'abus.
Le psy devra donc la soutenir, l'encourager et assurer sa protection matérielle et psychologique. Il l'aidera à évaluer le prix de la lutte qu'elle devra mener pour sortir du bourbier de l'abus sexuel et à réaliser que son désir de s'en sortir sera souvent contrecarré par ceux qui devraient le plus l'assister : sa famille ou les responsables des institutions.
Il est à noter que lorsque l'abuseur fait partie d'une institution, quelle qu'elle soit, celle-ci décide souvent, par peur du scandale, de le "couvrir" et donc de rester dans le déni de l'abus, plutôt que de reconnaître publiquement l'existence d'un pervers sexuel au sein de l'institution.
Il y a un consensus de réprobation sur la personne qui a le courage de remuer ces choses immondes : qu'elle continue à être comme une morte vivante, ce n'est pas grave. Ce qui est le plus important, c'est qu'elle se taise.

4. Elle souffre de la honte
Sartre a dit de la honte qu'elle est "l'hémorragie de l'âme". Un abus sexuel marque la personne au fer rouge, la souille, la pousse à se cacher des autres. La honte est un mélange de peur du rejet et de colère envers l'abuseur, qui n'ose pas s'exprimer.
Le sentiment juste qu'elle devrait éprouver est la colère. Eprouver ce sentiment libérateur l'aidera à sortir de la honte. Il faut parfois du temps pour qu'elle parvienne à exprimer son indignation face à l'injustice qui lui a été faite. Cette expression de la colère pourra se faire soit de manière réelle, face au coupable, soit, si ce n'est pas possible pour sa sécurité personnelle, de manière symbolique. Dans tous les cas, c'est à la victime à en décider.
La honte est liée au regard que la victime porte sur elle-même ; elle se voit comme souillée à vie. C'est son regard qui devra changer. Elle se pansera en changeant sa manière de se penser.

5. Le mépris

Se sentant honteuse, la personne abusée a deux solutions : se mépriser elle-même ou mépriser l'abuseur et ceux qui lui ressemblent. Dans les deux cas, le résultat est le même : elle s'autodétruit, car la haine de soi ou la haine de l'autre sont toutes les deux destructrices.
Le mépris d'elle-même peut concerner son corps, sa sexualité, son besoin d'amour, sa pureté, sa confiance.
Ce mépris de soi a quatre fonctions : il atténue sa honte, étouffe ses aspirations à l'intimité et à la tendresse (se mépriser anesthésie le désir), lui donne l'illusion de maîtriser sa souffrance et lui évite de rechercher la guérison de son être.
Lorsque le mépris de soi est très intense, il peut pousser à la boulimie, à la violence contre soi et au suicide ; dans ces trois cas, la personne châtie son propre corps parce qu'il existe et qu'il a des désirs.

6. Le véritable ennemi

Si l'on demande à une personne qui a subi un abus sexuel quel est son ennemi, elle répondra sans doute : "C'est le coupable de l'abus." Cela semble tellement évident.
La victime a le choix : soit elle combat, en cultivant sa haine envers l'abuseur, en ruminant une vengeance contre lui ; soit elle fuit, en cherchant à oublier, en s'endurcissant pour ne plus souffrir, en se repliant sur elle-même, en devenant insensible, de manière à ne plus ressentir ni émotion ni désir.
Mais ces deux solutions sont vaines, car l'ennemi n'est pas l'abuseur. Certes, il représente un problème, mais la bonne nouvelle est qu'il n'est pas le problème majeur. Le véritable adversaire, c'est la détermination de la personne à rester dans sa souffrance, dans sa mort spirituelle et psychique et à refuser de revivre. L'ennemi réside donc, paradoxalement, dans la victime elle-même !
Ce troisième pas vers la guérison est sans doute le plus difficile à franchir. La personne doit comprendre qu'elle a devant elle la vie et la mort, et qu'il n'appartient qu'à elle de rester dans la mort ou de choisir de revivre.
Lorsque le conseiller sent qu'elle a pris la décision de sortir de la pulsion de mort pour entrer dans la pulsion de vie, il aura alors sans doute l'occasion de parler avec elle des trois grands dégâts que l'abus a produits dans sa vie et qui devront être réparés.

Les dégâts produits par l'abus sexuel
Ces dégâts constituent un torrent tumultueux qui balaie tout dans l'âme, et qui inclut : le sentiment d'impuissance, celui d'avoir été trahi et le sentiment d'ambivalence, ainsi que plusieurs autres symptômes.
1. Le sentiment d'impuissance
L'abus sexuel a été imposé à la victime. Qu'il se soit produit une fois ou cent fois, avec ou sans violence, ne change rien au fait qu'elle a été dépossédée de sa liberté de choix.
a. Ce sentiment provient de trois raisons
Elle n'a pas pu changer sa famille dysfonctionnelle, s'il s'agit d'un inceste. Ses proches ne l'ont pas protégée comme ils auraient dû le faire, sa mère ou sa belle-mère n'a rien vu ou fait semblant de ne rien voir.
Que l'abus ait été accompagné de violence ou non, qu'il y ait eu douleur physique ou non, la victime n'a pu y échapper, ce qui crée en elle faiblesse, solitude et désespoir. De plus, le coupable se sert de la menace ou de la honte pour la réduire au silence et recommencer en toute impunité, ce qui augmente son impuissance.
Elle ne parvient pas à mettre un terme à sa souffrance présente. Seule, la décision de se supprimer anesthésierait sa douleur, mais elle ne peut s'y résoudre, alors elle continue à vivre, et à souffrir.
b. Ce sentiment d'impuissance entraîne de graves dommages
La personne abusée perd l'estime d'elle-même, doute de ses talents et se croit médiocre.
Elle abandonne tout espoir.
Elle insensibilise son âme pour ne plus ressentir la rage, la souffrance, le désir ou la joie. Elle enfouit et refoule dans son inconscient les souvenirs horribles de l'agression sexuelle.
A force de renoncer à sentir la douleur, elle devient comme morte. Elle perd le sentiment d'exister, semble étrangère à son âme et à son histoire.
Elle perd le discernement concernant les relations humaines, ce qui explique que les victimes d'abus tombent souvent à nouveau sous la coupe d'un pervers, ce qui renforce leur sentiment d'impuissance.

2. Le sentiment d'avoir été trahi
Beaucoup de gens ignorent le nom des onze autres apôtres, mais connaissent Judas, le traître. Pourquoi ? Parce que la plupart des gens estiment que rien n'est plus odieux que d'être trahi par quelqu'un qui était censé vous aimer et vous respecter.
La personne abusée se sent trahie non seulement par l'abuseur en qui elle avait confiance, mais aussi par ceux qui, par négligence ou complicité, ne sont pas intervenus pour faire cesser l'abus.
Les conséquences de la trahison sont : une extrême méfiance et la suspicion, surtout à l'égard des personnes les plus aimables ; la perte de l'espoir d'être proche et intime avec autrui et d'être protégée à l'avenir, puisque ceux qui en avaient le pouvoir ne l'ont pas fait ; l'impression que si elle a été trahie, c'est parce qu'elle l'a mérité, du fait d'un défaut dans son corps ou dans son caractère.

3. Le sentiment d'ambivalence
Il consiste à ressentir deux émotions contradictoires à la fois. Ici, l'ambivalence gravite autour des sentiments négatifs (honte, souffrance, impuissance) qui ont parfois été simultanément accompagnés du plaisir, qu'il soit relationnel (un compliment), sensuel (une caresse), ou sexuel (le toucher des organes), dans les premières phases de l'abus.
Le fait que le plaisir soit parfois associé à la souffrance entraîne des dommages considérables : la personne se sent responsable d'avoir été abusée, puisqu'elle y a "coopéré" en y prenant plaisir ; le souvenir de l'agression peut revenir lors des rapports conjugaux ; elle ne parvient pas à s'épanouir dans sa sexualité qui est pour elle trop liée à la perversité de l'abuseur ; elle contrôle et même s'interdit le plaisir et donc son désir sexuel.
Le conseiller doit expliquer à la personne qu'elle n'est pas responsable d'avoir éprouvé un certain plaisir, car il est normal qu'elle ait apprécié les paroles et les gestes de "tendresse" de l'abuseur. C'est la nature qui a donné à l'être humain cette capacité à ressentir du plaisir.
Ce qui n'est pas normal, c'est la perversion de celui qui a prémédité ces attitudes affectueuses pour faire tomber une proie innocente dans son piège. C'est lui le seul responsable.

