Frustration et sentiment d’inexistence

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Cléiona
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Frustration et sentiment d’inexistence

Message par Cléiona »

Bonjour à tous,

Comme la plupart d'entre vous qui écrivez sur ce forum, je me trouve en détresse d'un sentiment qui m’oppresse et m’empêche de vivre pleinement ma chance d’être en vie.
A 19 ans, je souffre de la peur de ne pas exister. Oui c'est plutôt étrange, et le voir écrit me donne l'impression que ça ne parle pas de moi. Et pourtant, voici mon histoire :
Je suis née dans une famille plutôt aisée, ma mère est une femme de bonne famille qui a été élevée par un militaire, ce qui fait d’elle quelqu’un dont je n’ai jamais été physiquement proche. Mon père, que je préfère rétrograder à « mon géniteur » est pour sa part un enfant coincé dans le corps d’un homme. Mes parents ont eu avant moi un garçon très doué, et après moi un autre garçon qui me ressemblait plus.
J’ai grandi avec de récurrents épisodes de dépression qu’aucun spécialiste n’a pu expliquer à mes parents. J’étais une petite fille à priori comblée et choyée. Mais celle que j’étais ne ressentait pas cela. Elle se sentait incroyablement seule. Je ne cessais de répéter « vous ne pouvez pas me comprendre ». J’exprimais l’envie de disparaître très jeune, pour moi grandir dans ce monde c’était comme être le « dernier dinosaure », seule, étrange, incomprise pour l’éternité.
Le cadre de vie équilibré dont j’ai disposé jusqu’à mes 11 ans s’est écroulé lorsque mon père a perdu son travail et a sombré dans une profonde dépression marqué par l’alcoolisme. Cette addiction l’a transformé, le rendant puéril et hors de la réalité. Depuis cet épisode, son comportement n’a cessé de se détérioré. Evidemment, depuis 10 ans, il est le sujet de préoccupation numéro un de la famille.
J’ai vécu mon entrée dans l’adolescence comme une grande claque dans la figure. Moi qui ne me préoccupait que de moi-même et de mon mal-être, je suis entrée dans le monde « des grands » découvrant toutes les frustrations qui vont avec. Relativement à la situation de mon père, ma mère s’est mise à se confier à moi et mon grand frère sur ce qu’elle reprochait à mon père, sur la situation financière, sur les problèmes des amis de la famille. J’ai littéralement été projetée de ma coquille.
J’ai passé ma vie, on peut le dire, a supporter la frustration des autres qui est finalement devenue ma propre frustration que je n’ai jamais su réprimée. Je suis du genre à dire ce que je pense dans le cadre familiale. Mon grand frère a lui, toujours été tempéré. Il a fui la maison en sortant avec ses copains, en se plongeant dans ses passions, et avait le réconfort d’être plus proche du départ que moi.
L’ambiance a la maison n’a pas été bonne depuis mes 11 ans. Il y a eu de bons moments, mais les pertes d’emplois récurrentes de mon père et l’incertitude financière nous a maintenues dans la frustration et le conflit.
Aujourd’hui, je me contente d’être à la limite du cordiale envers celui que je tiens responsable de ma situation familiale. Je suis incapable d’accepter ce que mon père est devenu, il me dégoute à un point tel que c’est une véritable torture de culpabilité. Pour ce qui est de ma mère, j’ai une rancœur envers elle qui prends le dessus de ce qu’elle a fait pour moi au cours de ma vie. Je lui en veux d’avoir laissé la situation dérapé, puis s’aggravé. Elle a troqué ses principes en se réfugiant dans son travail durant des années, elle qui pourtant était mon icone : une femme forte, qui ne baissait jamais les bras avant d’avoir trouvé une solution pour arranger les choses. Il est arrivé que mon père, dont j’étais la cible favorite de par mon caractère très réactif, s’en prenne à moi, sans qu’elle ne réagisse. Ma pauvre mère a toujours espéré qu’il redevienne comme avant.
