Lauryanne a écrit :Je ne ressens pas le vent, mais pourtant il existe...
Tu le ressens, puisque tu le sens sur la peau, tu vois le mouvement des arbres, ... Et suivant les cas tu vas juste le remarquer, ou en avoir peur, ou en être heureuse, ... Mais c'est toujours un ressenti. Parfois physique, parfois psychique, mais un ressenti. Notre organisme ne forme qu'une seule unité, pourquoi les perceptions physique et psychique seraient-elles dissociées ?
Mais je comprends ton exemple. Et il y a effectivement des "cas" qui sont ainsi, comme la radioactivité par exemple. Pourtant ton corps la ressent (et en souffre) même si tu n'en prends pas conscience, n'en ressent que les conséquences, ce qui revient au même... Et oui, je pourrais aller plus loin, vers des choses que l'on ne perçoit ou ne ressent nullement. Mais dans ce cas, existent-elles réellement ? Rire.
C'est de la philo, là. Ou de la métaphysique. Et en tout cas pas de la psycho. Mais ça peut être amusant... Ou aider à relativiser, ou à comprendre...
Miris a écrit :J'ose une question, et si c'est jugé inapproprié, hors sujet ou pas au bon endroit, n'hésitez pas à supprimer.
Mais et la plainte dans tout ça ? si les souvenirs sont finalement faux, si les souvenirs se sont réarrangés pour coller au ressenti? Comment savoir? La justice se base sur des faits tangibles, comment faire confiance à ses souvenirs surtout à des flashs, surtout à un jeune âge et avec énormément de vides dus à une amnésie, et si l'esprit avait comblé ces vides?
D'une certaine façon, ma réponse était déjà là :
Jeannette a écrit :Alors ose exprimer tes souffrances et tes ressentis face à ton histoire telle que tu l'as vécue et enregistrée. Il sera toujours temps, après, de rendre ses responsabilités et ses carences à chacun.
Et Mme Dubreuil a donné l'essentiel.
Mais je complète de ce que j'ai "compris" il y a quelques temps, et que je pense que beaucoup de gens n'ont pas intégré, d'où leur frustration face à certains jugements (ou, dans d'autres cas, leur tentative d'utiliser la justice à des fins personnelles) :
la justice sociale a plusieurs rôles, qui évoluent au fur et à mesure de la procédure :
Porter plainte, c'est s'affirmer comme victime d'une souffrance, d'un traumatisme, ou autre. Et à ce stade, ce n'est rien de plus. Mais rien de moins non plus. Et c'est fondamental, comme le disait Mme Dubreuil.
L'enregistrement de la plainte est une reconnaissance de cette souffrance. Sans jugement. D'autant que la souffrance n'est pas mesurable.
L'engagement d'une procédure d'instruction est une reconnaissance de l'existence possible d'une faute du ou des "coupables" et/ou de l'existence de conséquences possibles sur la vie sociale de la personne. On parle déjà moins de la douleur, de la souffrance... On aborde la notion de "faute" et de "conséquences sociales"...
La procédure d'instruction a pour objectif de
mesurer :
- la faute du "coupable supposé" : le respect du simple bon-sens, la prudence, le respect des lois, etc. auraient-ils dû permettre d'éviter les faits, et le "coupable" était-il en mesure de le faire à tous points de vue ? Ses intentions étaient-elles bonnes ou non ?
- les conséquences matérielles sur la vie de la "victime" : incapacité à s'intégrer dans la société et à y avoir la vie qu'il aurait tenue si les faits ne s'étaient produits.
Cette procédure va donc tenter de reconstituer les faits et d'en mesurer les conséquences, par DES témoignages recoupés entre eux pour tenter d'en revenir aux éléments tangibles, par des éléments matériels divers et variés, des analyses d'experts, etc.
Mais elle ne se base, évidemment, que sur des éléments mesurables, l'expérience des experts, des éléments connus ou reconnus à minima statistiquement. On ne mesure pas la douleur. Mais on établit son existence et on mesure ses conséquences. Ce n'est pas pareil...
Le jugement est destiné à déterminer
- la compensation matérielle qui doit être attribuée à la victime au regard de l'impact que les faits ont eus sur sa vie.
- la source de cette compensation : coupable supposé, état, organismes divers, ... sous forme de pension, d'indemnité, ...
- dans le cas du non respect d'une loi, la "punition", la "peine" (prison, amende, ...) qui doit être infligée au coupable
Les conséquences, ou plus exactement les erreurs que beaucoup font et dont ils souffrent :
- la peine infligée au coupable n'est pas liée et encore moins proportionnelle de quelque façon que ce soit à la souffrance, mais uniquement à la "faute" par rapport à la loi, au non respect de celle-ci.
- de même pour la compensation qui ne regarde "que" la différence d'intégration et de participation de la personne à la société entre ce qu'aurait été sa vie (telle qu'on la suppose) si les faits n'avaient eus lieu et ce qu'elle est devenue ou devient.
- sans oublier des cas où les personnes espéraient "effacer" les conséquences par le jugement. Mais on ne peut pas réécrire l'histoire. On ne peut que s'en servir. Une fois que l'on n'en souffre plus.
- culture aidant, certains se substituent à la justice... Et ne supportent pas l'idée d'être mis en doute, que leur "conclusion" ne soit pas validée...