4. Quelques autres symptômes
On pensera à un éventuel abus sexuel si la personne :
- Souffre de dépressions à répétition.
- Présente des troubles sexuels : manque de désir, dégoût, frigidité, impuissance, crainte ou mépris des hommes ou des femmes, peur de se marier, masturbation compulsive. Chez l'enfant, ce trouble de l'auto-érotisme, ainsi que certaines énurésies, peuvent faire penser à un abus sexuel.
- Se détruit par l'usage abusif d'alcool, de drogue ou de nourriture. L'obésité, en particulier, permet à des jeunes filles ou à des femmes qui ont été violées de se rendre, inconsciemment, moins attirantes et de se protéger ainsi contre une autre agression.
- Souffre de maux de ventre, d'infections gynécologiques à répétition.
- A un style de relation avec les autres très caractéristique : soit il est trop gentil avec tout le monde, soit il est inflexible et arrogant, soit enfin il est superficiel et inconstant.

Aider la victime à revivre
Celle-ci devra cesser d'écouter les voix intérieures qui la maintiennent dans la culpabilité et la honte et se mettre à l'écoute de la voix de la vérité, qui la conduira vers la libération.
Elle devra aussi abandonner les voies sans issues que des personnes bien intentionnées mais incompétentes (des aidants "peu aidés" !) lui proposent : nier l'abus, le minimiser, oublier, pardonner au coupable sans que celui-ci se soit sérieusement repenti, tourner la page, cesser de se plaindre, etc.
La voie menant à un mieux-être comprend deux étapes : regarder la réalité en face, et décider de revivre.

1. Regarder la réalité en face
La personne devra peu à peu retrouver les souvenirs de l'abus, admettre les dégâts et ressentir les sentiments adéquats.
a. Retrouver les souvenirs de l'abus
La victime préfère souvent les oublier, tant cela la dégoûte ou la terrifie. Ou alors elle les raconte froidement, comme si c'était arrivé à quelqu'un d'autre. Mais ce déni est un obstacle à la guérison. L'abus ne doit pas être gommé, mais nommé.
Avec beaucoup de tact, on l'encouragera à remonter dans le passé, parfois très lointain, car seul un abcès vidé peut cicatriser.
Le retour des souvenirs refoulés se fera progressivement au cours de la psychothérapie. L'inconscient de la personne collabore activement par le moyen de rêves, ou d'images qui lui reviennent à l'esprit.
Certains événements font aussi resurgir les traumatismes oubliés, par exemple : une rencontre avec l'abuseur, une grossesse, la ménopause, un autre abus, le fait qu'un de ses enfants atteigne l'âge qu'elle avait lorsqu'elle a été abusée, le fait de se retrouver sur les lieux de l'agression, ou le décès du coupable.

b. Admettre les dégâts
Ce retour pénible dans le passé va lui permettre d'admettre les dures vérités suivantes :
J'ai été victime d'un ou de plusieurs abus sexuels. C'est un crime contre mon corps et contre mon âme.
Etant victime, je ne suis en rien responsable de ce crime, quoi que j'aie pu ressentir.
Suite à ces abus, je souffre de sentiments d'impuissance, de trahison et d'ambivalence.
Ma souffrance est intense, mais la cicatrisation est possible, si j'admets qu'il y a eu blessure.
Cette cicatrisation prendra du temps.
Je ne dois pas recouvrir mon passé d'un voile de secret et de honte ; mais je ne suis pas non plus obligé d'en parler au premier venu.

c. Ressentir les sentiments adéquats
La culpabilité (qui est un sentiment racket très fréquent ici), la honte, le mépris, l'impuissance, la haine, le désespoir, devront peu à peu être remplacés par les sentiments plus adéquats que sont la colère envers l'abuseur et ses complices, et la tristesse face aux dégâts subis. Cette tristesse ne doit pas mener à la mort, au désespoir, mais à la vie, c'est-à-dire à une foi, une espérance et un amour renouvelés.
Le conseiller favorisera l'expression de ces deux sentiments, de manière réelle ou symbolique, mais toujours en toute sécurité, à savoir dans le cadre protégé des séances de relation d'aide.

2. Décider de revivre
Pourquoi une victime d'abus sexuel devrait-elle décider de revivre, après tout ce qu'elle a souffert et souffre encore ? Tout simplement parce qu'il est meilleur pour elle de choisir la vie et non la mort.
Choisir de revivre signifiera pour elle :
a. Refuser d'être morte
Elle trouve normal de vivre avec un corps et une âme morts ; paradoxalement, cela lui permet de survivre, en ne risquant plus de ressentir la joie ou la douleur.
b. Refuser de se méfier
La victime se méfie de tous les êtres humains. Une femme violée, en particulier, voit tout "mâle" comme étant le "mal". Elle devra apprendre à transformer sa méfiance envers les hommes en vigilance, ce qui est tout différent.
c. Ne plus craindre le plaisir et la passion
Ces deux éléments la ramènent au drame qu'elle a subi, alors elle les fuit. Ce faisant, elle se prive de ces deux dons.
Ayant été victime du désir (pervers, mais désir tout de même) de quelqu'un, elle "jette le bébé avec l'eau du bain", c'est-à-dire qu'en rejetant l'abus qu'elle a subi, elle rejette en même temps tout désir, même le sien.
Elle doit réaliser que ce n'est pas parce que quelqu'un a eu un désir pervers envers elle qu'elle doit désormais renoncer à son propre désir.
d. Oser aimer à nouveau
Elle devra progressivement renoncer à ses attitudes autoprotectrices et à son repli sur elle-même pour goûter à nouveau à la joie d'aimer les autres et de nouer des relations chaleureuses et sûres.
Elle quittera sa carapace pour retrouver un cœur tendre, capable de prendre le risque d'aimer ceux qu'elle rencontre. Elle abandonnera ses défenses, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne s'entourera pas de protections. Une protection n'est pas une défense.
Elle découvrira alors que, s'il est vrai qu'une ou plusieurs personnes l'ont trahie, la grande majorité des autres sont dignes de confiance.

Le dévoilement des abuseurs

1. Qui sont-ils ?
En très grande majorité ce sont des jeunes gens ou des hommes, provenant de toutes les classes de la société et de tous les milieux.
Souvent, ils font partie de l'entourage de la victime : un camarade, un voisin, un chef scout ou un animateur de jeunes, un baby-sitter, un enseignant, un patron, un collègue de travail, un prêtre, etc.
Ce sont aussi très souvent des membres de la famille : le père, l'oncle, le grand-père, le grand-oncle, le beau-père (de plus en plus fréquemment du fait de l'augmentation des remariages et des familles recomposées), le frère, le demi-frère ou le quasi frère, le beau-frère, le cousin, etc. On parle alors d'inceste ou d'abus sexuel intra-familial.
Il s'agit, plus rarement, d'une personne inconnue de la victime.
Il est à noter que 80% des agresseurs ont été eux-mêmes victimes d'abus dans le passé, ce qui ne les excuse nullement, mais peut expliquer en partie leur comportement.

2. Le dévoilement
Une victime a beaucoup de mal à dénoncer son agresseur ; elle révèlera plus facilement l'abus lui-même. Pourtant, cette dénonciation a une grande portée thérapeutique et il faut l'encourager à rompre le silence. Une fois dite à un autre, la parole devient inter-dite et non plus interdite, comme le voulait le pervers.
Mais cette dénonciation est souvent mal acceptée par la société. Tant qu'une personne sexuellement abusée ne dénonce pas le coupable, elle est considérée comme victime. Mais le jour où elle décide d'en référer à la Justice, on la considère alors comme coupable d'accuser quelqu'un, et le crime commis envers elle va être nié.
C'est pourquoi par exemple la grande majorité des femmes violées se résignent à rester des victimes à vie et donc à se taire, par peur d'être en fin de compte accusées du crime qu'elles dénoncent. Or, elles ne devraient jamais hésiter à rendre le poids du crime à celui à qui il appartient : le violeur.
Il faut néanmoins savoir que, si porter plainte a une portée thérapeutique, le processus judiciaire est long, pénible et coûteux. Les interrogatoires répétés, le manque de respect et de tact de certaines personnes , la honte de dévoiler son histoire devant tout le monde, l'impression de ne pas être crue, entraînent ce que l'on appelle une victimisation secondaire. A chaque fois qu'elle relate le viol, la femme se sent à nouveau violée.
Le soutien, matériel et psychologique, d'organismes spécialisés dans l'aide aux victimes d'abus sexuels, est précieux dans ce genre de démarche, d'autant plus que le jugement prononcé sur le coupable, souvent trop clément, semble décevant et injuste à la victime et ravive sa douleur.
Si vous êtes mis au courant d'un cas d'abus sexuel, la première chose à faire est d'éloigner la victime de l'abuseur, afin d'éviter que ce dernier ne recommence.
Dans le cas particulier d'abus sexuel sur mineur, la deuxième démarche est d'informer les autorités compétentes (services sociaux et police).
La loi vous fait obligation de ce dévoilement, et vous devez dans ce cas-là rompre le secret professionnel, sinon vous risquez d'être considéré par la loi comme complice. Cette dénonciation vise à protéger la victime et les autres victimes potentielles, et à obliger le coupable à arrêter ses agissements.