La fatigue psychologique et la frustration m’ont poussé à avoir depuis un an des réactions violentes. Par-là, j’entends faire valser des verres par exemple. Il m’est arrivé de porter un coup à mon père qui, complètement saoul, essayait de me border. J’avais 18 ans…
Récemment, j’ai fait l’acquisition d’un petit chien, que j’ai imposé à ma mère qui, trop culpabilisé par mes reproches a accepté sans bronché. Comme tous les chiots, j’ai dû faire son éducation. Et bien que comblé d’amour et d’attention ce petit bonhomme, j’ai été frappé par le manque de patience que j’avais envers lui. Il m’est arrivé d’avoir des gestes à la limite du violent.
La frustration que j’exprime, qui explose à la moindre contrariété me fait de plus en plus peur. J’aime mon petit chien plus que tout, pourtant je suis capable de lever la main sur lui. C’est une énième raison de m’angoisser sur ce que je suis. J’ai honte…
J’ai énormément évolué, appris, mûrit, au cours de ma petite vie. Mais surtout, j’ai toujours agit pour m’en sortir. Je suis très penchée sur le développement de soi, ce qui m’a permis de prendre conscience de l’origine de mes troubles, et d’en résoudre certains. Néanmoins, deux persistent envers et contre tout. C’est pourquoi j’écris sur ce forum. Je ne parviens pas à me défaire de ce qui semble irréversiblement inscrit dans mon inconscient…
- Tout d’abord : maîtriser la frustration que j’ai en moi.
- Ensuite : venir à bout de cette peur de ne pas exister qui est la raison de mon mal-être depuis l’enfance pour dire vraie.
Pour être plus précise sur ce dernier point, je vais m’expliquer : je n’ai jamais eu de relation fusionnelle avec ma mère, même bébé. Je me suis rapidement perdue dans une famille ou l’attention de ma mère s’étalait sur trois enfants, un travail exigeant et une liste démesurée d’impératif dont mon père ne s’occupait pas. Mieux, mon père m’a pris toute l’attention dont j’avais besoin, moi, son enfant, pour grandir et prendre confiance en moi.
Ma mère ne m’a jamais regardé dans les yeux plus de trois secondes. Je me suis toujours sentie inexistante, alors j’ai continuellement cherché à exister pour d’autres que moi. Ainsi, cela me rassurait, je me disais que si mon copain me regardait, alors j’existais, j’avais du mérite et j’étais aimé. Il y a un fossé que j’ai cherché à combler par tous les moyens, sans jamais y arriver évidement.
A ce jour, je culpabilise de beaucoup trop en demander à l’homme que j’aime et qui m’aime. Je ne veux par reporter mes problèmes issus de ma famille sur la vie que je suis en train de me construire. Mon copain m’aime, je le sais, néanmoins quand je suis avec lui il m’arrive bien trop souvent de ressentir un vide immense. Rester une journée seule chez moi est également un grand challenge.
Je suis arrivée à un moment dans ma vie ou je veux apprendre à EXISTER PAR MOI-MEME. Mais j’ai beau lutter pour ne pas céder à la déprime et ce sentiment d’être transparente, je finis toujours par succomber…
Je remercie les personnes qui m’ont lu jusqu’ici, et je me permets de vous demander si vous avez une expérience à me partager, un conseil ou quoi que ce soit qui puisse m’éclairer ?
Merci
Dubreuil
Psychologue clinicien
Messages : 19311
Inscription : 03 août 2012, 17:28