Alors oui, dans certains cas le jugement rendu est frustrant pour les victimes. Mais c'est parce qu'elles en attendaient des réponses autres que celles que la justice sociale est destinée à (et capable de) apporter. Et l'important (d'un point de vue psychologique) pour elles est moins là que dans la démarche d'avoir pu porter plainte (c'est à dire avoir affirmé l'état de victime), d'avoir affirmé la volonté de (se) réparer, d'avoir pu exprimer leur souffrance, etc. Ne serait-ce que cela, c'est une façon d'affirmer aux autres et à soi la volonté de s'en guérir. Et c'est déjà un grand pas en avant. Sans oublier l'aspect pratique, le fait d'avoir la possibilité de compenser les conséquences, ce qui est parfois loin d'être négligeable...
Et oui, dans certains cas la procédure est douloureuse pour les coupables... Mais cela doit-il être un frein ?
- pour les accusés, la procédure est l'occasion d'une remise en question personnelle, d'une ouverture d'esprit sur les conséquences de leurs actes, sur une vision autre de leur propre personne, de leurs actes... Mais juger les actes n'est pas juger la personne et se remettre en question, se confronter à soi-même est douloureux. Certains font tout pour l'éviter tant cette confrontation les inquiète. Mais c'est aussi l'occasion de grandir, de progresser. A eux, et à eux seuls, d'avoir ce courage. Ce n'est pas à nous de prendre cette décision pour eux. D'une certaine façon, nous les priverions au contraire de cette occasion.
- renoncer à porter plainte pour éviter de "faire souffrir" les "coupables", c'est d'une certaine manière se substituer à la justice en s'attribuant, en s'appropriant seul les conséquences de ce qui s'est passé, dans une forme de culpabilité qui n'est pas de mise. Et c'est se priver de l'éventuelle compensation, dans une forme d'"auto-punition".
- je le disais, et outre les 2 points précédents, la justice ne "condamne" que le non-respect de la loi... Les conséquences pratiques pour les "coupables" restent donc nulles si ils l'ont respectée dans la mesure de leurs possibilités... Et dans le cas contraire, c'est aussi l'occasion de leur éviter de ne recommencer.
Lauryanne a écrit :Sauf avec les hommes que j'ai aimé, et avec ma mère....c'est dire si c'est difficle d'assumer son ressenti de victime, quand on vous renvoies que c'est bon là, faut tourner la page...
Oui...
Mais tourner la page n'est pas quelque chose qui se décide.
Et beaucoup confondent "tourner la page" avec "se taire". Et surtout ne pas leur donner l'occasion d'être mis en cause ou mêlés à tout ça... Alors comme tu dis, ils vont utiliser de nombreuses méthodes pour cela... Y compris de "jouer" sur la culpabilité ou sur une "dette" que l'on aurait envers eux...
Par contre, tourner la page se "fait tout seul" le jour où l'on a enfin digéré son histoire, le jour où ile ne sont plus qu'un élément parmi d'autres dans notre mémoire.
Et encore faut-il avoir fait la démarche d'en arriver là. Ce que beaucoup ne font pas, tant il est facile et confortable de se plaindre et d'accuser l'autre plutôt que d'être confronté à soi-même (à ses souffrances, à ses culpabilités, à ses hontes, ...).
A ce sujet tu peux lire ceci :
viewtopic.php?f=717&t=1783&start=20
Sachant que je précise (au cas où) que ce n'est pas l'impression que tu donnes
Lauryanne a écrit :
Il va pas rester grand chose de ma carapace si ça continue...c'est le jeu!!!
Une phrase qui m'est venue à l'esprit il y a des mois : c'est le jour où l'on accepte de ne plus être que l'on n'est (naît) enfin.
Il y a maintenant 5 ans, j'ai (presque) tout quitté de ma "vie" précédente. Maison, mari, relations, ... Même mon corps a totalement changé. Je n'ai gardé que ma relation avec mon fils, et mon boulot.
Il ne restait que moi... Et je ME suis découverte. Une jolie rencontre. Une naissance. Jusque là je survivais. Maintenant je vis.
Aujourd'hui, j'ai (re)construit ma vie. Pas encore totalement stable. Mais une vie qui me ressemble.
Lauryanne a écrit :
un joli chemin d'alpiniste s'offre maintenant à moi....Ouééééé! ( )
Ma devise : Je suis mon chemin.
(je te laisse choisir le verbe, être ou suivre).
N'aient pas peur des vallées qui te font descendre durant la marche d'approche. Le chemin vers le sommet passe par là. Et une fois au sommet... Tu riras des vallées.
Lauryanne a écrit :Cet homme m'aimera toujours je le sais, à sa façon, avec la douceur et le respect que je lui reconnait. Mais il ne me proposera jamais ce dont j'ai besoin: la confiance en moi et en ce que je ressens.
Je vais citer Mme Dubreuil : chacun ne peut nous mener que jusque là où il est lui même allé.
J'ajoute que la confiance en toi, toi seule peut te l'offrir. Si tu le décides.
Avec des citations complémentaires qui résument tout :
-
"A l'instant où l'esclave décide qu'il ne sera plus esclave, ses chaînes tombent." Gandhi. D'ailleurs comme il a souvent été dit sur ce forum, l'autre n'a que le pouvoir qu'on lui attribue...
-
"le maître ouvre la porte. Mais nous seul pouvons la franchir". proverbe chinois
"...Mon chemin n'est pas votre chemin. Je ne peux donc pas vous instruire. Le chemin est en nous, mais pas dans les dieux, ni dans les doctrines, ni dans les lois. C'est en nous qu'est le chemin, la vérité et la vie. Malheur à ceux qui vivent selon des modèles ! La vie n'est pas avec eux. Si vous vivez selon un modèle, vous vivez la vie d'un modèle, mais qui vivra votre vie sinon vous-mêmes. Donc vivez-vous vous-mêmes... Que chacun suive son propre chemin..."
Jung : Extrait tiré du chapitre "La voie de l'à-venir" p.231 (Le Livre Rouge)