3. Les réactions des abuseurs à leur dévoilement
Un récent Colloque européen sur les violences sexuelles a établi que 82% des abuseurs n'admettent pas leur responsabilité (53% nient même totalement les faits). Seuls 18% d'entre eux admettent les faits, et encore parce qu'ils y sont obligés après confrontation avec les victimes, et non sans les accuser de les avoir "provoqués".
Cette négation des faits leur permet de persévérer dans leur perversion, et donc de ne pas être privés de leur jouissance, qui seule compte pour eux.
Quand ils ne peuvent plus nier les faits, ils les admettent en minimisant ou en niant les conséquences désastreuses sur les victimes, surtout si l'abus a été exempt de violence physique. S'ils ont du remords ou du regret, ce n'est jamais de leurs crimes, mais de s'être fait prendre et de devoir cesser.
Si un psy se montre indulgent envers un pervers, parce qu'il désire régler rapidement une situation qui le dépasse ou le dégoûte, il risque d'être manipulé par l'abuseur qui fera preuve d'un "repentir" à bon marché pour continuer en paix ses activités vicieuses cachées. Il se fait ainsi son complice, ce qui est grave.
Une réaction possible du coupable d'abus est la suivante : il salit et s'allie. Il salit les victimes ou d'autres personnes innocentes en les accusant du mal que lui-même commet ; ce faisant, il soulage ainsi sa culpabilité. Par ailleurs, il s'allie ceux qui peuvent devenir ses alliés et ses défenseurs (un père incestueux s'allie sa femme pour qu'elle le laisse abuser de leur fille).
Un pervers qui est dévoilé et qui refuse de se repentir peut tomber dans la panique, la dépression, l'alcool ou le suicide ; plus souvent il s'endurcit et continue de manière accrue ses pratiques.
Il est extrêmement rare qu'un délinquant sexuel se repente réellement, (tout au plus exprimera-t-il quelques vagues "regrets"), mais il faut toujours lui en donner l'occasion.

Jacques et Claire Poujol
Conseillers Conjugaux et Familiaux
Site web: www.relation-aide.com

(
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Re: Urgent, c'est le tournant de ma vie

Message par Dubreuil »

VICTIME DE MALTRAITANCE DANS L'ENFANCE
par dire.pour.oublier » 25 nov. 2021, 13:08

Ce post a pour objet de rassembler des ressources et des informations pouvant intéresser les adultes ayant été victimes de maltraitances durant leur enfance.

Si vous avez des ressources à partager, n'hésitez pas à les publier ci après en précisant le pays dans lequel elles sont valables.

France :

https://www.enfantbleu-lyon.fr/espace-a ... n-enfance/

https://enfantbleu.org/adultes/
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Re: Urgent, c'est le tournant de ma vie

Message par Dubreuil »

QUAND ON COMPARE SA SOUFFRANCE

— C'est comme si tout avait été fiché en l'air, comme si ce que je ressentais n'avait pas d'importance, comme si on m'avait volé ma souffrance ! Comme si la détresse des autres était plus poignante, plus déchirante que la mienne, que la guerre, la vraie, celle avec les hommes devenus fous, les armes qui tuent, toute cette violence, cette terreur, c'était comme si j'avais été englouti dedans !
Il entend qu'elle dit :
— Il n'y a pas d'échelon, d'escalade dans le traumatisme, nul besoin de se dire que l'autre souffre plus ou moins que soi, sur quels critères quantifier, mesurer la douleur ? La nôtre nous suffit, le plus dur étant souvent, non pas de la soulager, mais de nous l'attribuer.
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Re: Urgent, c'est le tournant de ma vie

Message par Dubreuil »

Un passage de mon livre : Petits viols en famille.

C'est les détails de la psychothérapie d'un homme de 40 ans, qui a été violé par ses deux parents, entre 5 et 7 ans.
( l'e patient s'appelle Adam et parle en premier, et c'est sa thérapeute qui lui répond.)