Re: Frustration et sentiment d’inexistence

Message par Dubreuil »

On ne choisit pas ses parents. On ne choisit pas ses enfants. Et nul enfant n’est obligé d’aimer ses parents, et nul parent n’est obligé d’aimer son enfant. Seul le respect de part et d'autre s'impose.
Il y a une marge immense entre le désir d'enfant et l'enfant que l'on met au monde.
Nul n'est préparé à partager. Nul n'est prêt devant " la différence ". Nul ne peut savoir " avant " ce qu'il adviendra " après " de son désir, de ses fantasmes, de ses émotions qu'elles soient positives ou de rejet.
" Faire un enfant ", c'est FAIRE. Et c'est tout.
Faire un enfant pour certaines femmes, c'est ne plus jamais s'en remettre, parce qu'il vivait dans le désir et le fantasme, mais n'était pas " à faire " dans le conscient. Il faut être prêt(e) pour avoir un enfant.
Difficile d'avoir ce recul terrible de se dire que nous n'avons pas demandé à venir au monde de tel ou tel individu. Que l'on a été " tiré " du ?.. on ne sait pas d'où l'on vient. Mais on sait que l'on est porteur de caractéristiques génétiques qui ont racine bien au delà du père et de la mère. Nous sommes issus de la mémoire du monde, des mondes, de l'univers. Nous avons toutes les peines et les joies de l'humanité en nous. Nous sommes infini et universel, chacun (e ).
Nous sommes le lien entre le passé et le devenir.
Bien autre chose que fils ou fille de. Voulu ou renié.
Bien autre chose qu'enfant désiré ou banni.
Nous sommes cela, certes , mais nous sommes tellement plus attendus et complets ailleurs.
Qu'est-ce qu'un désir d'enfant ? Certainement pas une pensée " altruiste " ( on ne met pas un enfant au monde pour qu'il souffre et meurt ) mais un " élan " sexuel. La réponse à l'espèce.
Et viennent s'y greffer " le leurre " du futur parent qui " rêve " son enfant futur. Réel, symbolique, imaginaire.
Dans certains pays on met un enfant au monde et il appartient à la communauté.
On n'appartient qu'à soi.
On ne peut qu'être SEUL en soi, même accompagné, même aimé. Cela semble en effet bien plus confortable d'avoir une maman attentive et présente. Mais si le fait d'en avoir une change la destinée de certains, ce n'est pas toujours dans leur " bon sens ", et d'autres vivent sans et leur vie n'en est pas moins belle, bonne et " réussie ".
Même foetus, nous sommes déjà " indépendants. Et pourtant tributaires " des émotions et sentiments de notre génitrice.
Et cela pourrait être jugé comme injuste et affolant.
Que dire quand on vient au monde, petite fille " inconnue " pour la mère, et face à une autre inconnue. L'une est toute puissante, l'autre est totalement dépendante.
L'amour inné pour l'enfant est une fadaise. Et si l'enfant pouvait tout petit fuir à toutes jambes des bras de certains parents il le ferait sans état d'ême.
L'enfant est un faire-valoir, un objet de jouissance, un objet de troc, un chantage, une victime désignée pour se venger.. etc.. En chacun de nous il y a le pire et le meilleur. A échelle réduite, les parents peuvent passer par toutes ces étapes.. l'enfant est un formidable moyen exutoire.
Parler de l'amour inné de la mère est bon moyen de rassurer tout le monde. Le meilleur argument des diffamations contre les pères ( par ex. ) Et de perversion des liens par les services sociaux, magistrats, etc.. en culpabilisant à vie, à la fois parents et enfants.
Et c'est du lien qui va se tisser entre ces deux êtres que va " se mettre au monde " le bébé qui va grandir, évoluer, penser.
La maman met " physiquement " au monde son enfant. Il est considéré comme " son bien ", " sa chose ". Le bébé vit en symbiose ( par la force de la vie et des choses ) avec elle. Et il n'a aucune chance de s'en sortir, de s'éveiller " au monde " c'est à dire à un autre monde que celui où le maintient cette femme.
Pourtant on dit ; mettre AU monde, pas mettre A SOI.
Et puis, enfin, il va enfin et " POUR DE VRAI " venir AU monde pour la seconde fois, quand le père ou une tierce personne viendra faire " coupure " dans ce lien mortifère. L'enfant va grandir, acquérir la parole et dire Non. Et ce non, parallélement à la venue d'un tiers le libère du joug maternel. Il est enfin au monde.
Nous n'avons pas tous la même vie, nous n'avons pas tous la même chance, nous n'avons pas tous les mêmes envies, besoins, désir. Nous sommes fortement conditionnés par notre langue, notre pays, nos lois, nos croyances, etc..
Tout à revoir, refaire, repenser, redire.. parce que nous sommes libres en nous-mêmes, seuls, et uniques. Il n'y pas LA VERITE, mais notre vérité, acquise au fur et à mesure de nos expériences, et il y a également " notre vérité " dans nos croyances à la mère. Au père.
Cependant, nous sommes séparé d'eux. Ensemble parfois, mais séparés. Donc vivant.
Toute la question est là.
Et tout le travail de l'enfant qui grandit est de " tuer symboliquement " père et mère pour s'assumer et être indépendant.
S'il n'a pas assez " reçu " dans l'enfance, c'est une chose. Mais s'il en a fait son combat, sa colère, ses revendications, sa violence ou ses rancoeurs, c'est autre choses.
On ne peut pas revenir en arrière. Ni pour nous, ni pour l'autre.
On ne peut qu'essayer d'avancer avec ce que l'on a reçu. En prenant le temps de le " reconnaitre, de l'accepter ", c'est ce que l'on fait en thérapie.
Et ce bagage qui nous a été donné s'ajoute à ce que nous " en sommes " devenu. Pour en tirer le meilleur parti et laisser derrière nous ce qui ne nous appartient pas. A savoir les erreurs, les manques, les tortures mentales et/ou physiques, imposés par nos géniteurs. On garde le meilleur. On sait que l'on est " ailleurs ".
On sait que ce qui nous a manqué ne nous sera jamais rendu. Mais que ce que l'on se donne à soi-même de réflexion, de respect, de tolérance, d'attention, d'amour, nous est pour toujours acquis.
PSYCHOLOGUE CLINICIEN - ANALYSTE
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