52ème dimanche
( extrait )
— C’est grave ce qu’ils m’ont fait, mais je n’arrive pas à en être sûr, je n’arrive pas à prendre conscience de la gravité des faits.
Elle monte au sens :
— La trace sensorielle de vos agressions n'a pas pu être stockée sous la forme de souvenirs acceptables, votre psychisme s'est trouvé dans l’incapacité de symboliser cette expérience extrême, vous en êtes alors devenu l'observateur, le narrateur. Une copie conforme, avez-vous dit, sans âme et sans douleur, qui dort debout à côté de votre vie.
— J’avais de la peine pour eux, pour ce qu’ils m’avaient fait, j’avais honte qu’ils soient malheureux à cause de moi. Je me disais que les parents faisaient ça à leurs enfants, que c’était plus fort qu’eux, qu’ils n’y pouvaient rien, qu’ils n’en parlaient pas pour pouvoir se consoler.
— Du seul fait d’exister, le petit garçon se sent coupable d’avoir poussé l’adulte à lui faire une chose aussi incompréhensible. Au nom de la culpabilité qu’il ne peut surmonter, il a de la peine pour ses parents incestueux, il pense que quelque part, tout comme lui, ils sont devenus des victimes qui ne savent plus ce qu’elles font.
— Je passais mon temps à dessiner des monstres, avec un démon au milieu. Et rien que d'essayer de le dessiner j'avais des sursauts de colère et d'épouvante, je criais, je criais ! Des cris stridents, continus, jusqu'à ne plus avoir de voix. C'était surtout le démon qui me faisait peur, celui qui me suivait partout. Dès que je l'avais dessiné, je déchirais le papier en petits morceaux, je les jetais par terre pour les enflammer avec des allumettes, ensuite j'éteignais le feu avec de l'eau, pour être sûr qu'il soit bien mort !
— Au cours de l’existence, quand la maturation psychique de la victime est dans l’incapacité d’intégrer la scène traumatique, elle refuse d’y revenir par le souvenir. Elle tente alors d’oublier les faits, elle déplace son angoisse sur une chose prise comme support dans sa réalité plus ou moins subjective, des objets, des animaux vivants, ou fantasmatiques, des monstres, des personnages réels ou imaginaires, comme le démon.
— Je crachais sur le démon pour l'humilier, je le tapais avec un bâton de toutes mes forces jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu’un petit tas de papier déchiqueté que je jetais dans les W.C en tirant plusieurs fois la chasse. Mais même s’il ne remontait plus avec l’eau, je savais qu’il reviendrait ailleurs, comme dans les films d'horreur.
— Et vous tapez le sol de toutes vos forces pour anéantir le mal qui sans cesse se relève. Vous brûlez rituellement des personnages diaboliques à l’affût de votre mort imminente, et vous criez. Autant de cris de détresse et d’impuissance, pour tenter d’expulser votre terreur.
— Je dessinais aussi des dragons, de gentils dragons qui essayaient de tuer les méchants monstres, mais c'était vraiment dangereux, ils se retrouvaient toujours à terre, affaiblis, agonisants, je crayonnais partout du sang en taches sur mes cahiers.
— Du sang en taches sur les cahiers, à la ressemblance d’une boue sanglante qui se déverse partout, et partout marque son empreinte. La perversion pollue, en-tache, fait tache sur tout ce qu’elle touche. Elle leurre et fait douter, s’insinue jusque dans l’intégrité psychique de la victime, et des personnes qu’elle côtoie.
— Des cohortes entières en sont mortes, une fois mordus les gentils dragons devenaient à leur tour de méchants monstres !
— Il y a aussi les gentils dragons, parce que tout en vous se révulse, condamne, refuse la loi mortifère de l’adulte. Alors vous mettez en place des dragons bienfaisants et assistez anxieux à des batailles titanesques, sans cesse renouvelées, parce que jamais gagnées.
— Je faisais le pitre pour amuser les autres enfants, je courais, je sautais, je tombais d’un seul coup en faisant semblant d’être terrassé par un ennemi imaginaire. Les adultes disaient de me calmer, mais c’était plus fort que moi, si je m’arrêtais mes membres s’engourdissaient, j’avais l’impression de perdre toutes mes forces, d'être englouti sur place. Et quand il m’arrivait de ne plus penser à rien, les autres se moquaient de moi en disant que j'étais dans la lune !
— Faire le pitre, c’est être regardé par les autres, arrêté, situé, ciblé, rassuré un temps par ceux qui rient. Cette surcharge d’excitation psychomotrice, ces décharges pulsionnelles, ces agissements répétitifs, alors que vous désiriez sincèrement obéir aux injonctions de calme intimées par l’adulte, toutes ces manifestations toniques à valeur abréactive vous aidaient à réduire ponctuellement votre trop grande tension psychique. Vous passiez sans cesse à l’acte, pour avoir un rôle actif devant la menace d’envahissement qui vous submergeait.
— Je m’imaginais qu’en ne disant rien aux autres, le démon resterait tranquille, qu’il penserait que je n’avais pas peur de lui, que j’étais le plus fort.
— Les autres enfants étaient ces vivants qui vous donnaient une relative sécurité, mais vous deviez sans cesse les intéresser, les charmer pour qu’ils soient des bastions, des garde-fous contre vos monstres, qui même à l'école tentaient de vous absorber, vous absenter, de vous éloigner de vous-même et de la terre, être dans la lune.
— Quand je voyais le démon passer devant ou derrière moi, je me levais, je courais partout sans répit pour qu'il ne me rende pas tout mou, qu’il m’attrape et m’entraîne dans la mort. Je me disais que ce n’était pas moi qui vivais, que c’était un autre qui me ressemblait et s’appelait Adam. Je m'appliquais à marcher derrière lui pour aller aux toilettes, pour dire bonsoir à mes parents dans le salon, pour fermer les volets sur la nuit, je déployais une énergie folle pour échapper à ce que je ne comprenais pas.
— En mettant en place le subterfuge d’un autre lui-même, cette autre partie du petit garçon resté dans la réalité, ce double courageux que vous avez appelé, Adam, tente de ne pas se faire attraper par le démon qui l’obsède. Par cette perpétuelle fuite corporelle il essaie d’échapper à ce qu’il ne comprend pas. Son psychisme est débordé par une angoisse qu’il représente sous la forme imaginaire de monstres, et d’un démon qui va lui enlever son énergie, le rendre tout mou pour l’entraîner dans la mort.
— Je jouais à être léger, bondissant ! Mais le soir, je regardais la nuit descendre avec terreur, je priais pour ne pas être obligé de rester seul avec mes parents.
— L'enfant que vous étiez, cet enfant-là, veut faire rire les autres pour dédramatiser ce qu’il ressent, arriver à rire de lui-même, être léger, bondissant. Loin des lieux qui lui font peur, de la nuit qui va descendre, vite, vite, rire et vivre comme un enfant. Imaginez ce travail de titan fourni pour tout cacher, faire croire que tout va bien. D’un côté votre vie d’enfant, à gérer face à vos désirs, vos besoins, les contraintes scolaires et familiales, et de l’autre, cette urgence à ne pas oublier que pour survivre il vous faut oublier quelque chose de très important, c’est à dire le savoir, le pourquoi de votre angoisse. Et pourtant, pour sa survie, chacun a droit au savoir.
— J'allais très souvent aux cabinets, je faisais pipi partout comme un petit chien, ça partait tout seul, c’était plus fort que moi. Ma mère avait fini par me laisser près de la porte de sortie pour que j’aille me soulager sans déranger la classe. Quand je le pouvais, pour ne pas avoir à traverser la cour je faisais mes besoins sous les marches de l'escalier en bois, le démon aurait pu me suivre.
— Quand un petit chien a été battu, il a très peur, et quand il voit arriver son tortionnaire il rampe à ses pieds en faisant pipi partout. Sauf que le petit Adam n’a pas besoin de voir, d’anticiper, le tortionnaire est en lui. Comme une ombre il passe, il respire à côté de lui, il rentre et sort, le suit, le frôle, l’épie !
— C'était une ombre d'adulte avec des contours bien définis.
— L'adulte est ce démon qui a fait irruption, effraction physique dans votre intégrité corporelle, effraction psychique dans votre imaginaire déjà peuplé des angoissantes images archaïques de la petite enfance.
— Un jour ma mère a fait venir le sorcier du village pour qu'il me donne une poudre qui guérit les cauchemars, mais c’était pire qu’avant. Je ne savais plus qui j’étais, je ne faisais plus la différence entre le jour et la nuit, la porte de mon inconscient restait ouverte, un vrai moulin !
— Les viols ont fracturés la porte de votre âme, dans votre esprit d'enfant tout est mélangé, le jour et la nuit, le rêve et la réalité. Et pendant ce temps, votre inconscient n’en finit pas de livrer bataille pour essayer de refermer la porte, d'assurer votre survie psychique.
— En lecture, ma mère s'acharnait sur les mots, le sens de la phrase. Elle criait : — « Mais enfin, concentre-toi, si tu lis et relis, cela finira bien par rentrer ! » Mais ça ne pouvait pas rentrer, je voyais bien que c’était irréparable, le mot prochain effaçait déjà le mot précédent, je ne comprenais plus rien au monde des vivants.
— Ca ne pouvait pas rentrer, parce que le, ça, ne devait plus rentrer. Ce qui lie, relie, ce qui fait sens pour chacun d’entre nous à partir des acquis puisés dans la petite enfance, tout cela était devenu trop dangereux, trop anarchique pour que vous puissiez vous y appuyer.
— Le lien rattachant le mot à sa phrase, et la phrase à la suivante, la pensée à l’idée, et l’idée au verbe, d’un coup tout cela s’est arrêté, je suis rentré en délire comme on rentre en croyance !
— Comme des éléments morcelés du discours, les mots étaient lus les uns après les autres, à peine compris. Maison sans fondation, le mot prochain effaçait déjà le mot précédent. Parce que le petit Adam a perdu le fil conducteur, l’architecture, le sens de la vie, il a aussi perdu celui de la phrase. Il ne comprend plus rien au monde des vivants, il est perdu dans un univers terrifiant où rêves, fantasmes et réalité, s’interpénètrent sans émotions structurantes. Il n’est plus en mesure d’accéder au lien symbolique qui les rassemble.
— Quand il fallait que j’apprenne mes leçons, je perdais aussitôt la mémoire, une fois le livre fermé, je ne me rappelais plus de rien.
— C'est que toute l’énergie de l’enfant est centrée sur sa survie psychique. Les leçons ne sont pas apprises, parce qu’elles ne sont pas à-(p)prendre, parce qu’il ne peut pas les prendre, elles ne lui servent à rien. Dans son combat quotidien, il n’a pas besoin de leçons de la part des adultes, il sait déjà de quoi ils sont capables.
— Les parents des autres disaient que si je ne voulais pas apprendre, c’était parce que j’étais trop gâté !
— Et quand il apprend ses leçons, le petit Adam les oublient aussitôt, parce que toute son énergie psychique est tournée vers la nécessité d’occulter son traumatisme. Pour survivre, il doit chasser de son esprit l'impact psychologique, et du même coup oublier toutes les autres choses, bonnes ou mauvaises entourant cette période critique. Mais une émotion négative ne peut rester à une place fixe, et pas plus il ne retient l’urine, pas plus il ne retient ce que l'on tente de lui apprendre. Séduit, déjà gâté, c'est-à-dire corrompu par la perversion de l'adulte, il est terrorisé par le réel, et n'arrive pas à gérer son imaginaire. Pour lui, se discipliner c’est taire ce qui lui est arrivé, domestiquer ses peurs, n’en rien laisser paraître pour ne pas aggraver sa terreur. Et seul, assumer l'irréparable.
— Aujourd’hui encore, je n’arrive pas à soutenir mon attention, je lis sans lire, le moindre investissement de ma part me renvoie à des dimensions hurlantes ! J’écris facilement, mais il y a toujours en moi une surenchère du langage plein de mots vides sur des choses que je ne ressens pas, et qui me mettent en béance. Comme dit la chanson, je fais toujours, « comme ci, comme ça », j’agite des mots colorés de sentiments que la moitié du temps je ne ressens absolument pas.
Après un silence :
— « Dites seulement une parole et mon âme sera guérie », c'est ce qu'implorait le lépreux en touchant le manteau du Christ, mais pour moi rien ne me remonte au cœur, rien ne se relève, ne se noue ! Je ne crois plus à l’espoir du langage, je parle des mots pour l’esthétisme, pour le plaisir de les assembler, les avoir en bouche, les sucer, les cracher. Pour les habiller aussi, ou les dépouiller. Mais je ne les vis pas, c’est un deuil de l’invisible où je n’ai plus rien à perdre, ni à gagner, les mots je m’en fous, c’est tout.
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Re: Urgent, c'est le tournant de ma vie

Message par Dubreuil »

PETITS VIOLS EN FAMILLE

1er dimanche
( extrait )
Penché en avant, bout de fesses en instance au bord de la chaise, il glisse sur la table trois pages dactylographiées, détourne les yeux et attend.
— Pourquoi ne me regardez-vous pas ?
— Excusez-moi. Il recule sa chaise. C'est parce que nous sommes trop proches l'un de l'autre.
Elle lit :
Paris 1970 . Extraits de l’entretien entre le magazine Choisir la cause des femmes, et la psychanalyste, Françoise Dolto.
Choisir :
— « Mais enfin, il y a bien des cas de viol ?
Françoise Dolto :
— Il n’y a pas de cas de viol, elles sont consentantes.
Choisir :
— Mais quand une fille vient vous voir et qu’elle vous raconte que dans son enfance, son père a coïté avec elle et qu’elle a ressenti cela comme un viol, que lui répondez-vous ?Françoise Dolto :
— Elle ne l’a pas ressenti comme un viol. Elle a simplement compris que son père l’aimait et qu’il se consolait avec elle, parce que sa femme ne voulait pas faire l’amour avec lui.
Choisir :
— D’après vous, il n’y a pas de père vicieux et pervers ?
Françoise Dolto :
— Il suffit que la fille refuse de coucher avec lui en disant que cela ne se fait pas, pour qu’il la laisse tranquille. 
Choisir :
— Il peut insister !
Françoise Dolto :
— Pas du tout, parce qu’il sait que l’enfant sait que c’est défendu. Et puis le père incestueux a tout de même peur que sa fille en parle. En général la fille ne dit rien, enfin pas tout de suite. »
Sur la chaise il s'agite :
—Vous en êtes où ?
— Quand la fille ne dit rien.
— Vous connaissiez cet écrit ?
— Oui.
— Avant ou après vos études de psy ?
— Pendant.
— Et vous avez en avez pensé quoi ?
— Je vous retourne la question, à qui, à quoi cet écrit fait-il écho dans vos pensées ?
Il ne répond pas.
Elle reprend la lecture.
Montréal 1987. Extraits de l’entretien entre Andrée Ruffo, juge Cour du Québec, et la psychanalyste Françoise Dolto.
Andrée Ruffo :
— « Il arrive souvent avec des enfants de douze, treize ans, qu'on nous dise : — Cet enfant a des troubles de comportement parce qu'il a vécu un inceste, parce qu'il a été rejeté, parce qu'il a été méprisé. Mais moi, je refuse de lui accorder la protection pour ses troubles.
Françoise Dolto :
— Mais vous avez tout à fait raison, parce que l'important c'est, puisqu'il a survécu, qu'est-ce qu'il y a eu de suffisant pour y prendre son pied ? Si un être est vraiment traumatisé, il tombe malade, si un être n’a pas de quoi vivre, il ne continue pas. Le rôle du juge, c'est qu'à partir de là l'enfant se prenne davantage en charge, c'est surtout, je crois, la prévention, c'est-à-dire la mise au courant des lois des enfants très jeunes. Si les enfants savaient que la loi interdit les privautés sensuelles et sexuelles entre adultes et enfants, eh bien, à partir du moment où un adulte le lui demande, s'il accepte, c'est qu'il est complice, il n'a pas à se plaindre. Mais il peut avoir, sans se plaindre, à dire : — Mais ça m'a fait très mal. — Oui. Pourquoi t'es-tu laissé faire puisque tu savais que ce n'était pas permis ? À partir du moment où l'enfant est au courant, très jeune, de la loi, il est complice et on peut l'aider beaucoup mieux. 
Andrée Ruffo :
— Quand le juge reçoit un enfant victime d’abus sexuels, il faut aussi parler des mères. Françoise Dolto :
— Bien sûr, puisque c'est une situation triangulaire qui est boiteuse, et c'est pour ça que ça peut arriver. Tant de mères sont complices de ce qui se passe entre le père et ses enfants, pour que celui-ci reste à la maison, pour qu'il n'aille pas ailleurs. (…)
Andrée Ruffo :
— Et est-ce qu'il est utile pour les enfants qu'il y ait un jugement social, que l'enfant soit déclaré victime ?
Françoise Dolto :
— Non, justement, c'est très difficile parce que ça le marque pour la vie. Si ça se passe à huis clos, entre l'enfant et les parents, c'est beaucoup mieux. C'est bien dommage ce qui s'est passé. Il faut dorénavant que ce soit terminé et que ça ne soit pas toute une histoire. Ce sont des choses qui se passent dans le cabinet du psychiatre ou du médecin qui justement le garde en secret professionnel. Il travaille avec les parents pour ce dérapage dans leur vie imaginaire. C'est toujours sous médicament ou sous alcool que les choses se sont passées.
Andrée Ruffo :
— Mais quand c'est le père, et qu'il nie ?
Françoise Dolto :
— Il a raison. C'est pas le même, celui qui nie et celui qui l'a fait. Vous vous sentiriez un salaud si vous l'aviez fait avec toute votre conscience. Donc vous n'aviez plus votre conscience.
Andrée Ruffo :
— Et que faire en tant que juge pour enfants ?
Françoise Dolto :
— On prévient l'enfant : — Ça ne recommencera pas, sans ça tu seras complice. Les enfants sont responsables. (…)
Andrée Ruffo :
— Mais comment arrive-t-on, quand ils ont huit ans, dix ans, douze ans, à leur transmettre qu'il y a quelque chose de bon en eux ?
Françoise Dolto :
— On peut leur dire : — Il y a une raison pour laquelle tu es là. C'est toi qui l'as voulu. C'est ça qu'on oublie, qu'un enfant ne naît que parce que l’être humain désirait naître. Ça serait tellement facile de fausse-coucher s'il n'y a pas de quoi vivre ! Mais il a survécu. »
Elle repose les feuillets.
Il demande :
— Vous avez tout lu ?
— Oui.
Il dit d'une voix monocorde :
— Quand mon père a commencé à me violer j'avais cinq ans, il avait un rituel, avant de me sodomiser il me faisait pencher en avant pour juger de mon fondement — « I want to see if today can take your little one ! » (Je veux voir aujourd'hui si je peux prendre votre petit). Au début je pensais le dissuader en utilisant mes doigts, mes ongles, un caillou pointu pour ne pas cicatriser, mais avec sa queue devant, l'homme en rut est pire que la bête qui la porte derrière, quand il viole, qu'il torture, alcoolisé ou non il sait que c'est parce qu'il a de la force dans les bras et ce qu'il faut entre les jambes. Je ne me débattais plus, j'avais compris qu'espérer ne servait à rien, je me couchais par terre et pendant que du sol de la cuisine jusqu’en haut de l’escalier, et du haut de l’escalier jusqu’au lit des supplices il me tirait par le bras comme un pantin, je criais dans ma tête, je suppliais, j'appelais ma mère pour qu'elle vienne. Mais elle était à l'école avec ses élèves, chacun a son droit au savoir.
Après un silence il s'anime soudain, se lève, lui reprend les feuillets :
— Alors quand sans la moindre humanité, sans un pardon à demander auprès de ces enfants martyrs dont le seul but était d'être aimés, et leur seul tort d'exister, madame Dolto affirme qu’ils sont tous inconsciemment complices, responsables ou consentants des viols qu’ils ont subi, je pense qu'elle cherchait plutôt à détourner ainsi l'attention de ses propres noirceurs ! Oui, c'est bien dommage ce qui continue à se passer, ce qu'elle appelle de simples dérapage dans la vie imaginaire des pédos-criminels, mais comme eux elle est dans la toute-puissance, elle ne se soucie pas des souffrances de l'enfant, pas d'émotion, pas de culpabilité, puisqu'il a survécu c’est qu’il y a trouvé du suffisant pour y prendre son pied ! Elle ne fait pas dans le sentiment, elle accuse la victime et protège l'agresseur en conseillant de taire tout cela, de passer à autre chose, de ne pas faire d'histoire. Son savoir à elle, c'était son génie pour parler aux bébés, les éveiller, les rassurer pour mieux les baiser, c'est épouvantable !
Après un silence :
— Pour tout-à-l-heure, en fait je n'aime pas regarder les gens dans les yeux. Je perds très vite la vue d'ensemble de leur apparence physique, j'ai l'impression de tomber dans un trou, d'être à leur merci !
— Pourquoi, à leur merci ?
— Oui, non, je ne dis pas ça pour vous, mais je préfère regarder plus haut. Vos sourcils, par exemple, si je regarde vos sourcils, je vois tout ce qui se passe alentour avec la possible raison de vous y intégrer toute entière.
— Regarder plus haut, dit-elle, ne pas être à la merci du regard de l'agresseur, fuir son regard abyssal, désaffecté, ce trou de l’épouvante.
— C'est ce que j'essaie de faire avec madame Dolto !
— J'entends bien, dit-elle, cependant considérez que vous n'étiez pas présent lors de ces interviews, et qu'avec tout loisir de les dénaturer ils auraient été publiés hors contexte, et à son insu.
Il s'emporte :
— Je sais, j'ai lu tout ça, mais inconscient ou pas, ça ne sera jamais terminé ! Moi aussi j'ai été trahi, et ne lui en déplaise, j'en fait toute une histoire !
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L'AMOUR ET L'IMPUISSANCE SEXUELLE

L’impuissance et la frigidité « proprement psychiques », différentes de « l’impuissance absolue », sont rarement ressenties comme symptômes ou comme souffrances : des satisfactions sexuelles partielles (quant à la pulsion ou quant à l’objet), phalliques au mieux (dans les deux sexes), et liées éventuellement à une relation objectale durable et de bonne compagnie paraissent suffisantes pour beaucoup. Elles s’accompagnent souvent d’un clivage entre le courant tendre et le courant sensuel et obéissent à la dichotomie que Freud a décrite : « Là où ils aiment ils ne désirent pas, et là où ils désirent, ils ne peuvent pas aimer. »
L’impuissance proprement psychique ou la frigidité de l’âme se caractérise par le fait qu’elle « n’a pas derrière elle la totalité de la force de la pulsion psychique » (mes italiques), et il semblerait que « cette étrange défaillance » soit « généralisée ». L’hypothèse est audacieuse, et la théorie de la sexualité y perd un peu son latin, bien que la pratique en révèle quotidiennement la pertinence.
Notons que le terme « généralisé » est utilisé dans la formulation du titre de l’article freudien (« Du rabaissement généralisé de la vie amoureuse », mes italiques) et qu’il n’y est pas question du rabaissement de la vie sexuelle, mais bien de celui de la vie amoureuse. Nous pouvons donc penser que ce qui rassemble la totalité de la force pulsionnelle, c’est l’amour. Toutefois, le concept d’amour est peu métapsychologique dans la mesure où il y a eu peu de place, à l’origine, pour la sexualité génitale adulte et pour l’affect qui la caractérise : l’état amoureux.
Dans l’autobiographie de Romain Gary, La Promesse de l’aube, l’auteur dit à sa mère, à propos d’une femme : « Je l’aime, mais je ne l’aime pas d’amour. » Toute la vie de cet homme a été frappée de cette impuissance qui est plus celle de l’âme que celle du cœur, car ils ou elles aiment… mais pas d’amour.
Le héros de Stendhal dans La Chartreuse de Parme, le charmant Fabrice Del Dongo, s’étonne de ce sentiment dont tant de gens parlent et qu’il n’éprouve pas, malgré de louables efforts entrepris au cours de ses diverses liaisons. Lorsque enfin il tombe amoureux, séparé d’une imago maternelle séductrice par les murs épais d’une prison, ce qu’il ressent en même temps, c’est de la « terreur » : « L’image sublime de Clélia Conti, s’emparant de toute son âme, allait jusqu’à lui donner de la terreur. »
3Dans une psychanalyse dont j’avais intitulé le récit « Triste topique » (non publié pour des raisons de confidentialité), la patiente présentait la même organisation psychopathologique infantile que ces deux hommes : imago maternelle trop présente et paternelle, absente ; et frigidité de l’âme. Ce qui était plus frappant, c’était la fixation au clivage du moi qui empêchait, comme l’aurait fait une dissociation, d’atteindre le fond de détresse nécessairement lié à une telle structuration infantile. Le surinvestissement narcissique dont l’enfant avait fait l’objet de la part de l’imago maternelle le condamnait à être un moi idéal apulsionnel, quant à la sexualité génitale adulte du moins, parce que celle-ci représente la séparation accomplie d’avec les objets infantiles et la réalisation du rêve d’amour œdipien.
Cette personne jouissait d’une santé de fer : elle allait bien, depuis toujours. La seule chose qui avait manqué à cette vie « réussie » à tous points de vue, c’était l’amour. Tous ses rêves baignaient dans une sorte de luminosité blanchâtre qui disparut en cours de processus, et l’un deux figurait la disparition soudaine de trois touches noires sur un piano dont elle jouait, ce qui me fit penser à la mort du père et à la disparition du triangle œdipien ; mais aussi à l’expression de Christian David à propos de l’état amoureux comme retour d’une « mélodie oubliée ».
La Rochefoucauld écrivait que « l’amour prête son nom à un nombre infini de commerces » dans lesquels il n’a pas grand-chose à voir. Et effectivement, la clinique offre la vision d’une série d’attachements, de masse à deux, d’addictions perverses, d’incorporations mélancoliques, de couples narcissiques, qui s’installent comme ersatz de l’amour génital. Or (la réflexion est de Gisela Pankow) [1], « le désir est toujours le désir au niveau génital », et ses ersatz ne trompent personne, même pas celui qui y a recours et qui rêve d’autre chose.
À l’âge adulte, « aimer d’amour » rencontre deux difficultés : celle de la fixation en amont et celle de la génitalité en aval. Souvent un quantum de sexualité a pu évoluer vers le primat génital adulte, mais les traces de l’organisation prégénitale réapparaîtront dans une série de crises dues à la coalescence ponctuelle de l’objet génital et de l’objet prégénital, faute d’une organisation œdipienne qui véhicule normalement le modèle immanent d’une réalisation génitale ultérieure.
Faut-il rappeler, comme le fit Freud un peu tardivement (1923 e), que l’organisation génitale adulte n’est pas basée sur le primat du phallus et que, au contraire, elle suppose l’abandon des limites narcissiques caractéristique de l’état amoureux, ce qui constitue un événement « exceptionnel » (1930 a) provoquant souvent un sentiment d’inquiétante étrangeté. Malgré la rectification de Freud à propos de la « négligence » qu’il a tenue à « réparer » en 1923, la théorie sexuelle et la pratique analytique sont parfois restées influencées par la confusion entre le primat infantile du phallus et le primat génital adulte caractérisé par l’attraction masculin-féminin.
On a entendu ou lu, à ce propos, des remarques presque stupéfiantes, et on est en droit de se demander si la crise de la psychanalyse ne serait pas due à une entropie conceptuelle de l’Éros, facilitée par la « négligence » théorique initiale de Freud et par l’angoisse suscitée par la génitalité adulte.
« Che cosa è amor ? » et « What is this thing called love ? » chantent, chez Mozart comme chez Cole Porter, la découverte bouleversante de ce sentiment extérieur au moi (« fuori di me », chante Chérubin), comme l’est le « ça obscur ». L’amour « mystérieux et fier » semble s’abattre sur l’être humain, qui tombe amoureux, touché au cœur par les flèches d’Éros. Le sentiment d’inquiétante étrangeté, le caractère innommable, au sens propre, de l’événement psychique semblent indiquer que le refoulement seul n’est pas en cause. La chositude de l’amour (« For love is a thing », écrit un poète anglais du xvie siècle) viendrait aussi d’un inconnu ou d’une trace sans nom parce qu’inachevée dans l’infantile, et on penserait qu’il s’agit justement de cette « totalité » de la force pulsionnelle que Freud mentionne et qui serait l’achèvement de l’évolution sexuelle. De plus, à cause de la régression anténarcissique (et antinarcissique), les affects opposés et extrêmes sont aussi toujours présents : ici « dard » et « flamme » ; là-bas « croix et délice du cœur ».
« Chose », « maladie », « folie » sont les qualifications que la petite majorité attribue à l’amour, phénomène disruptif certes, tant qu’il n’est pas réciproquement accepté. Les quelques témoignages d’amour profond et durable viennent souvent de couples appartenant au monde des arts, probablement parce qu’ils ont une tolérance et une aisance atopiques dont la plupart ne bénéficient pas. La poésie en est l’expression continuelle, toujours oblique, comme si « le langage de nos perceptions » ne convenait pas à la chose.
Au traumatisme de la naissance succédera, si tout va bien, le traumatisme de l’état amoureux. On pourrait dire que tout le développement de la sexualité aboutit à cet instant où un être humain peut supporter l’abandon de son moi pour s’unir à un autre, corps et âme. Mais pourquoi l’apparition de ce sentiment est-elle traumatique ? Il y a plusieurs causalités qui expliquent la relative rareté de l’expérience. D’abord, on l’a vu, l’exceptionnelle perte des limites narcissiques (Freud), « comme si un manteau me tombait des épaules », dira un patient. Puis, une sorte d’impréparation de la psyché pour la rencontre avec cet objet d’amour qui est certes « reconnu », mais qui va aussi ébranler le refoulement de l’amour œdipien. Ensuite, il y a une modification structurelle brutale par la levée du clivage du moi que le développement de l’organisation sexuelle avait mis en place. Car ce clivage de développement implique le désaveu de la pulsion et pas seulement le désaveu de la castration, comme dans le modèle initial de Freud, qui ne s’attendait pas à cette tardive découverte « déconcertante ». Enfin, il y a une nouveauté extraordinaire qui est apportée avec la génitalité adulte : la possibilité d’une union corps et âme avec l’objet aimé, par un acte qui aboutit à « la petite mort ». Petite ou pas, la mort est bien présente dans l’orgasme amoureux.
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(suite)

Lorsque l’individu ne prend pas la fuite, il lanterne : telle cette patiente, âgée de quarante ans déjà, qui fait attendre, pendant une année, son futur deuxième mari parce que, dit-elle « je ne savais pas ce qui m’arrivait ». Il est vrai que dans sa vie antérieure, comme elle disait, elle était un « igloo ». On peut aussi suivre les effets du traumatisme amoureux dans Les Cahiers de Paul Valéry qui, dans la cinquantaine, éprouve enfin ce sentiment « extérieur », « infini », presque « mystique », tous ces termes nous ramenant à ceux de Freud (1938) à propos du ça. Ces deux auteurs, dont la rationalité est au-dessus de tout soupçon, ont désigné par ce terme « mystique » l’accès au « royaume du ça », illimité et sans représentations.
L’état amoureux et la musique sont probablement les seules occasions qui nous sont données de cette régression profonde : « Le voyage de ma vie me conduit à mes antipodes », écrit Valéry à ce moment-là. Freud, lui, avait so10ixante ans lorsqu’il introduit le ça, concept qui, exceptionnellement, ne vient pas de lui mais du premier psychosomaticien, Groddek. Et ce n’est pas sans résistance : il avouera à Max Schur son aversion pour le ça qu’il affirme théoriquement par ailleurs, alors que le nouveau concept est aux « antipodes » de son idéal du moi.
11Passer de l’amour à la métapsychologie, c’est prouver, si on en doutait encore, que la sexualité est un concept qui, pour Freud en tous les cas, impliquait l’état amoureux. C’est montrer l’importance du concept de la génitalité adulte pour les investissements et les sublimations que la psychanalyse nécessite dans sa théorie comme dans sa pratique.
On a écrit (à tort, nous semble-t-il) que la transformation théorique apportée par l’introduction de la seconde topique n’avait en rien changé la méthode. Cette affirmation semble un peu idéologique : le texte des Conseils au médecin… (1912 e) commence par la prescription de la mémorisation, qui disparaîtra dans celui de 1923, dans Psychanalyse et théorie de la libido : l’analyste avec ou sans mémoire, cela fait une fameuse différence. Car la mémorisation consciente va à l’encontre de la mémoire préconsciente qui joue spontanément lorsque l’intentionnalité est ôtée de la méthode. Ensuite, la métaphore chirurgicale a disparu au profit de « l’art de l’interprétation », ce qui fait aussi une différence dans la modalité libidinale contre-transférentielle. Enfin, il y a l’introduction de la petite phrase presque incidente (« Et l’on n’avait plus soi-même qu’à oser un pas de plus pour deviner… »), qui n’a l’air de rien, mais qui indique que l’achèvement du processus de l’attention en égal suspens exige une intuition ou un acte de pensée qui est une audace et une nécessité, comme s’il fallait finalement lâcher la relative sécurité apportée par le cheminement des associations, pour les rassembler dans une formulation encore impensée.
Curieusement, Freud n’a pas vu que la perte des limites de l’état amoureux, qu’il qualifiait d’exceptionnelle, était analogue à la condition qu’il établissait, dans les deux textes cette fois, d’abandon de l’analyste à son inconscient. Perte des limites, déliaison structurelle et tolérance à l’incertitude sont des paramètres communs à l’état amoureux intégré et à l’attention psychanalytique. De plus, l’analogie entre ces deux états vient d’un même rapport qu’ils établissent avec leur objet : un rapport de connaissance singulière qui est peut-être « la communication d’inconscient à inconscient » auquel aboutit le processus de l’attention flottante. Car si l’acte sexuel génital est assimilé à une « connaissance » par les poètes  (« c’est la connaissance même dans sa plénitude et sa splendeur », la sexualité contre-transférentielle sublimée aurait aussi la même capacité à connaître l’individu singulier et son « idiome ». La sexualité génitale adulte, comme fonction de connaissance de la singularité actuelle, est analogue à la fonction poétique qui donne à voir l’objet singulier. Mais a-t-on assez insisté sur le paradoxe existant entre le modèle théorique (universel) et « l’art de l’interprétation » (1923 a) (toujours singulier) ?
Il y a, dans l’accès à la génitalité adulte, un autre élément sexuel sans précédent qui est en relation avec la fonction de l’acte (et non de l’agir) dans l’économie libidinale : « l’acte d’amour » est un accomplissement qui dé­bouche sur l’enfant, « fruit des œuvres » sexuelles (c’est à dessein que d’anciennes expressions sont utilisées ici, car elles parlent de représentations sexuelles qu’une entropie du concept a fait disparaître). La tendance à créer quelque chose qui vient de soi serait un désir d’accomplissement inhérent à la pulsion et semble se justifier par l’infinie variété d’objets, réels ou issus de l’imagination, que les civilisations ont apportée, et par la succession des générations elle-même. Freud définit la dimension nouvelle de la génitalité adulte par « la polarité sexuée masculin-féminin au service de la reproduction ». Ce serait moins un « service » qu’un désir d’accomplissement, qui a peu à voir avec l’enfant-phallus de l’organisation génitale infantile et qui provient peut-être de l’éphémère du moment de l’union orgastique, dont l’enfant serait la trace nécessaire.
Souvent, dans la clinique des enfants, on repense à une autre réflexion de Gisela Pankow : « Pour les parents d’un schizophrène, il est impossible de concevoir un enfant qui soit un fruit. » On pense aussi à l’expression bionienne d’« unborn baby », comme si les pathologies les plus graves venaient de représentations sexuelles pré­génitales biparentales et du destin qu’elles organisent, à leur insu, pour l’enfant : représentant narcissique ou phallus, incorporat, objet incestuel ou bouc émissaire des projections parentales dysphoriques. La remarque de La Rochefoucault présente ici un autre intérêt clinique : la confusion des langues dont l’enfant a été victime. Ce qui, dans l’infantile, a été appelé « amour » n’en était qu’un ersatz. La compulsion de répétition tire sa puissance de cette confusion. Car si une modalité pathologique de relation d’objet a été présentée comme amour objectal, la fixation à cette sorte de trompe-l’œil, dont la projection transférentielle est repérable, en découlera. Il y a erreur, dans le réel, sur la modalité de relation d’objet, puisque le désir lié à la pulsion a d’emblée l’amour génital (ou l’amour tout court) comme visée composante de la satisfaction (au même titre que « la qualité proprement psychique ») [4].
L’inclusion, dans la métapsychologie, de l’enfant en tant qu’achèvement et accomplissement de l’évolution sexuelle constitue une extension du modèle qui trouve aussi sa justification dans l’inhibition grave des formes prégénitales de l’accomplissement pulsionnel. Dans celle-ci, tout acte du sujet doit être effacé : pas de larmes, pas de projection vocale, pas de fèces, pas d’« invention » : « J’ai fait ma toute première invention » : phrase écrite (avec de nombreuses fautes d’orthographe) sur le dessin d’une petite fille de huit ans, atteinte de troubles de l’attention, après un an et demi de traitement. Osera-t-on dire que la théorie de la créativité, si vite adoptée par le consensus, ôte tout enjeu pulsionnel aux accomplissements, sauf dans un passage où Winnicott écrit que le jeu est source d’angoisse ?
L’Arbeiten freudien contient déjà, implicitement, une théorie de l’accomplissement que Bion a dégagée, et qui s’étaie, selon nous, sur l’acte de procréation de la sexualité génitale de l’adulte. Y a-t-il un tabou à propos de celui-ci ? Freud, en note de son article sur la génitalité, écrit que « les bourses, avec ce qu’elles incluent, attirent une faible dose d’attention chez l’enfant. À partir des analyses, on ne pourrait pas deviner que quelque chose d’autre que le pénis appartient à l’organe génital ». L’association venue à la lecture de cette note a été l’expression « si le grain ne meurt », comme si la représentation de l’organe masculin de la reproduction était refoulée parce qu’elle éveillait simultanément une représentation de la mort.
C’est d’ailleurs le propre de la génitalité, par rapport à la prégénitalité, d’organiser une nouvelle intrication entre la pulsion sexuelle et la pulsion de mort. Il ne faut pas perdre de vue que le principe de plaisir était déjà sous l’égide de la pulsion de mort par sa recherche de l’homéostasie. Lors de l’accès à la génitalité (si accès il y a), la fonction de la pulsion de mort vise à la déliaison des limites narcissiques bilatérales qui permettra l’union psychosomatique des amants. La pulsion de mort intriquée à la sexualité génitale est également nécessaire aux œuvres parentales et culturelles. L’amour seul peut « effacer son nom » au profit d’un apport objectal : le « masochisme érogène » (Rosenberg), le « conflit créateur » (Ehrenzweig) sont des manières de dire la part féconde que la pulsion de mort apporte à l’Éros en s’attaquant au moi « hypocrite, opportuniste et menteur ». Tout porte à croire que l’amour est, comme le sublime de Kant, un « plaisir négatif », parce qu’il « excède nos limites » (qui sont par ailleurs bien confortables parfois).
« Plaisir négatif » certes, du point de vue de ses conditions préalables, la satisfaction génitale, par sa régression au ça, offre le quantum de plaisir plus élevé que Freud attribuait aux instincts restés à l’état sauvage. De plus, le « rassemblement des pulsions partielles » (formule freudienne), et celui « des parties de l’âme éparses dans le corps » (formule pythagoricienne), aboutit aussi à élever le quantum des satisfactions génitales et à leur donner la qualité que l’entièreté rassemblée de l’âme et du corps apporte, la qualité d’une totalité synergique.
Il y a aussi, dans la sexualité accomplie entièrement [5], un sentiment dont les poètes parlent et qui est un sentiment de fierté : « Faites qu’un jour il nous souvienne de tout cela de fier et de réel qui se déroulait là-bas » (St John Perse).
Dans un panel consacré au thème « Impuissance et frigidité », au Congrès international de Barcelone en 1997, j’ai introduit l’idée que l’affect de honte, typique de certaines structures, était dû à une castration primaire qui avait endeuillé précocement la sexualité et le narcissisme. Il s’agit ici de l’autre impuissance, « l’absolue » comme écrivait Freud. Ce délire cryptique doit apparaître dans la cure pour que le narcissisme puisse être construit, car, sans cela, le risque de la sexualité génitale est inabordable pour l’individu. Mais ce délire, qui comporte sa vérité historique (dans l’inconscient biparental parfois), montre que le développement de la sexualité génitale peut être exclu (Verwerfung) dès le commencement de la vie.
Un travail sur la sexualité génitale ne peut se terminer sans y inclure le critère différentiel que Maurice Bouvet a introduit entre personnalités prégénitales et génitales. La notion de « distance » possible à l’objet fait partie, selon lui, de la configuration génitale, ce qui semble paradoxal, à première vue. Mais si l’on pense aux pathologies d’identification à l’objet originaire, on voit bien que ces personnes ne peuvent s’unir à leur objet faute d’écart [6] et que cela s’accompagne de la douleur du manque d’amour, malgré « la masse à deux » qu’ils constituent avec leur objet. À l’opposé, si la cuirasse du caractère comme fixation au clivage du moi a constitué la défense au traumatisme infantile et a été un moyen de survivre, l’écart se transforme en une arrogance anobjectale, difficile à supporter dans le contre-transfert parce qu’elle est la négation inconsciente du transfert et de tout objet. De plus, l’une et l’autre de ces organisations psychopathologiques (la masse à deux et la fixation au clivage du moi) apparaissent cliniquement comme l’avers et l’envers d’une même médaille : la perte trop précoce de l’amour d’objet.
Critique de la théorie freudienne
La théorie de la génitalité adulte, représentant l’achèvement de l’évolution de la sexualité humaine, est tardive (1923) et si Freud a éprouvé le besoin de réparer une négligence, c’est probablement parce qu’il avait pu constater l’assimilation qui s’était produite entre le génital phallique et le génital adulte. Après cette brève note, il ne sera plus question de la spécificité de la génitalité adulte.
De plus, la clinique ordinaire a généralement affaire à des traumatismes et fixations d’une sexualité infantile, si bien que la théorie du normal névrotique et son modèle métapsychologique ont été négligés.
L’étiologie de l’impuissance et de la frigidité, absolues ou psychiques, reste, pour Freud, la fixation incestueuse. Il n’est pas question des failles narcissiques, ni du clivage du moi, choses qu’on ne peut reprocher à Freud puisqu’il n’avait pas encore découvert le clivage du moi (1938) et que la clinique du narcissisme n’avait pas encore été explorée.
La théorie de la génitalité adulte comme possibilité de réunification du « courant tendre » et du « courant sensuel » n’est pas très satisfaisante. Est-ce vraiment de la tendresse (d’origine infantile est-il précisé) et est-ce vraiment de la sensualité dont il s’agit dans l’acte d’amour génital ? Peut-être n’y a-t-il rien de tendre, ni de sensuel dans l’amour « de type infini », mais une sorte de mise en acte limite par lequel deux personnes s’accordent pour se perdre « corps et biens » et atteignent ainsi un contact indivi qui nie follement la solitude inhérente à l’espèce humaine et, au contraire, établit entre les amants une union que rien ne pourra égaler. On préfère s’en remettre à d’autres pour en témoigner : « La volupté était pour eux, non point le but de toute leur tendresse, mais un moyen de perdre ensemble le plus qu’ils pussent de leur différence ; car le corps avec le corps peuvent quelquefois s’entendre, et se répondre, et se deviner divinement ; et il demeure de cet instant, une sorte de présence sensitive de l’un dans l’autre, et de souvenir d’une compréhension silencieuse, qui peut servir de type ou de modèle à la relation des esprits… » [7].
Il y a, dans cette analyse valérienne, la description précieuse de la manière dont la tendresse, par l’acte d’amour, subit une « réorganisation mémorielle » (Edelman) de l’amour œdipien. Cette réorganisation génitale adulte devient à son tour une trace mnésique et un modèle pour toute compréhension de l’autre.
Il ne faut perdre de vue que, dans cette histoire, et c’est là toute la difficulté d’en parler et de la conceptualiser, le visible (le moi ?) entraîne la disparition de la chose : c’est la leçon de la fable d’Apulée sur Éros et Psyché, celle d’Orphée et d’Eurydice et celle que Stendhal a reprise, à son insu, en inventant l’amour dans le noir, qui dura des années, de Del Dongo et de Clélia. En construisant une histoire d’amour basée sur le vœu fait par Clélia de ne pas revoir son amant, vœu subtilement respecté et transgressé par des rencontres uniquement nocturnes, Stendhal a retrouvé la loi légendaire de l’invisibilité de l’amour aux yeux de nos perceptions
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